Ce qui rôde entre les murs
L’unité Charlie semblait sous le choc, à l’exception de Jean qui tenait à peu près le coup, rassurant Léna vomissant ses tripes.
Elle ne fut pas la seule, lorsque Sarah entra dans la pièce de la grange, elle eut le réflexe de se retourner au niveau de l’extérieur avant d’étaler son petit déjeuner sur le sol.
Des traces de sang, de chair déchiquetée et des restes d’organes en décomposition jonchaient l’immense salle.
L’odeur était infecte. Remontant mon col au niveau de ma bouche pour faire un minimum obstacle, je m’avançais accompagner de Bastien et Élodie qui semblait tenir le choc.
D’après les restes de squelettes pourrissant sur le sol, nous venions de trouver les propriétaires des lieux.
— Qui a bien pu leur faire ça ? interrogea Élodie s’accroupissant au niveau des corps, mais gardant tout de même une distance raisonnable
— Des Enragés je présume. répondit Bastien
— Des Enragés ? enchaina Léna se remettant encore de ses émotions
Tout le monde se regardait l’air inquiet, tout le monde sauf Sarah.
— Il n’y a que moi qui ne comprends pas de quoi vous parler ? questionna-t-elle
— Oui et c’est normal. Répondis-je en prenant une profonde inspiration avant de continuer.
— C’est une information classée confidentielle, seules les unités opérationnelles sont au courant, et quelques membres de l’unité de recherche. Lorsqu’un Homme obtient la capacité d’utiliser un pouvoir, il devient un Éveillé, pendant longtemps, nous avions pensé être les seuls touchés par cette bénédiction, ou malédiction en fonction des points de vue.
Je continuais d’observer les détails de la scène, à la recherche de la moindre évidence tout en complétant mon explication.
— Mais ce n’est pas le cas, le monde a accordé ses pouvoirs aux êtres la peuplant, sans distinction. Ce qui veut dire que les autres animaux peuvent eux aussi atteindre l’Éveil, on les appels les Enragés. Tout comme nous, ils maîtrisent leurs pouvoirs de manière innée, sont plus résistants, rapides, et forts.
— Surtout plus intelligents, murmura Dan, le regard fixé sur les restes. C’est ce qui les rend le plus dangereux.
— Et qu’est-ce qui vous dit que ce n’est pas un loup ou bien même un ours ! rétorqua Sarah
— Impossible. Répondis-je d’un ton froid alors que je continuais d’analyser les restes de corps qui jonchait la scène de crime.
Tout le monde se retournait vers moi, il semblait étonner, étonner de l’assurance que j’exposais probablement.
N’arrivant pas à aller au bout de mon raisonnement sur la chose qui leur avait fait ça, je pris le temps de leur exposer mon point de vue.
— Vous n’avez toujours pas compris ?
Tout le monde me regardait d’un air encore plus dubitatif.
— Leurs corps déchiquetés de manière si sauvage, au point d’envoyer des morceaux à plusieurs mètres de distance et de repeindre les quatre murs, et pourtant. Aucune marque de griffure sur les murs, les portes étaient fermées quand nous sommes arrivées, la chose qui les a mis dans cet état-là est assez petite pour passer par les interstices du bois composant les murs. Elles sont plus intelligentes, mais pas au point de fermer les portes derrière elles, du moins, ça serait une première.
Tout d’un coup le regard de chacune des personnes de la pièce changea, à l’exception de Dan.
Avoir en tête la perspective que notre ennemie ne fût pas une créature gigantesque tapie dans l’ombre, mais une créature assez petite pour se faufiler n’importe où avait tendance à rendre chaque bruit émanant de la grange suspect.
— À partir de maintenant, tout le monde reste groupé, et attentif. Ordonnai-je calmement. On va se diriger tous ensemble vers la sortie et quitter cette odeur répugnante.
Marchant à reculons, gardant toujours mes yeux rivés sur la grange et son intérieur, je reculais vers la sortie accompagnée des autres.
Une fois à bonne distance et une fois que l’air redevenait respirable, je reprenais la direction de la maison.
— On doit terminer d’inspecter le rez-de-chaussée ainsi que l’étage, Bastien ramène le véhicule au niveau de l’entrée, Charlie, votre conducteur fera de même. Allez, on ne perd pas de temps !
Alors que Bastien et Liam se dirigeaient vers les deux véhicules, je me dirigeais vers la maison avec les autres membres.
— Charlie, vous terminez la fouille du rez-de-chaussée, les autres avec moi.
Nous empruntions la porte d’entrée précédemment enfoncée, puis grimpions les escaliers en bois.
— Faites bien attention où vous mettez les pieds si vous ne voulez pas vous retrouver au rez-de-chaussée avec une cheville cassé.
J’avançais marche par marche tâtant préalablement la planche de bois d’après avant d’y poser réellement le pied.
Après la vingtaine de marches montée, j’arrivais sur un couloir qui coupait l’étage en deux.
De chaque côté, deux porte espacé par des meubles où des bibelots étaient entreposés.
Continuant à avancer prudemment, le sol craquelant sous mes pas, j’ouvris la première porte d’un coup sec.
De l’autre côté se trouvait une chambre d’adulte. Un grand lit avec des meubles en bois bruts ornait la pièce au papier peint bleu décrépi.
— RAS.
Dan s’était séparé du groupe et avait exploré la pièce d’en face afin de couvrir plus rapidement le terrain.
— Une chambre d’enfant. S'exclamait-il une fois sorti.
Finalement j’arrivais au niveau des deux dernières portes, Dan s’était posté sur la porte de l’autre côté tandis que, répétant le même mouvement, j’ouvris la porte d’un mouvement sec.
Un simple bureau se cachait derrière la porte, quelque bibliothèque remplie de livre décorait la salle où était soigneusement centré un grand bureau et une chaise a l’allure bien confortable.
— Et bien, il n'y a rien ici non plus, on va pouvoir passer la nuit dans la maison.
Dan, qui rentrait dans le bureau une fois sa pièce sécurisée, précisa simplement qu’une autre chambre se trouvait de l’autre côté du couloir.
Relâchant l’étreinte de mon poignet sur mon arme, je soufflais un bon coup.
— Bon, rejoignons les autres en bas, histoire de définir la suite de la nuit.
Si nous voulions être dans les temps, il fallait que l’on parte au lever du jour au plus tard le lendemain et cela voulait dire se coucher tôt.
Faisant rapidement la mise en commun de notre exploration, je divisais rapidement les tâches.
— Nous sommes neuf, on va donc faire trois groupes de trois pour les tours de garde. Dan, Sarah et Léna, vous prendrez le deuxième tour de garde, avec la coupure vous dormirez dans les voitures le lendemain si vous êtes fatigué, le premier tour de garde sera composé de Bastien, Liam et…
— Je prends le premier tour de garde. Affirmait Élodie me fixant du regard avec un ton tournant plus vers l’ordre que la demande.
— Euh… très bien, si tu veux. Eric, Jean et moi-même prendrons donc le troisième tour.
Alors que j’observais tout le monde rapidement, et que je pensais avoir pris une décision qui allait satisfaire tout le monde, les membres de l’unité Charlie semblaient agir bizarrement, se jetant des regards les uns les autres tout en prenant soin d’éviter le mien.
— Je peux savoir ce qu’il se passe ? Quelqu’un a quelque chose à redire sur notre manière de passer la nuit ?
C’est Jean qui se tourna vers moi le premier.
— En fait, c’est-à-dire que…
— Habituellement on fait toujours nos tours de garde ensemble ! continua Léna
Pardon ?
Ne cachant pas mon agacement j’enchainai :
— Et ?
— Et bien je me disais que, peut-être, quelqu’un pouvait échanger avec l’un d’entre nous ?
On m'a refilé la garde d’un jardin d’enfants, ils ont presque trente ans et ne peuvent pas faire un tour de garde séparé ? Ils fonctionnent comment au sein de leurs unités ?
Fixant du regard à un à un chaque membre de l’unité Charlie, je me contentais d’un simple soupire.
— Au pire je n’ai qu’à échanger ma place avec Léna et je prendrais le deuxième tour. Proposa Eric.
— Si vous voulez…
On n'était qu'au premier jour de notre opération et il en restait plusieurs devant nous, mieux valait ne pas me mettre à dos leurs unités dès le début.
Aaah Lumia, tu vas m’entendre lors de notre retour.
— Super, merci Chef ! s’exclamait Jean
Eric est le chef de leur unité et je le voulais en forme demain pour le trajet, il était censé les diriger…
Comment survivent-ils dans ces conditions, s’ils ne sont pas capables de faire un compromis si simple le temps d’une nuit ?
— Bon, on part récupérer de quoi manger dans les véhicules, on se prépare tout ça, puis ceux devant aller se coucher iront.
Visiblement content par la nouvelle, et peut être pour s’excuser de ce manque de professionnalisme, Jean et Léna étaient les premiers a rejoindre les véhicules rapportant le nécessaire pour tout le monde.
Le repas se déroulait calmement autour de la grande table de la salle à manger, nous avions avec nous un réchaud permettant la cuisson de conserve que l’on avait en assez grande quantité pour notre opération. Charlie occupait une extrémité de la table et notre unité celle restante.
Le repas se passant relativement dans le calme, les deux groupes qui n’étaient pas de garde pour ce premier tour prenant la direction de l’étage, sac de couchage à la main. Pour cette première nuit, nous avions de la chance, trois chambres pour trois groupes.
Rentrant dans ce qui était la chambre parentale, j’observais la pièce, un lit double, quelque meuble, et c’était tout. Immédiatement Léna et Jean me jetèrent un regard interrogateur.
Ils vont tous me faire ces deux-là…
— Bon, prenez le lit, de toute façon j’ai l’habitude de dormir à même le sol.
Ne réprimant pas leurs joies, mais la contenant autant que faire ce peu pour ne pas paraître impolie, tous deux se dirigèrent vers le lit tandis que je dépliais mon “petit lit douillet” pour la nuit.
Installé dans mon duvet, commençant déjà à entendre des ricanements, je coupais court à cette mauvaise blague.
— Que les choses soit claires, le premier bruit que j’entends, je vous envoie dormir dans la grange !
Un silence total s’installa immédiatement, seul un léger “Oui, chef” sortie avant le calme plat.

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