Chapitre 41

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Andreï avait travaillé d'arrache-pied toute la semaine. La toile était maintenant terminée. Il avait invité Ace et Tyler qui avaient été abasourdis devant le travail effectué. La toile était splendide : au premier plan, deux hommes avaient été représentés. Pour ceux qui les connaissaient, il n'y avait aucun doute sur leur identité mais ils avaient finalement donné leur accord à Andreï. On pourrait croire que le tableau avait un aspect plus dramatique qu'il ne laissait paraître : la main posée sur le torse établissait une volonté de distanciation, alors que celle caressant la joue trahissait ce sentiment puissant qui les unissait. Étaient-ils en train de lutter contre leurs émotions, comme si l'amour entre les deux personnages était interdit ? Mais le regard échangé ne trompait pas.

Andreï avait accentué leur couleur de peau afin que le contraste soit plus visible, notamment avec les tissus. Le drap bleu roi sur la peau claire tranchait avec celui rouge sang que portait Ace. Derrière eux, la fenêtre ouverte laissait passer les rayons orangés d'un soleil couchant qui permettaient de créer cette atmosphère d'intimité. Ils avaient face à eux deux princes, deux âmes sœurs.

Le tableau était à couper le souffle. Ace était très fier de son ami et ému du cadeau qu'il leur faisait ; bien plus qu'un projet d'école, il leur offrait sa vision de leur couple. Il ne regrettait pas de l'avoir aidé. Il avait réussi à cacher son émotion mais ses yeux brillants de reconnaissance le trahissaient.

Tyler, plus démonstratif, avait remercié Andreï d'une voix vibrante. Il avait essuyé une larme quand il s'était cru à l'abri des regards mais Ace l'avait surpris. Il l'avait alors pris dans ses bras.

Il ne restait plus qu'à soumettre le tableau au jury. En attendant, il reposait dans l'atelier, en sécurité. Andreï avait profité d'un repos bien mérité pour passer le week-end chez ses parents. Il avait proposé à son meilleur ami de l'accompagner mais l'Espagnol avait refusé. Il avait d'autres projets en tête.

XXX

On frappa à la porte. Ace s'empressa d'ouvrir. Un sourire naquit sur ses lèvres sans qu'il ne puisse le contrôler quand une tête blonde apparut.

— Buenas.

— Bonjour, toi.

Tyler embrassa son ami. Il le fit entrer, le débarrassa de son sac tandis qu'il enlevait manteau et chaussures.

— Andreï a fait bon voyage ?

— Oui, il est arrivé pour le déjeuner. Tu as faim ? On peut manger tout de suite.

— Pourquoi ? Ne me dis pas que tu as déjà les crocs.

— Je suis allé à la salle ce matin et je n'ai rien avalé avant de partir ! se défendit le brun.

— Tu aurais dû, ça t'apprendra. J'ai hâte de découvrir ce que tu nous as mijoté.

Il se mordit la lèvre, embarrassé.

— J'avais prévu de commander... Je ne suis pas très cuisine, tu le sais, plaida-t-il devant l'air outré de son ami.

— Je vois. Tu m'invites chez toi pour la vraie première fois et tu ne me prépares même pas un repas digne de ce nom. J'ai choisi le bon mec, moi.

— Primo, je ne suis pas ton mec.

Ace le saisit par les hanches et se colla à lui.

—Secundo, je ne suis peut-être pas doué pour ça, mes atouts sont ailleurs...

Tyler écarquilla les yeux devant son audace.

— Pardon ? Ace Cruz, il faudrait redescendre sur terre de temps en temps.

Il chercha à se libérer de son étreinte sans succès.

— J'aurais tout le temps de te montrer le contraire ce week-end. Tertio, ajouta-t-il avant qu'il n'ouvre la bouche, je cuisinerai pour toi ce soir, si tu es sage.

— Tu as perdu la tête.

Il l'embrassa pour faire tomber ses dernières barrières. Puis, il le libéra et prit son portable.

— Burger ou pizza ?

— T'es vraiment un cabrón.

— Il n'y a que moi qui ai le droit de dire ça.

— Tu préfères quoi ? Maricón ? Tu me diras, ça te correspond plutôt bien.

L'Espagnol se retourna, bouche bée.

— Petit insolent !

Le blond leva les bras, prêt à se défendre, mais Ace saisit ses poignets et le força à reculer. Il bascula dans un cri sur le canapé. Écrasé par le poids de son compagnon, il ne pouvait plus bouger.

— Dégage, maricón ! le provoqua-t-il.

— Tu veux jouer à ça ?

Il s'assit sur lui et plaça ses poignets qu'il tenait toujours au-dessus de sa tête. Tyler dut implorer sa pitié.

— Je ne dis que la vérité, lâcha-t-il, une lueur mauvaise quand Ace lâcha du lest.

— C'est faux. Je suis Tylersexuel.

Le blond cligna des yeux avant d'éclater de rire. Ace le rejoignit.

— N'empêche que c'est vrai, reprit le brun quand ils se furent calmés.

— C'est vrai que tu n'as jamais été attiré par un autre homme que moi mais peut-être que c'est parce que tu viens de découvrir ta bisexualité. Avant, tu ne t'étais jamais posé la question.

— Possible. Mais je préfère croire qu'il n'y a que toi qui me fais ressentir toutes ces... toutes ses sensations et émotions. je ne veux pas qu'il y en ait d'autres.

Tyler plongea son regard dans le sien. Il était touché, bien plus qu'il ne voudrait l'admettre. Il sourit doucement et l'embrassa.

Ace se laissa aller dans ce baiser. Il glissa ses mains sous le pull de son amant et caressa sa peau. Quand il bougea sur le petit canapé pour s'allonger à côté de lui sans cesser de frôler ses lèvres, Tyler le repoussa gentiment.

— Tu n'avais pas faim ?

— Je peux te manger.

Les mots lui étaient venus sans réfléchir, il se délecta du regard troublé de son amant et de ses joues qui rosirent. Voir Tyler chamboulé était la plus belle des récompenses. Finalement, il n'en fallait pas beaucoup pour le déstabiliser non plus et maintenant qu'il avait compris, il prendrait un malin plaisir à continuer. D'autant plus que c'était la vérité. Un seul mot de sa part et il lui arracherait lui-même ses vêtements.

Il avait du mal à réprimer ses envies quand il était avec lui. Quand il n'était pas là, c'était pire encore ; il se languissait de son contact, de son corps chaud contre le sien et de ses baisers. Il ne cessait de penser à lui, attendait avec impatience le moment où ils seraient réunis. Un appétit charnel le dévorait, son amant réussissait à affoler ses sens si facilement que ça en était déroutant. Il en était le premier étonné : il n'avait jamais connu ça auparavant, même avec Vanessa

Il voyait bien que son monde commençait à graviter autour d'une tête blonde comme le soleil. Ça lui faisait peur, il se sentait dépassé par des évènements qu'il ne pouvait pas contrôler. Mais il avait confiance en Tyler, en eux.

— Je crois qu'on devrait manger un morceau quand même.

— D'accord, acquiesça-t-il, une pointe de déception dans la voix.

Il l'embrassa une dernière fois avant de s'extirper du canapé et de le libérer.

Tyler passa le repas à le taquiner sur ses séances de sport. Ace le provoqua en lui proposant de faire un footing. Quand il lui adressa un regard de détresse, il insista tant et plus que Tyler finit par accepter. Tenant sa vengeance, il lui prêta un short et un t-shirt et se changea lui aussi.

Ace descendit dans la rue, tout sourire. Tyler, lui, ne pipait mot. Il devait s'en vouloir.

— Allez la limace, c'est parti !

Il commença à courir, obligeant son ami à le suivre. Mais il ne pouvait pas l'empêcher de râler. Il l’emmena vers le parc non loin de là où il habitait. Il était suffisamment petit pour en faire le tour rapidement, Ace comptait bien forcer son compagnon à en faire au moins deux.

Il faisait froid, le vent sifflait à leurs oreilles et chacune de leurs expirations faisaient naître un nuage devant eux. Quand Ace tourna la tête vers le blondinet, il pouvait voir le bout de son nez tout rouge. Ses pommettes de la même couleur faisaient ressortir ses yeux bleus.

La course les réchauffa quelque peu. Ils ne parlaient pas, ils économisaient leur souffle. Mais ils n'avaient pas besoin d'échanger ; Ace se sentait étrangement à sa place. Il avait calqué sa foulée sur celle de Tyler pour le laisser guider le rythme. Il l'entendait respirer à côté de lui et quand ils échangeaient un regard, son cœur fondait un peu plus. Il aurait pu courir un marathon, du moment qu'il le fît avec lui.

Tyler abandonna au second tour, il s'arrêta, les mains appuyées sur ses genoux, cherchant à reprendre son souffle. Ace s'approcha en trottinant.

— Je t'ai sous-estimé, tu as plus d'endurance que ce que je pensais.

— Et moi, j'ai été con de croire que ce n'était que de la gonflette.

— La musculation et la course, ce sont deux choses différentes.

— Eh bien tu excelles dans les deux. Content ? On peut rentrer, maintenant ?

Ace éclata de rire. Ils prirent le chemin du retour, en marchant cette fois-ci.

— Je déteste être en sueur, grimaça Tyler quand il mit un pied dans l'appartement. Je vais prendre une douche.

Ace se faufila derrière lui, l'emprisonna dans ses bras et lécha la peau de son cou. Elle avait le goût acide de sa transpiration. Son compagnon glapit et se libéra.

— Tu es dégoûtant, Ace !

— On a fait bien pire, je te signale.

— Peut-être, mais ce n'est pas une raison !

Oh que si, ça en était une. Ace n'arrivait pas à détourner les yeux. Les cheveux humides du blond lui collaient aux tempes, des perles de sueur brillaient sur son front et son t-shit mouillé sa calquait à son torse. Ses joues étaient encore rouges de la morsure du froid, sa poitrine se soulevait et s'abaissait, il ne s'était pas remis de la course et de la montée des escaliers.

Il croisa son regard azur, l'attrapa et l'emprisonna dans le sien. Pris au piège comme une proie devant des phares, il le laissa s'approcher. Des idées plus folles les unes que les autres envahissaient l'esprit de l'Espagnol, circulaient dans ses veines, brûlaient son corps et alimentaient le brasier de son cœur.

Tyler dut lire tout cela en lui, car sa respiration saccadée s'arrêta lorsqu'Ace se pencha à son oreille.

— Si tu crois que ta sueur me dégoûte, tu te fous le doigt dans l'œil. Tu n'imagines pas toutes les choses que j'ai envie de te faire.

Tyler déglutit.

— Comme quoi ? demanda-t-il dans un filet de voix.

— Je pourrais te faire l'amour là, tout de suite. Te dévêtir pour admirer ton corps nu, goûter chaque parcelle de ta peau. Je veux te sucer, te prendre et te sentir autour de moi. Mais surtout, je meurs d'envie de t'embrasser.

Tyler se mordit violemment la lèvre quand Ace prit son menton entre ses doigts. Il le força à le regarder.

— Fais-le, souffla-t-il. Fais-moi tout ce que tu m'as dit. S'il te plaît.

Un sourire mauvais naquit sur ses lèvres.

— Todo lo que querrás, cariño.

Il captura sa bouche, força le barrage de ses lèvres pour atteindre sa langue. Le blond gémit, s'accrocha à ses épaules. Il lui offrait son corps.

Ace allait le vénérer comme il ne l'avait jamais fait auparavant.

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