Céléna cherchait d'où venait cette douce fragrance de chèvrefeuille. Pourquoi cet arôme subtil enivrait ses sens depuis le week-end à Saint Andrews ? Cet effluve déposait sur son âme un bouquet de tendres promesses. Elle hésita, et pourtant une seule envie : découvrir la source de cette essence qui l'attirait.

Mike, assit sur son banc, rêvait devant "La chaloupe blanche, rivière St-Jean" de Winslow Homer. L'aquarelle reflétait la beauté luxuriante de la Floride. Cette scène empreinte de tranquillité l'apaisait. L'homme et la terre coexistaient en harmonie. Les palmiers imposants affirmaient la suprématie de la nature.

Céléna prit une bouffée de cette odeur qui ne la quittait plus. La salle semblait vide. Peut-être, pensa-t-elle que les responsables du lieu diffusaient des huiles essentielles pour embaumer les espaces et créer un lien avec les extérieurs. Pourtant, l'esprit alors serait trop attiré par ce parfum et cela gâcherait l'observation des toiles. La jeune femme glissa doucement le long du banc.

Le regard de Mike se porta sur le buste représentant le neveu d'Augusta Savage. Il se leva pour aller le voir de plus près et lire les annotations qui se trouvaient sur le côté. Il découvrit que l'artiste l'avait réalisé en quarante-huit heures sans s'arrêter. Les visiteurs s'attachaient immédiatement au portrait du plus adorable des jeunes garçons. Il lui faisait penser à Harrold, et aussitôt sourit.

Céléna pencha la tête pour regarder qui se cachait derrière le dossier et qu'elle ne fut pas sa déception de découvrir que l'espace était vide. L'odeur toujours présente lui laissa tout à coup un goût amer. Elle en conclut que celui ou celle à qui appartenait ce parfum ne devait pas être bien loin. Enfin elle l'espérait de plus en plus sans pouvoir vraiment se l'expliquer. Tout à coup, elle réalisa qu'il était plus de dix-huit heures et que le musée allait fermer ses portes et surtout que ses cousines devaient l'attendre. Elle allait partir quand une silhouette disparut au fond de la salle, il y avait bien quelqu'un.

Mike avança en direction de la pièce suivante. Son regard passait des œuvres à la brochure que l'hôtesse d'accueil lui avait donnée. Il découvrait les explications qu’elles fournissaient, et hélas elles ressemblaient trop souvent à des catalogues pompeux. Le jeune golfeur préférait les éléments concis et ensuite laissé son imaginaire interpréter les tableaux, et les statues. Trop pris par sa dernière découverte un portrait tout aussi réaliste que la sculpture du neveu, il ne perçut pas la présence de celui ou celle qui était venu juste à ses côtés.

Céléna sentit les battements de son cœur accélérer, les effluves de chèvrefeuille devenaient réels. Cette silhouette ressemblait à l'image qu'elle avait calquée dans sa tête depuis son départ de Stornoway. Elle hésita un moment, comment pourrait-il être là, ici plutôt que là-bas dans le parc de Lew Castle ? La jeune femme ne voulait pas rompre la plénitude du moment. Elle songea tout à coup que ce qu'elle s'apprêtait à faire était pure folie, interpeller un homme qu'elle ne connaissait pas. Si c'était tout le contraire. Si elle avait appris tant de choses sur ce golfeur talentueux, qu'elle rêvait de lui depuis tant de nuits.

Mike réalisa qu'il n'était plus seul. Une chaleur l'envahit quand une main vint se déposer dans la sienne. Tout d'abord surpris, il n'osa pas bouger. Ce contact doux et délicat provoqua des frissons dans tout son être. Il ne savait pas trop comment réagir. Était-il en train de rêver ? Allait-il se réveiller au milieu de son lit et s'apercevoir que tout ce qu'il ressentait-là était éphémère. Il voulut se retourner mais ne voulant pas prendre le risque de rompre le charme du moment, il décida d'attendre de voir si les doigts qui se mêlaient aux siens seraient toujours réels.