Castle Leoch était en effervescence. Toute une fourmilière s’affairait autour d’Isabel. Les extras prévus pour la soirée couraient dans tous les sens, de la cuisine à la salle de réception. Isabel avait soigné les moindres détails, elle voulait que tout soit en place. Il était à peine quinze heures et pourtant il restait tant à faire. Céléna traversa le couloir le plus discrètement possible ne voulant pas perturber le travail de chacun. Maman lui avait interdit l’accès à la salle de réception, voulant garder la surprise. Au moment où Céléna allait monter les escaliers, Rory l’interpella.

– Céléna, pourrais-tu venir avec moi ? Si tu as un peu de temps à me consacrer.

– Toujours pour toi, je vais poser mon paquet et te rejoins.

Rory et Céléna partirent en direction de la distillerie, exceptionnellement celle-ci avait fermé ses portes plus tôt.

– Tu sais où est papa ? demanda Céléna.

– Il est parti en ville, il avait rendez-vous avec Monsieur Dupont à l’hôtel.

– Ah, répondit Céléna en montrant peu d’intérêt.

– Quelque chose ne va pas ? s’inquiéta Rory.

– Non, enfin je ne pense pas.

– Avec Isabel, nous l’avons accompagné ce matin pour qu’il puisse s’installer, apparemment c’était une demande de ton père. Il ne semblait pas vouloir le rencontrer.

Céléna n’en menait pas large, papa était en colère , pensa-t-elle, pourvu que ...

Rory l’interrompit dans ses divagations.

– Ne t’inquiète pas, tout ira bien, il m’a dit ce qu’il en était. Ton père est un gentleman, même s’il est furieux, il saura garder sa mesure, mais dira aussi ce qu’il pense.

– Tu sais, je ne voulais pas provoquer de problèmes surtout avant ce soir.

– Non, Céléna ne culpabilise pas, tu n’y es pour rien et ces messieurs n’ont qu’à bien se tenir.

– Ces messieurs, pourquoi il n’est pas venu seul ?

Céléna devint toute blanche, pourvu que Martin ne se soit pas incrusté.

– Rassure-toi, il n’est pas là.

– Ça aussi il t’en a parlé ?

– Oui, il avait besoin d’évacuer sa colère, et dans ce cas-là , il vient me voir. Il a eu raison de tout me raconter.

– C’est pour cela que tu voulais me voir ?

– Non, si je t’ai demandé de venir, c'est parce que j’ai une surprise pour toi qui devrait te plaire. La distillerie nous a offert un trésor, et qui est mieux placé pour l’apprécier que toi, l’œnologue diplômée.

– Tu es toujours là pour me guider, m’épauler.

– Tiens, prends un verre, je voudrais que tu goûtes ceci.

Rory versa quelques gouttes. Céléna observa la robe, huma les effluves que dégageait le nectar, puis déposa ses lèvres pour se laisser porter par les arômes. Rory l’observa avec attention, cette jeune femme du haut de ses vingt-quatre ans était douée pour reconnaitre le moindre parfum. Céléna se lança :

– Il a du caractère, il doit avoir de nombreuses années à son actif. Il a une somptueuse couleur d’ambre et vieux bronze, il est complexe avec des arômes de vieu chêne et de bruyère brulée. Je trouve quelques notes de pèches pochées dans du chocolat, du toffee, de la cannelle et du clou de girofle. En bouche, un moelleux très enveloppant et des notes de cacao amer. D’où vient-t ’il ?

– Nous l’avons découvert au fond de la cave du Castle, il était dans un vieux fut en chêne. Ton grand-père l’a surement entreposé là, pour un jour pouvoir l’offrir à ses descendants.

– Comment le sait-on ?

– Il y avait un mot sur le tonneau.

– Oh, est ce que je peux le voir ? Papa l’a gouté ?

– Oui, nous l’avons ouvert ce matin, nous nous sommes dit que c’était la meilleure occasion.

Rory tendit le billet qui était accroché au fut, il était scellé avec les armoiries de la famille.

– Il m’a demandé de te le donner, et il souhaite que tu décides du sort de ce whisky.

Rory laissa un moment à Céléna, seule, avec cette belle découverte. Elle se servit un deuxième verre juste pour se délecter avec le nectar, et décacheta la lettre avec délicatesse, tout en commençant à lire :

« Si c’est toi, Harold qui un jour ouvre ce pli, alors sache mon fils que tu es toute ma fierté et le bonheur d’une vie comblée. Sache que ce whisky, je l’ai mis en fut de chêne quant avec Isabel vous être revenus avec notre douce Céléna. J’ai vu tant d’amour dans vos yeux pour cet enfant que j’ai voulu lui offrir ce nectar.

Si c’est toi, Céléna qui a le privilège de le découvrir, sache ma petite fille que plus d’une fois j’ai remercié Dieu de t’avoir guidé jusqu’à chez nous. Tu seras pour toujours le plus beau souvenir que je veux emmener pour mon dernier voyage. Cette cuvée est pour toi, bonifie-la tout simplement.

Maman et moi vous aimerons pour toujours où que nous soyons.

Lord Mac Graigh »

Céléna les larmes aux yeux, regardait à travers le verre, elle venait de recevoir un cadeau exceptionnel. Ce whisky avait plus de vingt ans. C’était comme si grand-père était encore là, regardant par-dessus son épaule. Elle referma la lettre, la glissa dans sa poche et rejoint Rory qui l’attendait.

– Tout va bien Céléna ? demanda Rory.

– Maintenant oui, je suis prête.