Chapitre 3 : Les Jardins de Lews Castle (Partie 3 : À la découverte des jardins)

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Harrold, toujours accroché à la main de Mike, commençait à trépigner. Mike attrapa son sac, encore sonné par la nouvelle. Ils quittèrent la pièce sous les yeux du Comte et de Karl, ravis de voir l’ouragan s’éloigner. Pendant que Mia aidait Harrold à s’habiller, Mike s’était éclipsé pour se changer à son tour. En passant, il déposa son sac dans le coffre de sa voiture. Harrold qui l’avait rejoint, aperçut son caddie.

– Tu joues au golf Mike ?

– Oui, tu as déjà vu une partie ?

– Non, papa n’aime que le polo.

– C’est un sport intéressant aussi.

– Tu peux me montrer ce bâton.

– Ça s’appelle un bois, c’est pour permettre à la balle d’aller très loin.

– Et pourquoi ils sont habillés de chaussettes ? C’est marrant !

– C’est pour les garder bien au chaud et pour qu’ils ne prennent pas l’humidité.

– Comme moi, quand je vais jouer dans la neige, ils ne doivent pas s’enrhumer.

Mike sourit, ce petit gars ne manquait pas de répartie.

– Et celui-là, pourquoi il est caché sous le lapin ?

– Oh, c’était le doudou que mes parents m’avaient offert quand j’étais à peine plus jeune que toi.

– C’est trop mignon, tu dois les aimer beaucoup tes parents, ils sont où ?

– Ils ne sont plus là.

– Ils sont partis en voyage ?

– Non, Mike hésita à poursuivre.

– Ah, tu veux dire qu’ils sont dans les étoiles.

Mike ne répondit pas, et changea rapidement de sujet.

– Si tu veux, un jour, je t’emmènerai sur un parcours de golf. Pour l’instant, il faut que je travaille. Suis-moi.

Ils se dirigèrent main dans la main derrière le château, en suivant l’allée piétonnière qui rejoignait les jardins. Le site avait été entouré de palissades afin de les préserver des yeux des curieux jusqu’au jour de l’inauguration pour le Hognoway. Le Comte tenait à garder les lieux à l’abri. Ils franchirent le portail pour entrer dans l’espace privé, Harrold ouvrit grand ses yeux, émerveillé.

– Ouahah, c’est impressionnant !

– Attends un peu, j’ai une surprise pour toi. Mais il faudra garder le secret.

Harrold se serra contre Mike, comme intimidé, se faisant tout petit pour ne pas déranger. Mike marchait d’un pas léger. Il pourrait répondre aux attentes du Comte, les travaux étaient bien avancés. Cependant, il eut une petite boule au ventre, se souvenant des dernières paroles du Comte : « le Comte et la Comtesse de Forfar ». Cette nouvelle perspective émoustillait son esprit de compétition. Le projet était déjà très intéressant, avec ce nouvel élément, il devenait une belle opportunité. Surtout, il ne voulait pas décevoir le Comte. Le maître des lieux s’était investi avec passion dans son projet, c’était son rêve. Pour Mike, jeune paysagiste, ce serait pour lui une belle carte de visite. Il passa son regard sur l’immensité face à lui, il était tellement fier de ce qu’il avait entrepris, et de voir ses dessins prendre forme. Harrold tournait autour de lui, posant des tas de questions.

– Dis Mike, et ça c’est quoi ? Ça sent si bon.

– Du thym.

Mike attrapa son sécateur et coupa une petite branche qu’il frotta sur la main du petit garçon.

– Sens tes mains.

– Hum, on dirait une odeur que je connais. Ah oui, mamie en met dans sa tisane.

– Surement, c’est excellent.

– Je lui demanderai de me faire goûter ce soir.

– C’est une bonne idée, je suis sûr que cela lui fera plaisir.

Mike plia le brin dans un mouchoir, qu’il glissa dans le blouson d’Harrold.

– Tu sais, ma grand-mère m’en prépare quand je suis enrhumé et c’est toujours efficace.

– Montre-moi d’autres plantes, s’il te plait.

– Viens, je vais te faire sentir le romarin.

Mike et Harrold avançaient dans le jardin botanique. Les espaces étaient surélevés et délimités par des murets en pierre sèche. À l’entrée de ces ilots posés dans un océan de verdure, se trouvait un petit escalier adossé à un puits. Il avait été construit afin de servir de réserve d’eau naturelle. Le toit agrémenté de cheneaux alimentait la cuve en eau de pluie. Il l’avait voulu aussi bien fonctionnel qu’esthétique. Une fois sur ce monticule, on pouvait errer au milieu des carrés d’herbes aromatiques. La rosée du matin était accrochée aux branches qui semblaient si fragiles. Harrold courait d’espace en espace, Mike s’amusait de la curiosité de l’enfant, le nez dans les plantes. Si on était attentif chaque ilot cachait un personnage en bois, dans celui-ci il y avait un petit garçon jouant à la balle avec son chien. Cela ajoutait de la vie à ce tableau végétal. Les œuvres de Grand-Ma l’avait inspiré et apporté une signature à sa réalisation.

– Harrold, assieds-toi sur les marches à côté du puis-je vais te prendre en photo pour ton arrière-grand-père. Il pourra l’envoyer à tes parents.

– Toi aussi viens avec moi sur la photo. On fait un selfie.

Ils s’assirent sur les marches, Harrold se blottit contre Mike avec un sourire jusqu’aux oreilles. Mike aperçut le Comte, les observant derrière la grande baie vitrée de son bureau. Aussitôt la photo prise, Mike l’envoya.

– Merci Mike, de t’occuper d’Harrold, textota en réponse Harry.

– C’est avec plaisir.

– Je t’envoie Karl, pour venir le récupérer.

– Si cela ne vous dérange pas, je peux le garder avec moi. Je le raccompagnerai vers midi.

– Très bien. Je vous attends tous les deux vers midi au restaurant.

Le Comte utilisait souvent ce mode de communication avec Mike quand celui-ci travaillait dans le jardin. Mike lui envoyait régulièrement des photos sur l’évolution des travaux. Pour Mike c’était un support intéressant, il pourrait ensuite faire un book et cela permettrait au Comte d’alimenter le musée du château.

– Ça y est ton Super Papy a reçu la photo.

– Merci, Mike.

Harrold partit en courant voir le petit garçon et le labrador en bois. Mike recala une dalle sur le chemin après le passage du garçon. Il appela Harrold pour continuer la visite. Ils avancèrent jusqu’à la parcelle suivante. Celle-ci était au niveau du sol, encadrée de barrières en bois colorées. Dans cet espace se trouvaient trois arbres. Il y avait un hêtre, un noisetier et un châtaigner. Cet espace était pensé dans les moindres détails. Au pied du hêtre, trois bancs, chacun orienté dans une direction différente permettant de voir le parc sous différents angles. Sous le noisetier se trouvait un panier avec trois écureuils en bois. Le panier était construit de tel sorte, que les enfants pouvaient s’asseoir à l’intérieur pour jouer. Enfin, sous le châtaignier, encore trop fragile pour accrocher une balançoire, Mike avait fait installer une balancelle, idéale pour les amoureux. Alors que Mike vérifiait la bonne santé des arbres, et ajoutait du paillage à leur pied. Harrold arriva en courant vers lui comme s’il était poursuivi par un monstre.

– Que t’arrive-t ’il Harrold ?

– Là-bas, il y a un truc bizarre.

– Où ça ?

– Dans le fond de l’enclos, viens voir.

Mike suivit Harrold, qu’est que ce qui avait bien pu lui faire peur ?

– Là regarde ça bouge !

Derrière la barrière, un craquement fit écho à un grognement.

Harrold s’était caché derrière Mike, n’osant pas regarder.

– Tu ne risques rien Harrold, c’est Hugh le chien de mon Grand-Pa, il est gentil.

Harrold sortit doucement et se retrouva nez à nez avec Hugh, suivi de Joseph.

– Mike, je pensais bien te trouver là, Harry m’a dit que tu étais dans le jardin.

– Grand-Pa, je te présente mon assistant Harrold.

– Bonjour Harrold, comment vas-tu ? Harry m’a dit que tu prenais l’air avec mon petit-fils Mike.

– Oui monsieur, dit de façon très solennelle Harrold et il ajouta plus simplement, je m’amuse trop bien.

– Est-ce qu’il t’a montré ce qui se cache au fond du parc ?

– Non, pas encore. Nous y allions de ce pas, ajouta Mike.

– Bien, je vous laisse entre de bonnes mains petit Comte. Je vais rejoindre Harry.

Harrold était très fier, « petit comte », c’était un honneur.

– Mike j’ai croisé John, il est dans l’îlot de la rose. Il m’a demandé de te dire de passer le voir dès que possible.

– Un souci ?

– Je ne sais pas, il ne m’a rien dit de précis.

– C’est sur mon chemin de ronde, je m’y rends de ce pas.

– Et ma surprise ! l’interrompit Harrold.

– Chose promise, chose due. Nous irons ensuite c’est très proche l’un de l’autre.

Joseph, précédé d’Hugh remontait l’allée en direction du Château. Mike et Harrold hâtèrent le pas. Mike retrouva John, affairé sur la terrasse en bois. Elle était au cœur de l’îlot principal et servait de support à la star de l’inauguration : la rose de noël. À l’heure actuelle, elle était dans la serre de culture. Il en prenait un soin particulier, elle était une de ses pièces principales

John travaillait sur les finitions de l’écrin. Ils s’étaient rencontrés au Collège de Stornoway. John suivait un cursus d’ébéniste, et en parallèle il travaillait avec Stanley, l’artiste qui avait agrémenté la ville de magnifiques pièces en bois. Mike et John avaient tout de suite sympathisé. Ils avaient réalisé leur projet de fin d’études ensemble en créant le jardin de demain. L’un comme l’autre avait été encensé par leurs pairs. C’étaient des avant-gardistes, amoureux fous de la nature, et voulant bousculer les habitudes. Ils se voulaient éco-responsables et se battaient sans hésiter pour leurs idées. Aussi, Mike avait tout de suite su que John devait être avec lui sur le projet des jardins du Castle de Lews, et John accepta sans la moindre hésitation.

– Hey John, Joseph m’a dit que tu voulais me voir.

– Salut Mike. Oui je n’étais pas sûr que tu aies le temps. Joseph m’a dit que tu étais en rendez-vous avec le Comte.

– Oui, et maintenant je fais le tour avec Harrold.

John leva la tête, afin de mettre un visage sur le prénom.

– Je te présente l’arrière-petit-fils du Comte.

– Salut, jeune homme, tu viens pour l’inspection ?

– Oui monsieur, et je suis impressionné.

– Mike t’a montré le fond de l’île ?

– Non pas encore, je veux lui faire la surprise.

– Tu fais quoi John ?

– Je suis ébéniste et charpentier, je joue avec le bois.

– Ah, c’est toi qui as fait tout ça ?

– Oui et quelques bricoles par ci, par-là !

– Tu as aussi fait le petit garçon et le chien ?

– Oui, c’est moi aussi.

– C’est super bien fait.

– Et attends de voir la suite, annonça Mike.

– Oh oui, trop pressé, on y va.

– Attends, je dois voir avec John ce qu’il y a d’urgent.

– Rien de trop grave, enfin viens voir.

– Dis-moi, si je dois faire des interventions avant demain.

– Viens, je vais te montrer ce sera plus simple. Mike suivit John jusqu’au bout de la terrasse.

– Regarde les pergolas, elles sont attaquées par le bas.

– Comment est-ce possible ?

– Eh bien, je pense que le bois a un ver qui s’est installé avec l’humidité des derniers jours.

– Un problème de qualité dès le départ ?

– Oui le lot devait être endommagé.

– Nous devons tout enlever ?

– Ce serait plus prudent et pour éviter que cela se propage sur la plateforme.

– Ok, nous ôtons tout et nous le mettons dans l’incinérateur.

– Heureusement que tu n’avais pas installé les glycines.

– Je veux vous aider, lança Harrold.

Mike et John commencèrent à démonter la structure et entassèrent le tout dans la remorque. Harrold les aida en transportant les petits morceaux. À eux trois, le travail fut réalisé rapidement.

– Finalement, c’est vite démonté, c’est comme mes lego, dit Harrold en souriant.

– Oui c’est souvent comme ça.

– Mets-moi un morceau de côté Mike, lança John, je voudrai le regarder de plus prêt.

– Dis-moi, il faudrait peut-être vérifier ceux du couloir d’entrée, il me semble que c’est le même lot !

– Je ferai le crochet avant d’aller à l’incinérateur.

– S’il y a le moindre souci, envoie-moi un sms et je te rejoins pour voir ce que nous faisons.

– Ok, je finis ça et je m’y rends.

– Et de mon côté, je passe une nouvelle commande dans l’après-midi et nous essayerons de les installer la semaine prochaine.

– Parfait. Merci Harrold pour le coup de main.

Mike et Harrold poursuivirent leur chemin en direction de la surprise.

– Oh Mike, c’est génial.

– Vas-y, tu peux y aller, c’est fini.

– Viens jouer avec moi s’il te plait.

Mike le prit au mot, et les voilà tous les deux montant aux échelles, dévalant les tobogans ou courant sur les passerelles qui faisaient le lien entre les trois cabanes. Le petit garçon était à fond. Mike lui de son côté en profita pour vérifier que tout était en ordre. Cette aire de jeux ferait bien des heureux, petits comme grands. Elle avait été pensée par Mike et réalisée par John avec les précieux conseils de Stanley. Chaque cabane à l’image de celles du jardin public de Stornoway était réalisée avec minutie. On pouvait accéder aux terrasses ou jouer à l’intérieur à l’abri. Harrold voulait tout essayer ne montrant aucun signe de fatigue. Mike était ravi de voir ce petit garçon s’appropriant les lieux.

– C’est trop cool Mike, merci.

– Tu pourras revenir avec ton grand-père ou ton Super Papy d’ici la fin de la semaine.

– Oh, oui et peut – être avec toi.

– Non. Je dois partir jeudi pour ma compétition.

Mike filma quelques instants l’enfant qui jouait, envoya la vidéo au Comte avec un petit mot : « j’ai autorisé Harrold à revenir s’il le souhaitait sous votre surveillance ». Mike l’avait aussi pris en photo lorsqu’il leur avait donné un coup de main avec la pergola, et en avait profité pour faire un topo au Comte sur la situation, et sur les contre-temps. Harrold lui continuait à s’en donner à cœur joie, ne voyant pas le temps passer.

– Harrold, il faut que nous rentrions.

– Encore cinq minutes s’il te plait.

– Si tu veux, mais pas plus.

– Merci Mike, et sur ces mots Harrold fila sur les toboggans.

Entre temps, Mike venait de recevoir un texto de John : « tout ok, pergola parfaite au niveau de l’entrée. À surveiller les jours à venir ».

Mike se dirigea vers les massifs d’hortensias qui étaient au fond. Il en profita pour leur faire une beauté. Harrold et Mike remontaient l’allée main dans la main, le petit garçon ne voulait pas la lâcher. Sur le chemin du retour, Mike montra les espaces qui étaient en cours de réalisation, notamment le poulailler et le petit étang.

– Dis, je pourrai revenir avec toi.

– Si tu reviens à Stornoway, j’en serai ravi.

– Papa et maman repartent dans un mois en Inde, et ils me laisseront chez Super Papy.

– Et bien, je le note dans mon agenda et je demanderai au Comte. Nous pourrons refaire une inspection. Harrold souriait à la perspective de cette nouvelle virée. Ils arrivèrent au restaurant, qui avait fait le plein. Mia intercepta Harrold avant qu’ils n’entrent dans le restaurant.

– Tiens mamy c’est pour toi.

Harrold sortit le bouquet de thym, de romarin et de verveine que lui avait concocté Mike.

– Oh merci mon petit, nous pourrons faire une bonne tisane. Va te laver les mains, tu dois avoir très faim.

– Très, très faim.

– Merci Mike d’avoir pris de votre temps.

– Ne le dites à personne, mais je me suis autant amusé que lui.

– Promis. Harry vous attend, il est à la table du fond, vous serez au calme. Il discute avec Joseph et Logan.

– Merci, je pense que je vais aller me débarbouiller un peu, j’en ai bien besoin.

– Allez dans la pièce d’eau annexe à la cuisine, vous serez plus tranquille.

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