Chapitre 39

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Maria leva les yeux quand Ace entra. Elle interrompit la discussion avec un client accoudé au comptoir pour le saluer :

— Ace, mon chou ! Tyler m'avait dit que tu passerais, il t'attend sur une des petites tables du fond.

— Merci, Maria.

— Je suis contente de te revoir ici, souffla-t-elle lorsqu'il passa près d'elle.

Elle lui lança un clin d'œil auquel il répondit par un timide sourire. Il était surpris qu'elle le reconnaisse aussi vite alors qu'il était venu qu'une fois, des mois plus tôt. Mais aucun habitué n'avait dû faire une scène comme il en avait fait.

Tyler ne l'avait pas entendu arriver. Il était penché sur son ordinateur, les sourcils froncés. Il porta son verre à ses lèvres. Ace ne se manifesta pas tout de suite, il préférait l'observer encore un peu : son visage aux traits lisses qu'il connaissait bien maintenant, ses lèvres douces à la mine boudeuse, ses cheveux blonds qu'il savait doux, ses yeux bleu océan qui cachaient sa malice et une langue bien pendante.

Il passa une main dans ses cheveux et le cœur d'Ace fondit un peu plus.

Soudain, le blond croisa son regard. Son visage s'illumina.

— Votre rendez-vous est arrivé, monsieur.

Ace se pencha pour l'embrasser.

— Tu as vu, je suis à l'heure.

Tyler affichait une tête d'ange, fier comme il était.

— Même en avance. Preuve que le monde tourne de moins en moins en rond, le charria-t-il.

Il reçut une tape sur le bras.

— Arrête de dire des conneries et mets-toi plutôt au boulot.

— Tu faisais quoi ?

— Mon cours de droit des sociétés. C'est du pur charabia, soupira-t-il, démoralisé.

— Je ne vais pas pouvoir t'aider.

Tyler grimaça.

— J'aurais vraiment touché le fond si je devais demander de l'aide à un première année.

— Alors arrête de te plaindre.

— Occupons-nous de notre oral plutôt que de vouloir m'anéantir.

Il sortit de son sac quelques notes qu'il avait préparées.

— J'ai commencé à écrire un script. Enfin, dans les grandes lignes. Si on est toujours d'accord, tu joueras le rôle de l'avocat de la défense et moi je serai celui de la partie civile.

L'Espagnol hocha la tête qu'il avait appuyée contre sa main.

— Ton rôle sera donc de tout faire pour convaincre les jurés et les juges que ton client est innocent. Et le mien, sera tout l'inverse. Mrs. Pierce jouera la victime. J'ai bien récapitulé ?

Ace réitéra son geste.

— Il ne reste plus qu'à écrire notre script en se basant sur notre mémoire. Le but est de réutiliser les arguments tout en les adaptant à la situation. Mais (et Tyler leva un doigt), il ne faut pas faire du copier-coller. Le jury aura déjà lu notre dossier donc inutile de répéter ce qu'ils savent déjà. Et (il leva un second doigt) la partie de Mrs. Pierce doit être le plus court possible car elle ne doit rien apporter, seulement faire office de lien entre nous deux. Elle donnera donc juste la version des faits de la victime et répondra à nos questions. Le reste sera du monologue, on ne retranscrira pas à la perfection un procès pénal. Peux-tu arrêter de me regarder comme ça ?

— Comment ? demanda innocemment Ace.

— Comme tu le fais actuellement.

—Tu savais que tu étais sexy quand tu jouais au professeur ? chuchota-t-il d'une voix mielleuse.

Tyler soupira d'exaspération mais ses joues rosirent.

— Tu n'as rien écouté ! l'accusa-t-il.

— Bien sûr que si ! Je ne suis pas idiot, je peux faire deux choses à la fois : t'admirer et t'écouter.

Cette fois-ci, son ami ne parvint pas à cacher son trouble.

— Je ne sais pas ce que je préfère, finalement : le Ace acariâtre et revêche ou celui amoureux.

La pique atteint le but souhaité.

— Pardon ? Tu délires. La constitution d'une société a endommagé tes derniers neurones restants.

Tyler éclata de rire devant la mimique outrée de son ami.

— Dépêchons-nous, je n'ai pas envie d'y passer des heures. Avec un peu de chance, il nous restera du temps pour d'autres occupations.

Après un dernier gloussement, ils reprirent leur sérieux, le blond heureux d'avoir remporté la bataille.

Les deux jeunes hommes passèrent tout l'après-midi à rédiger leurs dialogues. Contre toute attente, ils se complétaient bien : Tyler, plus à l'aise à l'oral, s'occupait de rendre les dialogues fluides, il annotait chaque réplique d'Ace avec le ton qu'il devrait utiliser pour l'aider à mettre en scène son personnage. Il lui donnait également des conseils sur son éloquence et la façon dont il plaidera. Quant à Ace, il apportait les connaissances en parcourant leur mémoire.

Une fois satisfaits, ils envoyèrent leur script à Mrs. Pierce. Elle leur promit de le lire dès le soir même et de leur faire part de son avis.

Tyler referma son ordinateur et soupira de soulagement. Le brun s'étira, courbaturé d'être resté assis. Comme si elle avait gardé un œil sur eux, Maria s'approcha au même moment.

— Eh bien dites-moi, vous avez travaillé d'arrache-pied, les jeunes. Si avec ça, vous n'obtenez pas une bonne note, je me déplacerai personnellement à votre école pour leur botter les fesses !

— Je savais qu'on pouvait compter sur toi, Maria, s’esclaffa Tyler.

— Je vous sers quelque chose pour vous récompenser ? C'est la maison qui offre, lança-t-elle avec un clin d'œil.

— Alors si c'est la maison qui offre, ça ne se refuse pas ! Un monaco pour moi.

— Pareil.

— Ça arrive toute de suite mes choux.

Quelques minutes plus tard, elle déposa leurs boissons sur la table.

— Maria... commença Ace alors qu'elle allait repartir.

Elle se retourna, un sourire aux lèvres. Il chercha ses mots devant le regard patient et attendri de la gérante du bar. Il savait que ce qu'il devait faire, mais ce n'était jamais facile d'admettre ses erreurs

— Je crois que je vous dois des excuses. Je me suis emporté la dernière fois quand vous aviez dit que... Je n'aurai jamais dû vous dire toutes ces choses, je le regrette.

— Oh mais c'est déjà oublié mon chou ! Tu n'es pas la première personne à élever le ton sur moi, et tu ne seras certainement pas le dernier.

— Peut-être mais ça n'excuse en rien mon comportement.

— Si tu tiens tant que ça à me pardonner, d'accord. J'accepte tes excuses.

Elle lui adressa un sourire rayonnant.

— Merci.

Elle fit mine de s'éloigner avant de se pencher vers lui :

— Tu remarqueras que mon flair a toujours raison. Tyler m'a tout raconté pour lui et toi. Je suis contente pour vous.

— Maria ! Tu avais dit que tu tiendrais ta langue, rouspéta le blond avec une expression boudeuse.

— Oh mon chou, tu me connais maintenant ! Rappelle-toi la dernière fois, quand tu m'avais dit pour le petit châtain... Comment s'appelait-il déjà ?

— Tu entends ? Je crois qu'on t'appelle au bar, s'écria-t-il en se levant pour la pousser gentiment loin de leur table.

— D'accord, d'accord, je vous laisse en amoureux ! abdiqua-t-elle en levant les bras.

Tyler déposa un baiser sur sa joue avant de rejoindre Ace. Il lui sourit quand il se rassit en soufflant. Il comprenait que, d'une manière ou d'une autre, Maria comptait pour Tyler. Il ne s'était jamais vanté des conquêtes qu'il avait eues, même à Morgan ou du moins, ne l'avait pas fait en public. Alors, pour qu'il le raconte à la gérante du bar, c'est qu'il l'estimait. Et puis, c'était un habitué du lieu, cet endroit devait sans doute lui procurait un certain réconfort.

— Elle ne peut pas s'empêcher de jouer à la maman-poule.

— C'est mignon.

Puis Ace se redressa et croisa les bras sur sa poitrine.

— Il s'est passé quoi avec le gars dont elle parlait ?

— Quoi, tu serais jaloux ?

Il fronça les sourcils et pinça les lèvres.

— N'importe quoi. T'es pas Chris Hemsworth non plus.

Il était suffisamment intelligent pour se l'admettre en réalité. Mais donner satisfaction à son ami ? Il préférerait se couper la langue.

— C'est vrai. Il te plaît cet acteur ?

— Je ne sais pas, tu m'en poses des questions.

— Ah oui ? Ça veut dire qu'il n'y a que moi de la gent masculine qui arrive à te mettre au garde-à-vous, susurra Tyler.

— Tu vas arrêter avec tes remarques obscènes ? rouspéta-t-il en s'emparant de son verre pour se donner contenance.

— Tu ne disais pas non la dernière fois.

Ace avala de travers. Il toussa, avant de lui jeter un regard assassin. Mais ses joues le trahirent.

— Callaté, gillipollas.

Tyler lui fit un sourire étincelant avant de siroter son verre. Ace repensa soudain à la promesse qu'il avait faite à Andreï. Il n'avait pas trouvé le temps de parler au blond du projet de son meilleur ami et même ce dernier n'en montrait rien, il était impatient de commencer. Il ne le pressait pas, mais ce n'était pas une raison pour le faire attendre.

— Mais en parlant de ça, j'ai quelque chose à te demander.

— Quoi donc ? Tu veux essayer le BDSM ?

— Tu ne t'arrêtes jamais, hein ? Non, c'est autre chose : Andreï a un projet de fin d'année à faire. Il doit peindre une toile et la soumettre à un jury. C'est un peu comme notre mémoire mais c'est de l'art, quoi. Bref, il a une idée, il voudrait peindre un nu... de nous deux, compléta-t-il sous le regard abasourdi du blond.

— Tu entends quoi par « un nu de nous deux » ?

— D'après ce que j'ai compris, on ne le sera pas totalement. Il va cacher nos parties et nos têtes par une sorte de draps, enfin je crois. Mais il a vraiment envie de tenter le coup, il dit qu'on est complémentaires et qu'il y a un message à faire passer.

— Il voudrait faire ça quand ? demanda-t-il après un silence.

Ace haussa les épaules.

— Dans les prochains jours, à l'appart.

Ace lut sa réponse dans ses yeux avant qu'il ne parle.

— Si t'es partant, pourquoi pas. Je n'ai jamais été modèle mais ça peut être une expérience plaisante. Sauf s'il utilise ça comme une excuse et qu'il veut tout autre chose, en réalité.

— C'est vrai ? Andreï serait hyper content.

— De tenter l'expérience ?

L'Espagnol le prévint silencieusement et il arrêta aussitôt.

— Pas toi ?

— Je lui ai répondu que je le ferai seulement si tu acceptes. L'art et moi ça fait deux, mais s'il est heureux, alors je le suis aussi.

— Tu me tiens au courant, conclut Tyler. Au pire, je l’appellerai, il saura bien mieux m'expliquer que toi.

Il ne put qu'acquiescer. Il continua d'évoquer dans les grandes lignes le projet d'Andreï, ou du moins ce qu'il en avait compris. L'Espagnol était certain que son compagnon accepterait, tout ce qui sortait de l'ordinaire lui plaisait. Mais il était touché qu'il le fasse pour son meilleur ami. Il aurait tout aussi bien pu refuser, il ne le connaissait pas vraiment et n'avait aucune obligation.

Il écouta Tyler divaguer sur les musées et galeries d'art de la ville et bien que cela ne l'intéressait pas, il ne l'interrompit pas une seule fois, les yeux rivés sur lui.

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