Chapitre 31

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L'ambiance était étouffante, la musique semblait s'échapper par tous les coins de la salle.

La discothèque était bondée. Pour un samedi soir, ça ne sortait pas de l'ordinaire mais pour Ace, c'était une véritable épreuve. Il avait comaté au fond de son lit une bonne partie de la journée, se préparer pour aller travailler avait été un véritable calvaire. Il ne rêvait que d'une chose, retrouver ses draps qu'il n'avait jamais trouvé aussi attirants que maintenant. Il était exténué. Et il n'était qu'une heure du matin.

Il s'affala à moitié sur un tabouret du bar pour une faire une toute petite pause. De l'autre côté, Dean s'en sortait plutôt bien. En l’apercevant, le jeune homme rondouillard le rejoignit.

— Tu as une tête à faire peur à un monstre ! le plaint-il.

— Merci, Dean.

Le garçon posa le verre qu'il essuyait sur le présentoir.

— Au fait, lança-t-il comme s'il venait de s'en souvenir, je crois qu'il y a un type qui te cherche.

L'Espagnol fronça les sourcils.

— James ?

Son collègue le regarda de travers.

— J'ai dit un type, pas le patron, se moqua-t-il. Non, il est venu me voir pour me demander si tu étais là. Je lui ai répondu que tu devais être en salle.

Ils furent interrompus par un groupe de filles qui souhaitaient passer commande. L'une d'elles désigna du doigt Ace à sa copine sans se formaliser qu'il était juste devant, elles gloussèrent jetant des regards dans sa direction.

— Blond, grand, yeux bleus il me semble, un peu m'as-tu-vu si tu veux mon avis, reprit Dean quand elles partirent. Il m'a dit de te dire qu'il t'attendait au bar.

— C'est pas vrai ? s'écria Ace en se levant. Il est encore là ?

— Je suppose. Tu le connais.

— Y'a des chances. Je te laisse !

Il se leva d'un bond et fendit la foule, aux aguets. Il s'arrêta subitement quand il le retrouva. Bon sang, qu'est-ce que pouvait bien foutre Tyler ici ? Pourquoi allait-il en boite alors qu'il aurait dû passer la journée à décuver ? Ce type allait le rendre fou.

— ¿ Que coño haces aquí ? Cria-t-il à son oreille.

Tyler se retourna et un sourire surgit sur ses lèvres quand il le reconnut.

— Je n'ai même plus le droit de venir saluer mon mec pendant qu'il travaille ?

L'Espagnol comprit aussitôt qu'il avait encore une fois trop bu. Ses yeux brillaient de même lueur d'excitation teintée d'envie qu'hier. Il avisa la table ; trois verres s'entassaient.

— Tu es seul ? Où est Morgan ?

Le blond haussa les épaules.

— Putain Tyler, tu es encore bourré. Deux soirs d'affilée, ça devient problématique. Rentre chez toi.

— Quand je suis bourré, c'est le seul moment où tu m'embrasses. Et toi aussi.

Ace recula, surpris. Qu'est-ce que c'était encore que ces histoires ?

— Viens, assis-toi, lança-t-il en agrippant son bras.

— Lâche-moi, Tyler. Tu dois rentrer.

— Embrasse-moi, supplia-t-il.

Il jeta des coups d'œils autour de lui en se dégageant de la poigne du blond. Lorsqu'il croisa le regard de son ami, il comprit son erreur. Il s'en voulut aussitôt.

—Tyler, tu es saoul, soupira-t-il. Tu n'es plus toi-même, rentre chez toi, s'il te plaît. J'appelle un taxi et on se voit demain.

Il se leva subitement et Ace dut le retenir pour ne pas qu'il tombe.

— Je suis moins bourré que tu crois. Je me sentais seul, j'avais besoin de te voir. Tu me manques, Ace. J'ai peur que tu te réveilles un matin et que tu te rends compte que c'était absurde nous deux. J'arrête pas de penser que ce n'est qu'une passade, juste histoire de tester les mecs, qu'en fait, tu ne m'apprécies pas et que tu me jettes. On a dit qu'on irait à notre rythme mais et si pour toi, ce rythme c'est juste un passe-temps, un test ? Je crois pas être prêt à entendre ça, tu vois..

Il se tut et évita son regard. Ace sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Il ne voulait pas que Tyler doute, il n'aurait jamais cru que ce soit le cas.

— Regarde-moi, s'il te plaît, exigea-t-il en prenant son menton entre ses doigts pour le forcer à le regarder.

La douleur qu'il lut dans ses yeux bleus lui fit aussi mal qu'un coup de poing dans l'estomac.

— Écoute bien ce que je vais te dire, parce que je ne te le répèterai pas une seconde fois : je refuse que tu te mettes à douter une seule seconde de ce que je ressens pour toi. Je n'ai peut-être pas voulu que tu rentres dans ma vie, mais je veux que tu y restes. Je sais que je te demande beaucoup, j'ai conscience que je ne te donne pas assez, que tu mérites plus. Il faut que tu me crois quand je te dis que je fais tout ce que je peux pour que nous deux, ça marche. Je n'ai pas envie d'abandonner, je n'ai pas envie que tu abandonnes ; j'ai peur moi aussi que tu te lasses. Mais j'ai confiance en toi, je sais que tu ne le feras pas. Il faut que toi aussi, tu aies confiance en moi, Tyler. S'il te plaît.

Des larmes avaient perlé au coin des yeux du blond.

— Je te fais confiance, souffla-t-il.

Ace lui sourit, soulagé. Il caressa la ligne de sa mâchoire du pouce. Tyler ne pouvait pas abandonner, lui aussi avait besoin de lui pour avancer. Il ne savait pas ce qu'il ferait sans lui. Il ne supporterait pas qu'il perde espoir en lui.

— Si je t'embrasse, tu me promets que tu rentres ?

— Oui, bégaya-t-il, soudain intimidé.

Il déposa un baiser sur ses lèvres. Le brun sentit les muscles de son ami se détendre, comme s'il avait été sous pression toute la journée. Ce qui avait été probablement le cas.

— File, maintenant, murmura Ace à son oreille. Je t'envoie un message quand je finis.

Les yeux brillants, les joues rosies par l'alcool ou bien le baiser, Tyler hocha la tête. Il se leva, hésita, lui sourit, avant de se diriger vers la sortie.

Ace s'assit aussitôt à sa place. Ce type allait le rendre malade. Il se frotta la poitrine. Les aveux du blond lui faisait encore mal. Il s'en voulut de n'avoir pensé qu'à lui, de ne pas avoir vu que Tyler se sentait perdu. Il l'avait négligé, ou du moins il ne s'était pas rendu compte des signaux qu'il lui avait envoyés. Ça avait toujours été Tyler qui avait fait le premier pas, qu'il lui avait avoué son attirance, qu'il l'avait complimenté en premier. Il n'aurait jamais pensé qu'il doutait autant de, lui qui était si sûr de lui. Tyler avait passé la journée à ressasser son mal-être jusqu'à se saouler ce soir et passé sa soirée en boîte dans l'espoir qu'il lui accorde un peu de son temps. Ace avait mal agi, encore une fois.

Il s'empressa de saisir son téléphone et lui envoya un message en lui demandant de le prévenir quand il serait arrivé. Ce qu'il s'était passé ce soir lui avait montré qu'il devait être plus présent, à l'avenir.

Il se passa une main las sur son visage fatigué. Allait-il toujours faire tout de travers ?

Quand il releva la tête, il croisa le regard de Dean. Même de là où il se trouvait, il pouvait voir ce qui se jouait sur le visage de son collègue. Il détourna aussitôt les yeux, comme pris en flagrant délit et disparut derrière un groupe de jeunes.

— Jóder, marmonna-t-il entre ses dents.

Il ne savait pas ce que le jeune homme avait surpris, mais il avait dû voir suffisamment.

XXX

Appuyé contre son casier au vestiaire, Ace souriait devant son portable. Tyler l'avait rassuré sur le fait qu'il était bien rentré, il s'était aussi excusé pour son comportement. Mais surtout, il lui avait proposé de se voir vendredi pour travailler sur leur Mémoire. Ils devaient mettre en commun leur avancée pendant les vacances et finaliser leur rédaction. Ils allaient bientôt pouvoir soumettre leur travail au jury. Le blond lui avait proposé de rester dormir, ils pourraient passer le lendemain ensemble.

Ace en avait envie. Il était aussi excité d'y être qu'il appréhendait le moment. Il savait que Tyler ne ferait rien qu'il ne voudrait pas, mais il se mettait la pression, surtout après ce qu'il s'était passé ce soir. Il ne se sentait pas prêt à officialiser leur relation, mais il avait envie de passer à une étape suivante, d'être plus proche de son ami, plus présent aussi.

Il tapota rapidement sa réponse, alla même jusqu'à rajouter un cœur rouge comme l'avait fait Tyler. Il trouvait ça stupide mais ça rendrait le blondinet heureux, et c'est tout ce qui comptait.

La porte des vestiaires grinça, Dean apparut. Lorsqu'il vit son collègue, son visage s'empourpra aussitôt. Il fit demi-tour mais Ace fut plus rapide et le retint par le bras.

— Dean, attends ! On devrait parler...

Le jeune homme fuit son regard.

— Parler de quoi ? Tu fais ce que tu veux.

— Oui, je sais mais... Enfin, je ne voulais pas...

— Je suis désolé, le coupa Dean, je ne voulais pas t'espionner, je t'ai juste aperçu avec lui mais j'ai rien vu du tout, je te jure.

Il s'éloigna précipitamment d'Ace, plaçant ses mains devant lui comme s'il voulait se protéger.

— Quoi ? Non, attends, ce n'est pas grave Dean, je ne te reproche rien et je ne t'en veux pas du tout. C'est juste que je suis encore mal à l'aise sur ce sujet, je n'avais prévu pas de, tu sais... que tout le monde le sache.

Ace passa une main sur sa nuque.

— Je ne dirai rien du tout, je te le promets.

Il grimaça.

— Ce n'est pas un secret. Mais merci.

Dean hocha frénétiquement la tête.

— Alors tout va bien ?

— Oui !

Sa voix était plus aiguë, presque un couinement. Il ne comprenait pas la réaction de son collègue, on aurait dit qu'il avait été témoin de quelque chose d'affreux. C'était comme si, comme si Ace le terrifiait.

— Dean, tu es sûr que ça va ? Tu es vachement pâle. Tu devrais t'asseoir.

Le garçon lui adressa un pauvre sourire mais l'écouta. Ace prit place à côté de lui.

— On peut en parler, ça ne me dérange pas, commença-t-il pour combler le silence.

— Ce... cet homme, c'est ton copain ?

L'Espagnol se mordilla la lèvre.

— Pas tout à fait. Mais je pense que c'est ce qui s'en rapproche le plus, ajouta-t-il en souriant.

— Je suis désolé, j'aurais pas dû dire qu'il avait l'air prétentieux.

— Ne t'inquiète pas, j'ai pensé la même chose que toi quand j'ai vu Tyler pour la première fois ! Le rassura-t-il. C'est l'impression qu'il donne quand on ne le connait pas.

— Tyler..., répéta Dean. Il est beau, ton copain.

Sa voix se brisa. Il tenta de sourire, il ne fit que grimacer pathétiquement. Ace comprit quelques secondes plus tard qu'il pleurait.

— Dean, qu'est-ce qu'il se passe ?

Son collègue enfouit son visage entre ses mains et ses sanglots redoublèrent. Ace ne savait pas comment réagir, ne connaissait même pas la source du malheur de son ami. Il glissa ses doigts autour de ses poignets pour le forcer à le regarder. Dean se jeta alors dans ses bras et le serra contre lui. Pris par surprise, Ace ne bougea pas. Il n'avait jamais été doué pour réconforter les gens, encore plus quand il ne comprenait rien à la situation. Il finit par resserrer ses bras autour de lui et se racla la gorge.

— Pourquoi tu pleures ? C'est à cause de Jordan ? Il t'a fait quelque chose ?

Dean secoua la tête contre son torse. Il finit par se détacher de lui, se frotta les yeux.

— Parle-moi, parce que je t'avoue que je ne comprends pas trop.

Il inspira une grande goulée d'air pour se calmer. Les sanglots le secouèrent mais il ne pleurait plus.

— Je ne savais pas que tu étais gay, commença-t-il d'une voix si basse qu'Ace dut se pencher pour entendre.

— Mais ce n'est pas grave, Dean. Je n'en fais pas un secret et tu n'as rien détruit. Et je ne suis pas gay, j'aime aussi les filles, tu sais.

La douleur qu'il vit dans les yeux de son ami effaça très vite son sourire. Ça ne devait pas être l'inverse, ce n'était pas à lui de s'effondrer parce qu'on l'avait surpris en train d'embrasser un homme ?

— Je savais pas, répéta-t-il.

Il s'effondra à nouveau en larmes.

— Si j'avais su, je te l'aurais dit plus tôt.

Ace fronça les sourcils.

— Me dire quoi ?

— Tu te souviens quand je t'ai parlé d'une fille dont j'étais amoureux ?

L'Espagnol fouilla sa mémoire.

— Je t'avais conseillé de lui avouer tes sentiments.

— Je ne l'ai jamais fait. Et je t'ai menti. Je suis amoureux d'un garçon. Je n'avais jamais connu ça avant lui, ce sentiment de... Il m'intimide et je n'ai pas eu le courage de l'affronter, de dire ce que j'avais sur le cœur. Et maintenant, tu m'avoues que tu aimes aussi les hommes, et j'ai été con d'attendre parce que maintenant, tu as rencontré quelqu'un, je sais que je n'avais aucune chance parce qu'on est trop différent et que je n'ai aucune chance de te plaire mais j'avais espoir, et te voir avec lui en train de l'embrasser tout à l'heure ça m'a fait quelque chose parce qu'il est super beau et j'ai été con de croire que je pourrais te plaire et...

Un sanglot plus violent que les précédents l'interrompit.

Ace observa son ami, la bouche entrouverte, le cerveau tournant à plein régime. Dean venait-il de lui avouer ses sentiments ? Il ne savait quelle attitude prendre, il comprit l'erreur dans laquelle il s'était fourré et ne voulait pas blesser son ami plus qu'il ne l'était déjà.

— Je suis désolé, Dean, je n'avais pas compris que...

— Je sais, et je ne t'en veux pas ! Tu n'as pas besoin de m'expliquer.

Mais Ace ne l'écouta pas. Il avait besoin de lui expliquer, le cœur serré de culpabilité.

— Tu es mon ami, Dean et je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit. Je suis désolé de ne pas m'en être rendu compte plus tôt. Que tu es le courage de me le dire me touche vraiment.

— Je suis désolé, gémit le garçon.

— Arrête de t'excuser ! Tu ne contrôles pas tes sentiments. Tu ne dois jamais t'excuser de ressentir les choses, au contraire, il faut les exprimer parce que ça te saoule. Tu es une personne formidable, Dean, avec un grand cœur. Ne doute jamais de ta bonté.

Son ami sourit à travers ses larmes.

— Est-ce que tu peux me prendre dans tes bras, s'il te plaît.

Son cœur se serra devant la supplication de son ami. Il s'en voulut de le voir se rabaisser autant. Il ouvrit ses bras et Dean se blottit contre lui, comme un enfant aurait fait avec son père.

Il ne savait pas ce qu'il avait traversé pour en arriver là ce soir. Il se doutait que pleurer devant lui devait lui coûter, personne n'aimait se montrer aussi vulnérable, lui le premier. En vérité, il se rendit compte qu'il ne connaissait pas vraiment l'homme qui se tenait derrière le garçon qui servait des cocktails dans une boite de nuit, celui qui avait toujours eu un mot gentil pour lui quand ils se voyaient. Il n'avait prêté que peu d'attentions aux personnes qui l'entourait.

Dean se retira, il sécha pour de bon ses larmes et lui adressa un sourire plus sûr.

— Tu es mon ami, ne l'oublie pas, souffla Ace. Tu pourras toujours venir me voir si tu veux te confier.

— Merci. Tu vas rire mais je suis soulagé de t'avoir tout avouer même si... Maintenant, au moins, je ne vis plus dans l'incertitude. C'est comme si on m'avait ôté d'un poids.

Ace lui rendit son sourire.

— Tant mieux. Et tu sais, je ne suis pas facile à vivre. J'ai été cruel avec Tyler, au début.

— Je suis sûr qu'il ne t'en veux pas. Tu as bon fond, même si tu ne sais pas encore comment le montrer.

L'Espagnol rit de bon cœur devant sa remarque.

— Je le prends comme un compliment juste parce que c'est toi.

Le garçon se leva.

— Il est tard, on ferait mieux de rentrer.

Le brun acquiesça. Ils rassemblèrent leurs affaires, saluèrent James qui ferma derrière eux, et se séparaient sur le trottoir avec un signe de la main après s'être souhaités une bonne nuit.

Ace était encore bouleversé et il eut un pincement au cœur en s'imaginant à la place de Dean. Comment aurait-il réagi si Tyler n'avait pas accepté ses excuses ? S'il avait décidé de lui tourner le dos après tout le mal qu'il lui avait fait ?

Il espérait que son ami était plus fort que ça et qu'il ne se laissera pas abattre. Il se promit d'être présent s'il avait besoin de lui. Il lui devait bien ça.

Dean avait été capable d'affronter sa peur du rejet et de lui avouer ses sentiments. Quoi qu'il en pense, il avait été bien plus fort que lui. Il lui avait montré que ce n'était pas d'être faible que de laisser parler son cœur, que d'avouer ses sentiments à la personne qu'on aimait. Au contraire, c'était une des plus belles démonstrations de force qu'il avait été donné à voir à Ace.

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