Une parenthèse inattendue

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Chapitre 2 – Une parenthèse inattendue

Les tensions à la maison étaient devenues presque routinières. Hector et Marie se disputaient pour tout : les horaires, l’argent, les courses non faites, et surtout, l’éducation de Diego. Le petit garçon, qui allait bientôt avoir six ans, ne comprenait pas encore tous les mots échangés, mais il sentait bien l’atmosphère lourde qui planait sur leur appartement. Chaque cri lui faisait serrer les poings dans ses poches.

Ce matin-là, Hector préparait sa valise. Il partait pour une mission de plusieurs semaines à New York. Sa voix résonnait dans le couloir :
— Je reviendrai dans un mois. Essaie de pas foutre en l’air son anniversaire d’ici là, d’accord ?

Marie ne répondit pas. Elle avait cessé de se battre pour des choses qu’elle ne pouvait plus changer.

Une fois la porte claquée, un silence pesant retomba dans l’appartement. Marie prit une grande inspiration. Elle savait que ces quelques semaines seraient difficiles… mais étrangement, elle ressentait aussi un certain soulagement.

Quelques jours plus tard, Marie décida d’aller en ville avec Diego et sa mère, une petite sortie simple : un tour au marché, puis un chocolat chaud dans un café. Il faisait frais mais beau. Diego tenait la main de sa grand-mère en trottinant joyeusement.

Et c’est là, au détour d’une rue, qu’elle le vit.

Peter.

Il feuilletait un livre devant une bouquinerie ambulante. Quand il releva les yeux, leurs regards se croisèrent. Il sourit, un peu surpris mais sincèrement heureux.
— Bonjour… Marie, c’est bien ça ?

Elle hocha la tête.
— Oui… Bonjour. Vous allez bien ?
— Très bien, merci. Et vous ?
— Ça va… Mieux, disons.

Elle hésita une seconde, puis, dans un élan qui la surprit elle-même, elle ajouta :
— On allait justement s’installer quelque part pour boire un café. Si… vous voulez vous joindre à nous ?

Peter accepta avec chaleur.

Le petit groupe s’installa à la terrasse d’un café. Diego, trop occupé à discuter avec sa grand-mère, ne fit pas vraiment attention à la présence de Peter. Cela laissa à Marie et à lui un espace discret pour parler.

Ils échangèrent d’abord des banalités — le temps, le quartier, les livres. Puis peu à peu, la conversation se fit plus personnelle.

— Vous avez l’air fatiguée, dit-il doucement.

Elle le regarda, étonnée par sa douceur.

— Je le suis. Mais j’essaye de tenir. Diego a besoin de moi.

Peter hocha la tête sans poser de questions inutiles. Il respectait ses silences.

— Vous êtes quelqu’un de courageux, dit-il simplement.

Elle sourit, un peu gênée. On ne lui disait pas souvent ce genre de chose.

Quand ils quittèrent le café, Peter proposa timidement :
— Peut-être… on pourrait se revoir ? Rien de formel. Juste… parler encore.

Marie hésita, puis répondit :
— Oui. Je crois que ça me ferait du bien.

Elle ne savait pas encore à quel point cette rencontre allait changer sa vie. Ni que cet homme, rencontré presque par hasard, deviendrait un jour un membre de la famille Evans.

Les jours suivants passèrent dans une drôle d’ambiance, entre le calme du quotidien sans Hector, et les échos silencieux laissés par sa colère. Marie s’efforçait de rester présente pour Diego, de suivre une routine douce : lever à huit heures, chocolat chaud, promenade au parc, dessins animés le soir. Parfois, elle se sentait presque elle-même. Presque.

Un samedi matin, alors que le soleil perçait timidement à travers les rideaux, elle reçut un message.

Peter : Bonjour Marie. Il fait beau. Ça vous dirait un tour à la médiathèque ? Il y a une lecture pour enfants à 10h. Je me suis dit que Diego pourrait aimer.

Elle resta un instant à fixer l’écran. Ce n’était rien d’extravagant. Mais ce message-là… il réchauffait. Elle consulta rapidement l’heure, puis alla réveiller doucement Diego.

— Mon cœur, tu veux aller écouter des histoires ce matin ? Il y aura peut-être même un goûter.

Diego ouvrit un œil, grogna un peu, puis hocha la tête en frottant son visage contre l’oreiller.
— Oui… avec toi ?

— Oui, avec moi.

Et avec Peter. Mais elle n’ajouta rien.

La médiathèque était baignée de lumière. De grands coussins jonchaient le sol autour d’une conteuse aux cheveux bouclés, installée sur une chaise en bois sculpté. Peter les attendait près de l’entrée, un tote bag à l’épaule, le visage lumineux.

Salut, lança-t-il simplement.

Salut, répondit Marie, un peu trop vite, comme pour masquer le trouble qu’elle sentait poindre. Elle désigna Diego : — Voici mon petit trésor.

Peter s’accroupit doucement à hauteur de l’enfant.

— Salut Diego. Moi c’est Peter. J’aime bien les histoires, et toi ?

Diego hocha timidement la tête, accroché à la main de sa mère. Mais il observait attentivement Peter, ses lunettes rondes, sa veste un peu froissée, son sourire tranquille. Rien d’intimidant. Plutôt rassurant.

Pendant que Diego s’installait avec les autres enfants, Marie et Peter s’assirent un peu en retrait. La conteuse commença à lire une histoire de dragons maladroits. Les rires fusèrent. Peter riait lui aussi, à voix basse. Marie se surprit à l’imiter.

Ils ne parlaient pas, mais ils partageaient le moment. C’était suffisant.

Après la lecture, des petits sablés furent distribués. Diego, les doigts pleins de sucre, tira la main de Marie.

— Il est gentil, le monsieur. Il peut venir à la maison pour jouer aux puzzles ?

Peter eut un petit rire gêné.

— Seulement si ta maman est d’accord.

Marie sentit son cœur battre plus vite. Elle caressa les cheveux de son fils, puis regarda Peter.

— Peut-être pas tout de suite… mais pourquoi pas, un jour.

Ce soir-là, en rangeant les affaires de Diego, elle tomba sur un dessin oublié. Un bonhomme-bâton avec des cheveux noirs et des lunettes. À côté, une maison, un grand soleil, un petit garçon, une maman et un papa qui sourit.

Et quatres lettres écrites en pattes maladroites : Home.

Marie sentit ses yeux picoter.

Ce n’était qu’un samedi. Une parenthèse. Mais dans cette parenthèse, une graine avait été plantée.

Et quelque chose, doucement, venait de commencer à pousser.

Depuis cette rencontre au café, Marie et Peter s’étaient revus. Discrètement, sans promesse, sans précipitation. Un deuxième café. Une balade dans un parc. Un échange de livres. Toujours avec ce ton léger, respectueux, presque fragile. Comme si chacun craignait de briser quelque chose d'encore trop neuf.

Marie, elle, se sentait différente. Non pas "guérie" — elle savait qu’il n’y avait pas de remède magique à sa vie cabossée — mais elle avait retrouvé un souffle, un petit espace à elle. Peter n’envahissait rien. Il n’attendait rien. Et c’était peut-être ça qui lui faisait du bien.

Mais chez elle, les choses restaient tendues.

Même sans Hector, le silence n'était pas doux. Il était chargé. Diego posait de plus en plus de questions.

Les jours suivants passèrent dans une drôle d’ambiance, entre le calme du quotidien sans Hector, et les échos silencieux laissés par sa colère. Marie s’efforçait de rester présente pour Diego, de suivre une routine douce : lever à huit heures, chocolat chaud, promenade au parc, dessins animés le soir. Parfois, elle se sentait presque elle-même. Presque.

Un samedi matin, alors que le soleil perçait timidement à travers les rideaux, elle reçut un message.

Marie sentit ses yeux picoter.

Ce n’était qu’un samedi. Une parenthèse. Mais dans cette parenthèse, une graine avait été plantée.

Et quelque chose, doucement, venait de commencer à pousser.

Depuis cette rencontre au café, Marie et Peter s’étaient revus. Discrètement, sans promesse, sans précipitation. Un deuxième café. Une balade dans un parc. Un échange de livres. Toujours avec ce ton léger, respectueux, presque fragile. Comme si chacun craignait de briser quelque chose d'encore trop neuf.

Marie, se sentait différente. Non pas "guérie" — elle savait qu’il n’y avait pas de remède magique à sa vie cabossée — mais elle avait retrouvé un souffle, un petit espace à elle. Peter n’envahissait rien. Il n’attendait rien. Et c’était peut-être ça qui lui faisait du bien.

Mais chez elle, les choses restaient tendues.

Même sans Hector, le silence n'était pas doux. Il était chargé. Diego posait de plus en plus de questions.

— Pourquoi vous crier?

— Pourquoi papa il est pas là?
— Pourquoi tu pleures quand t’es toute seule ?
— Pourquoi on voit plus papy et mamie ?

Marie répondait avec des demi-vérités, des mots choisis, et un sourire forcé.

Et puis il y eut ce dimanche.

Un dimanche froid, gris, comme suspendu dans l’attente. Marie avait invité Peter à passer un moment au parc avec Diego. Rien de plus. Juste l’après-midi. Sa mère garderait un œil à distance, pour que Marie puisse souffler un peu.

Diego courait entre les arbres, riant aux éclats. Peter, lui, avait apporté un petit cerf-volant. Pas un jouet cher. Juste une voile rouge accrochée à une ficelle solide.

— Tu crois qu’il va voler ? demanda Diego, les yeux brillants.

— Si on travaille ensemble, oui, répondit Peter.

Ils coururent. La voile claqua, s’éleva, retomba, repartit. Et à la troisième tentative, le cerf-volant s’éleva vraiment. Diego leva les bras au ciel, triomphant.

Marie, assise sur un banc, ne disait rien. Elle observait. Et elle sentit alors une chose étrange : de la gratitude. Pure. Silencieuse.

Ce soir-là, Marie peinait à trouver le sommeil. Elle repensait au rire de Diego, au cerf-volant rouge dans le ciel, à la main de Peter frôlant brièvement la sienne quand ils s’étaient dit au revoir.

Et elle sut. Désormais, il lui serait impossible de l’oublier.

EXT. JARDIN – NUIT

La nuit est tombée depuis longtemps. Le froid s’est installé. Le jardin est plongé dans une semi-obscurité, éclairé seulement par la faible lumière de la cuisine qui filtre à travers les rideaux. Marie est assise sur une vieille chaise en plastique, emmitouflée dans un pull trop grand. Elle tient un verre de vin entre ses mains, posé sur ses genoux. Elle fume lentement, le regard perdu dans le noir. Le téléphone posé à côté d’elle vibre. Elle le regarde un instant, hésite, puis décroche.

MARIE
Qu’est-ce que tu veux, Hector ? lui dit t-elle d'un ton sec.

HECTOR (au téléphone, voix calme)
Tu as bu ?

MARIE (sèche)
Et alors ? C’est un crime maintenant ?

HECTOR
Non. Mais c’est pas rien non plus. T’as un gosse, Marie. Tu peux pas continuer comme ça.

MARIE (agacée)
Tu crois que tu vas m’apprendre à être mère, toi ? Depuis tes foutus déplacements interminables ?

HECTOR (toujours calme)
Je crois que quelqu’un doit te le dire. Parce que là, t’es plus vraiment une mère. Pas comme ça.

MARIE (suffoquant de colère)
T’as pas le droit… T’étais jamais là ! C’est facile de juger à distance !

HECTOR
Tu veux la vérité ? On s’est séparés parce que t’as laissé l’alcool prendre toute la place. T’as arrêté de lutter. Tu t’es perdue. Et je pouvais plus rien faire. J’étais déjà en train de couler à côté de toi. Et on doit être des parents responsables au cas ou que tu l'aurais oublier.. Marie.

MARIE (explose)
TU M’AS ABANDONNÉE ! TOI AUSSI ! COMME TOUS LES AUTRES ! Tu es un lâches.

HECTOR (posé, presque triste)
Non, Marie. J’ai résisté. Longtemps. Trop longtemps. Mais j’avais Diego à protéger. Et toi… toi, tu t’enfonçais chaque jour un peu plus. Tu croyais que je m’en foutais, mais je veillais. Je veillais quand j'étais encore près de vous et je continurais de loin. Parce que j'ai une famille.

MARIE (amer, mordante)
Et maintenant tu veux jouer les héros ? Revenir en chevalier blanc et me passer du temps père fils avec Diego ?

HECTOR
Je veux qu’il grandisse dans un endroit où il peut dormir tranquille. Où il n’a pas à se demander si maman va encore s’endormir par terre ou oublier de le chercher à l’école. Ou avoir des disputes constantes à la maison avec ses parents .

MARIE (hurle)
TU M’ENLÈVERAS PAS MON FILS !

HECTOR (toujours calme, ferme)
Je t’enlève rien. Mais je vais faire ce qu’il faut pour lui. Même si ça veut dire te contrarier. Même si tu me détestes. Je suis pas un père parfait, Marie, mais je suis là. Sobre. Stable. Présent quand je peux. Et surtout… cohérent.

MARIE (voix tremblante, blessée)
T’as jamais su m’aimer…

HECTOR (bas)
Non. Tu te trompes, je t'aime et je t'aimerais toujours malgès tout ce qu'il y a entre nous . Mais toi, quand un problème surgit , la solution? Boire, boire, boire et boire encore et toujours. Tu étais pas comme ça avant..

(Un silence lourd. Marie a les yeux pleins de larmes, mais ne cède pas.)

MARIE (sarcastique, presque brisée)
Et maintenant, tu veux me voler le dernier morceau de moi qu’il me reste. Bravo.

HECTOR
Je veux juste pas que Diego paie pour nos erreurs. Tu comprends ça ?

(Marie serre les dents. Elle hurle :)

MARIE
VA TE FAIRE FOUTRE, HECTOR !

Elle jette le téléphone dans l’herbe. Les mains tremblent, la respiration saccadée.

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