Chapitre 32

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Le vendredi suivant, Ace se rendit chez Tyler. Le portail était grand ouvert, il remonta l'allée. Il n'avait pas eu l'occasion de s'arrêter pour vraiment observer l'extérieur ; la seule fois où il était venu en plein jour, ils s'étaient précipités à l'intérieur à cause de la pluie.

Un chemin de pierres sinuait à travers une pelouse tondue, certainement par le jardinier. Des rosiers avaient été plantés au pied des murs, ça et là, des arbustes parsemaient le terrain. Il reconnaissait des orangers du Mexique – il en avait un chez son père, Isabella adorait les agrumes – et un gros érable qui avait dû être planté quand Tyler était tout bébé.

Il regrettait d'être en plein hiver, car venu le beau temps, l'endroit devait être très joli. Il se demanda s'il l'observait un jour.

Il avait plu ce matin, l'air été chargé de l’odeur d'herbe mouillée et d'humidité. Le vent était au rendez-vous et il y avait peut-être même une chance qu'il se mette à neiger au vu des nuages menaçants qui s'approchaient. Ace s'était emmitouflé pour faire le trajet : il avait opté pour un col roulé violet, Cassie avait supplié leur père de l'acheter en prétextant qu'il faisait ressortir les cheveux onyx de son frère. Il avait enfilé un blouson en cuir noir par-dessus et l'avait assorti d'un pantalon ample. Il avait hésité à prendre le bonnet offert par son ami, mais il savait qu'il serait touché de le voir avec. Bien sûr, il traînait un sac sur ses épaules, au cas où.

Quand Tyler lui ouvrit, il réprima un sourire. On aurait dit qu'il avait été sorti du lit, encore une fois : habillé d'un t-shirt bien trop grand pour lui et d'un bas de jogging, il était pieds nus et avait les cheveux tout ébouriffés. Et pourtant, il était toujours aussi beau, inondé par cette lumière en lui.

Le blond surprit son regard.

— Oui, j'avoue tout : J'ai fait une sieste et j'ai peut-être oublié de mettre un réveil. Tu as de la chance que je me sois levé.

Il se pencha en avant et l'embrassa pour étouffer son rire.

— Dis donc, tu t'es très vite complu dans la situation.

— C'est-à-dire ?

— Rien, laisse tomber et fais-moi entrer, je meurs de froid.

Tyler leva les yeux au ciel et ouvrit en grand la porte.

— Au fait, souffla-t-il tout bas tandis qu'Ace enlevait sa veste, on ne sera pas seuls cet après-midi.

Il passa une main dans ses cheveux, embarrassé.

— Mon père est à la maison. Il est renté hier soir. Mais il repart ce soir !

L'Espagnol avança dans le salon pour le rejoindre.

— Il ne devrait pas nous déranger, on ira dans ma chambre et...

— Tyler. Ce n'est pas grave que ton père soit là. Je suis sûr que ce n'est pas la première fois qu'il rencontre un de tes amis.

Il sourit et son ami releva l'ironie.

— Peut-être, mais ça ne veut pas dire que je voulais qu'il te rencontre tout de suite.

— Ah bon ?

— C'est quelqu'un de... spécial, enfin il a un fort caractère.

Il haussa les épaules comme pour mettre fin à la discussion et se pencha pour l'embrasser une fois, deux fois, trois fois pour l'obliger à répondre à son baiser Il finit par céder en gloussant quand Tyler glissa un doigt entre ses côtes. Il était bien plus entreprenant que la dernière fois, Ace n'était pas habitué à toute cette démonstration de sentiments. Il ne savait pas encore s'il appréciait.

Soudain, des pas se firent entendre dans l'escalier et le brun se sépara brusquement de son ami comme s'il avait été brûlé. Il croisa le regard de Tyler qui lui fit un sourire crispé.

Bien qu'il avait assuré le contraire, rencontrer le père de son ami n'avait rien d'une banalité. Il ne voulait pas que ça arrive aussi vite, pas dans ce contexte là, mais c'était trop tard. Au moins, il ne serait qu'un de ses amis.

— Je n'avais pas rêvé, je t'ai bien entendu discuter avec quelqu'un. Bonjour.

Âgé d'une quarantaine d'années, le père de Tyler était dans la force de l'âge. Ace remarqua immédiatement la ressemblance avec son fils : mêmes yeux azurs, mêmes cheveux blonds bien qu'ils soient coupés plus courts. Ils faisaient la même taille mais sa carrure était plus marquée et une barbe de quelques jours lui mangeait la mâchoire. Il portait un pantalon de costume et une chemise dont il avait dénoué le premier bouton.

— Bienvenue, je m'appelle Edward.

— Enchanté, Ace, répondit-il dans un sourire poli.

— Alors, qu'avez-vous cet après-midi ? demanda-t-il à son fils.

Le silence qui précéda sa réponse fut éloquent pour le brun.

— Étudier. Nous devons terminer un travail pour la fac.

Edward se tourna vers Ace.

— J'espère qu'il ne te laisse pas faire tout le travail. Il peut être frivole parfois. Mais je suis ravi de voir que vous prenez tous les deux vos études à cœur. À votre âge, j'étais aussi impliqué que vous, ce qui m'as permis de devenir un très bon chirurgien.

— Ce doit être un métier passionnant.

— En effet ! C'est ma plus grande fierté.

Sa mâchoire se contracta. Il ne connaissait rien aux liens qu'entretenaient Tyler avec son père mais cela ne l'empêcha pas de trouver sa remarque déplacée.

— Je suis sûr qu'Ace serait enchanté d'écouter vos exploits une prochaine fois, papa, mais nous avons un projet à terminer, interrompit brusquement Tyler.

— Bien sûr, je vous laisse ! Bon courage, leur souhaita Edward tandis qu'ils s'éloignaient.

— Vous savez quand vous partirez ?

Son père regarda sa montre.

— J'ai une opération importante demain matin à la première heure sur la côte ouest. Gerald doit passer dans l'après-midi avant que je parte pour l'aéroport.

— D'accord, prévenez-moi quand il sera là, je descendrai le saluer.

Tyler grogna quand il s'affala sur son lit.

— Il m'énerve ! Il ne peut pas s'empêcher d'être comme ça devant mes amis qu'il ne connait pas.

— On peut dire qu'il a une haute estime de soi, se moqua le brun en s'asseyant à côté de lui.

Il laissa le silence s'installer, ne sachant pas s'il pouvait aborder ce qui le tracassait.

— Au fait, quand ton père a dit que son métier était sa plus grande fierté...

Tyler ouvrit les yeux pour croiser le regard du brun.

— Ah, tu as remarqué. J'ai l'habitude maintenant, tu sais. À force, on n'y prête plus vraiment attention.

— Je comprends mieux ce que tu voulais dire quand tu disais que tes parents préféraient travailler plutôt que passer du temps avec toi.

— On a tous des problèmes familiaux. J'ai appris à vivre avec, comme tu l'as fait aussi.

Ace n'insista pas et l'embrassa.

— Pourquoi tu vouvoies ton père ? demanda-t-il, curieux.

— Je ne sais pas. C'est comme ça depuis tout petit, ils m'ont appris à les vouvoyer alors c'est devenu une habitude. On est bizarres, nous les riches.

Il lui tira la langue avant de l'attirer contre lui. Il posa sa tête sur le torse qui l'enveloppa de son bras. Tyler passa une jambe en travers des siennes. Installé ainsi, les cheveux du blond lui chatouillaient le menton et son souffle s'échouait dans son cou, mais son odeur flottait jusqu'à lui.

Ils restèrent de longues minutes immobiles, profitant simplement de la chaleur de l'autre. Ace se mit à caresser distraitement le bras de son ami, tandis qu'il était perdu dans ses pensées. Tyler ferma les yeux, bercé par la respiration du brun.

Au fur et à mesure que le temps s'écoulait, il sentait son ami s'affaisser sur lui. Sa respiration devenait de plus en plus régulière.

— Il faudrait qu'on bosse maintenant, sinon on aura jamais le courage, chuchota-t-il.

Tyler grogna en sortant de sa léthargie.

— Allez marmotte, tu as déjà fait une sieste.

— Peut-être mais tu n'étais pas là. Et je ne dors pas.

Ace se dégagea brusquement. Le blondinet protesta quand sa joue rencontra le tissu froid des draps.

— Je croyais que tu ne dormais pas.

— Ce n'est pas une raison pour repousser les gens comme ça !

— Tu me tenais trop chaud, lâcha-t-il comme une évidence.

— Tu as de la chance que je n'ai pas le courage de t'en mettre une.

Ace rit de bon cœur, tous les deux savait que ça ne sera jamais le cas. Il le poussa du pied dans l'espoir de le voir tomber du lit mais il se retint à sa jambe.

— Bon, au boulot !

Son ami grogna une dernière fois en s'étirant.

Ils travaillèrent une bonne partie de l'après-midi. Ils voyaient enfin la fin, l'aboutissement de plusieurs mois de travail. Ils terminèrent l'écriture de leur dossier, corrigèrent les dernières coquilles et mire à jour la bibliographie. Après quoi, Tyler appuya sur la touche d'impression.

— On a réussi, chuchota-t-il, le dossier finalisé entre ses doigts.

Ace repensa à tout ce qu'ils avaient vécu. Ce Mémoire retraçait en quelque sorte leur relation. Ils se revit à la bibliothèque le premier jour, en train d'attendre son binôme qui était en retard. Comment il avait pu le mépriser ! Qui aurait cru qu'il serait aujourd'hui dans la chambre de son ami, un sourire aux lèvres devant les yeux brillants de fierté de Tyler et avec cette envie irrépressible de l'embrasser ?

La voix d'Edward résonna en bas de l'escalier, annonçant que Gérald était arrivé avec sa fille. Le brun n'eut aucun mal à deviner son identité lorsqu'il croisa le regard de son camarade.

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