Au réveil, il remarqua que son œil gauche avait légèrement jauni. Peut-être qu’il pourrait le faire passer pour des cernes ? Enfin, connaissant Joseph, et il ne croirait sûrement pas à cette excuse. D’un autre côté, il savait qu’il ne lui demanderait pas de lui rendre des comptes. Mike ouvrit la fenêtre, et un air glacial s’engouffra dans la pièce. Il fit une grimace, non pas surpris par la température mais plutôt par la sensation désagréable qu’il venait de ressentir. Il observa alors sa main et découvrit que son pouce droit était légèrement enflé.

Le ciel, de son côté, était déjà bien chargé et le vent se levait. Le temps allait être un invité de choix pour cette nouvelle journée. Décidément, il n’oublierait pas son entrée sur le circuit professionnel et encore moins son passage à Saint-Andrews.

Mike passa un long moment sous la douche, laissant l’eau chaude couler sur chaque partie de son corps, détendant chacun de ses muscles. II termina par un jet d’eau froide pour finir de se réveiller. Il sentait toujours un léger picotement dans son pouce, songeant à la gêne que cela occasionnerait pour frapper les départs. Il observa son visage dans le miroir. La seule trace visible de son altercation avec Martin était bien son œil au beurre noir. Il aurait du mal à dissimuler, si ce n’était derrière une paire de lunettes de soleil mais le temps du jour ne s'y prêterait pas.

Il saisit sa tenue, qui l’attendait bien rangée dans la penderie sur le troisième cintre. Il n’était pas de ces joueurs fétichistes qui conservaient les mêmes vêtements plusieurs jours consécutifs après un bon score. Il prit une veste en plus, la matinée s’annonçait fraîche.

Joseph frappa à la porte et entra sans attendre de réponse.

• Mike, presse-toi. Nous sommes attendus dans moins d’une heure sur le parcours, les organisateurs ont souhaité avancer l'heure de tous les départs.
• Oui, je viens de recevoir une alerte sur mon portable.

Joseph observa Mike et comme il s’y attendait, il ne lui posa aucune question. Il décida de prendre les devants, et de lui donner quelques éclaircissements.

• Je te raconterai sur le chemin, ma fin de soirée a été quelque peu mouvementée, ce qui explique mon œil.

Mike regardait Joseph, qui se demandait comment son petit fils avait bien pu être pris dans une bagarre.

Avant de rentrer dans les détails, Mike voulut détendre l’atmosphère et changer de discussion.

• Et vous avec Mumy, votre soirée ?
• Très bien. Nous avons découvert un restaurant des plus charmants au bord de l'océan et avec des plats délicieux. Il est tenu par un jeune couple de français tout aussi gentil que doué en cuisine.

Les deux hommes poursuivirent leur conversation tout en pressant le pas. Mike réalisa qu’il ne pourrait pas aller sur le practice pour évaluer les dégâts. Joseph écoutait avec attention les péripéties de sa soirée. Il était choqué et s’interrogeait sur le manque d’entendement de cet homme.

• L’essentiel c’est qu’il ait été arrêté, conclut Joseph.

Mike fit une moue dubitative qui laissait planer le doute.

• Tu penses qu’ils vont le libérer ? demanda Joseph.
• Je ne sais pas, il n’a pas arrêté de dire qu’ils ne pourraient pas le garder bien longtemps.
• Si c’est le cas, j’espère qu’il se tiendra loin de toi.

Mike et Joseph entrèrent dans les bureaux pour récupérer leur matériel ainsi que la carte du jour. Ils allaient jouer au côté de Rozner un français et de Campillo un espagnol.

• Tu es prêt Mike, maintenant que tu as franchi le Cut, tu vas pouvoir te lâcher, et jouer tes coups à fond.
• Je me suis fixé un nouvel objectif, terminer dans le top dix ? Tu penses que c’est jouable ?
• Pourquoi ? Tu en doutes ? le taquina Joseph.

Joseph attrapa le caddie, vérifiant une nouvelle fois tous les clubs. Il attrapa le putter et l’envoya dans la direction de Mike, qui le saisissant au vol, ne put s’empêcher de faire la grimace.

• Tu es sûr que cela va aller, demanda Grand-pa.
• Il faudra bien, je ne vais pas abandonner aussi près du but.
• Tu as une petite demi-heure encore. Tu devrais en profiter pour aller demander l’avis de l’ostéopathe.
• Pourquoi pas ? De toute façon cela ne sera pas pire ! Enfin sauf s’il me dit que je ne peux pas jouer.

Mike se dirigea vers la salle réservée au staff médical, qui le prit aussitôt en charge. Joseph lui était resté à l’extérieur, étudiant le parcours et scrutant le ciel qui ne laissait présager rien de bon.