La veille d'anniversaire

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Chapitre 8– La veille d'anniversaire.

Le matin du sixième anniversaire de Diego aurait dû être un jour de lumière, de rires et de ballons colorés. Au lieu de cela, la maison baignait dans un silence épais, presque hostile. L'enfant ouvrit les yeux avec l'enthousiasme naïf de ceux qui croient encore à la magie des anniversaires. Il descendit les escaliers en courant, espérant des surprises, des sourires, peut-être même les bras de son père.

La veille de la soirée, une voiture de couleur noire arriva à la maison. Il faisait nuit, le vent soufflait et une odeur de pluie se fit sentir. L'homme était vêtu d'un long manteau noir qui dépassait les genoux. Il prit les valises qui se trouvaient dans le coffre. Tous ses faits et gestes furent observés par son ex femme. Marie, une jeune femme dans la trentaine, avait cette beauté tranquille qui attirait les regards sans qu'elle la cherche. Ses cheveux blonds, naturellement bouclés, retombaient en cascade sur ses épaules, souvent un peu en désordre comme si elle n'avait jamais vraiment le temps de se coiffer. Ses yeux bleus, d'un éclat presque froid, semblaient toujours observer sans vraiment se livrer. Elle dégageait une allure féminine, presque fragile, avec une manière de se mouvoir entre grâce et distance, comme si elle vivait dans un monde légèrement décalé du nôtre.

Nayla, la grand-mère de Diego, entra avec son fils, l'aidant à porter ses affaires. Ils déposèrent ses affaires à l'entrée avant de les monter un peu plus tard dans la soirée. Hector était si content d'être rentré après une longue période d'absence sans avoir pu parler à son fils, mais les retrouvailles le firent stresser jusqu'à en avoir la boule au ventre. Il appréhendait beaucoup ce moment, alors il se contenta d'inspirer profondément, fermant les yeux avant de les réouvrir.

— Quel accueil, franchement, rien à dire. dit-il d'un ton moqueur.

— Laisse leur du temps, chérie, tu sais bien que tout n'est plus rose depuis.

— Je sais, maman.

C'est alors que l'on entendit des bruits de talons venant du salon, une silhouette se dessina peu à peu dans l'encadrement de la porte. Droite, élégante, les bras croisés avec une certaine retenue, Marie s'avança, son regard fixe et insondable braqué sur Hector.

Elle ne dit rien tout de suite. Ses yeux passèrent brièvement sur Nayla, puis sur les affaires posées à l'entrée, comme si elle évaluait la situation. Son silence en disait long, bien plus que n'importe quel mot.

— Tu es rentré, finit-elle par dire, sa voix posée, presque trop calme.

Hector hocha simplement la tête. Il aurait voulu sourire, mais il n'en trouva pas la force.

— Bonjour, Marie, lance-t-il d'un ton hésitant.

Elle s'approcha, doucement, ses talons résonnant encore sur le carrelage, et s'arrêta à quelques pas de lui. Son visage était neutre, mais ses yeux trahissaient une tempête intérieure.

— On ne va pas faire semblant, Hector. Pas ce soir.

Nayla s'apprêta à intervenir, mais un simple regard de Marie suffit à la faire reculer. Ce n'était pas le moment pour les médiations.

Un silence pesant s'installa, si dense qu'on aurait pu entendre une aiguille tomber. Hector baissa légèrement les yeux, incapable de soutenir plus longtemps le regard perçant de Marie.

— Je ne suis pas là pour qu'on règle nos indiférents, ce soir, dit-il doucement. Je voulais juste... le revoir.

— Diego est dans sa chambre, répondit-elle, les lèvres à peine entrouvertes. Il t'a entendu arriver, mais il n'est pas descendu. Il ne savait pas s'il en avait envie. lui dit-elle sans vraiment le pensée.

Ces mots frappèrent Hector comme une gifle. Il détourna le regard, la gorge nouée.
Nayla posa une main discrète sur l'épaule de son fils, comme pour lui insuffler un peu de courage.

— Tu pourrais au moins lui dire que tu es là, poursuivit Marie, plus doucement cette fois. Il ne te le dira pas, mais... il t'attendait. Il t'attendait tous les soirs, Hector.

Elle recula de quelques pas, comme pour laisser la place. Son masque d'indifférence se fissura un instant, révélant une fatigue mêlée de colère sourde et de tristesse mal contenue.

— Mais pas comme ça. Pas sans prévenir. Pas en débarquant avec une valise.

Hector releva enfin les yeux vers elle. Il allait parler, se justifier peut-être, mais Marie leva la main, comme pour lui dire que c'était inutile.

— Monte si tu veux. Je ne t'empêcherai pas. Mais ne promets rien que tu ne pourras pas tenir. Pas encore.

Puis elle s'éloigna lentement, retournant vers le salon. Ses pas résonnèrent une dernière fois avant que le silence ne reprenne possession de l'espace.

Hector inspira à nouveau, les yeux brillants, puis s'avança vers l'escalier. Il gravit lentement les marches, chacune lourde de souvenirs et de doutes. Le cœur battant comme un tambour désaccordé. Arrivé devant la porte de la chambre, il hésita. Sa main resta suspendue quelques secondes avant de toquer doucement, presque timidement.

Pas de réponse.

— Diego... c'est moi. Papa.

La chambre baignait dans une lumière douce et orangée, filtrée par la lampe de chevet restée allumée. Au milieu du lit, Diego dormait, recroquevillé sur le côté, une peluche contre sa poitrine, le souffle régulier, paisible.

Hector resta un moment sur le seuil. Il n'avait pas vu son fils depuis des mois. Il avait imaginé ce moment des centaines de fois, s'était préparé à des larmes, des cris, peut-être du silence... mais pas à ça. Pas à ce calme. Hector resta un moment figé sur le seuil, frappé de plein fouet par ce qu'il voyait.

Il le reconnaîtrait entre mille.

Les cheveux sombres et épais, exactement les siens. Le regard en amande, même fermé, portait en lui un reflet de ses propres traits. Mais le reste... le reste venait de Marie : les pommettes douces, la forme délicate de la bouche, la finesse des mains.

C'était lui. C'était elle. C'était leur enfant.

Il entra, referma la porte sans bruit derrière lui, puis s'approcha lentement du lit. Diego n'avait pas changé — ou plutôt, il avait grandi, mais sans qu'Hector n'ait été là pour le voir. Ses traits étaient un peu plus marqués, ses cheveux un peu plus longs, mais il avait encore ce visage de petit garçon qui serre trop fort ses rêves.

Hector s'accroupit à côté du lit. Il tendit la main, hésita, puis la posa doucement sur la couverture, sans toucher Diego.

— Je suis là, mon cœur, murmura-t-il, presque à lui-même. Je suis là maintenant.

Il sentit une boule se former dans sa gorge. Son regard glissa vers le mur où des dessins d'enfant étaient accrochés, certains colorés, d'autres à moitié terminés. Sur une étagère, un cadre photo retourné face contre le mur.

Il voulut dire autre chose, mais aucun mot ne sortit.

Alors, il resta là, assis par terre à côté du lit, en silence. Il observa son fils dormir comme on observe un trésor perdu et miraculeusement retrouvé. Et pour la première fois depuis longtemps, il n'essaya pas de se faire pardonner — il se contenta d'être là.

La nuit s'installa un peu plus, et Hector resta immobile, comme s'il avait peur que le moindre mouvement effaçât. Le silence de la chambre était à peine troublé par le souffle régulier de Diego. Hector, toujours assis contre le lit, la tête posée contre ses genoux ramenés, luttait contre le sommeil.

Il resta ainsi, immobile, penché sur le lit, jusqu'à ce que des pas légers se fassent entendre dans le couloir. Il n'eut pas besoin de se retourner.

Marie apparut dans l'embrasure de la porte. Elle était en robe de chambre, les bras croisés, les cheveux attachés à la va-vite. Ses yeux glissèrent aussitôt sur la scène.

Elle s'appuya contre le cadre de la porte. Elle ne dit rien pendant un long moment. Puis, d'une voix calme mais ferme :

— Il a attendu des nuits entières que tu rentres. Tu sais. Franchement, si j'étais toi je profiterais de mon fils tant qu'il est encore temps.

Hector se redressa lentement, sans quitter des yeux le visage paisible de Diego.

— je suis désolé Marie, tu sais bien que aec mon travail c'est compliqué. Mais je le ferais, pour Diego.

Marie hocha lentement la tête, les lèvres serrées. Elle observa Diego, puis Hector. Elle vit l'évidence, cette ressemblance criante dans les yeux, la même manière de froncer les sourcils en dormant. Ça lui serra la poitrine.

— Il te ressemble, dit-elle, presque à contrecœur. Et pourtant... tout en lui me rappelle toi, absolument tout ! Tu étais peut-être plus là. Mais à travers Diego, je te voyais, je te voyais tout les jours présque !

Hector releva les yeux vers elle. Elle ne fuyait pas son regard. Mais elle ne l'invitait pas non plus à rester.

Elle ajouta simplement :

— Reste cette nuit. On verra demain.

Elle fit demi-tour et disparut dans le couloir.

Hector la suivit des yeux, puis reporta son attention sur Diego. Il tira doucement la couverture pour le border un peu plus, et s'assit à même le sol, le dos contre le mur.

Dans le silence de la chambre, il sentit une chaleur douce l'envahir. Ce n'était pas encore le pardon. Ce n'était pas encore la paix. Mais c'était un début.

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