Ancrer face à la lune

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La nuit s’était déroulée plutôt dans le calme, quelques grincements provenaient du lit lorsque Léna ou Jean changeait de position, mais rien de plus.

C’était Dan qui était venu nous chercher pour le changement de poste, alors qu’il semblait déjà avoir rejoint sa chambre, je sortais de mon sac de couchage.

Me tournant vers les deux membres de l’unité Charlie, je constatais qu’ils n’avaient absolument pas entendu Dan.

Alors que je m’approchais afin de les réveiller, je constatais que Léna était solidement agrippée à Jean, et semblait murmurer quelque chose dans son sommeil, mais c’était tellement bas que, même dans le silence total, il m’était impossible de comprendre ce qu’elle disait.

Je les aurais bien laissés dormir, mais des Enragés rôdaient peut-être dans les environs, et il valait mieux ne pas prendre de risque.

Poussant Jean de plus en plus fort, jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux, je chuchotais.

— C’est notre tour, réveille Léna, et retrouvez-moi en bas, et pas dans une heure.

Récupérant mon fusil d’assaut à côté de mon sac de couchage, je redescendais les escaliers, prenant garde de ne pas passer au travers.

Je passais la porte d’entrée, pas un nuage ne couvrait le ciel et les étoiles illuminaient les environs.

Une fois un tour du bâtiment effectué, en quête du moindre mouvement, je retournais dans la maison, sans rien constater.

Avec un peu de chance, ils étaient partis loin une fois leurs carnages effectués.

Une fois rentré, je pouvais apercevoir Léna et Jean patrouiller, enfin, se balader de pièce en pièce, coller l’un à l’autre, sursautant au moindre craquement.

— Vous n’avez jamais fait de tour de garde ?

Prenant un instant pour répondre, serrant sa main au niveau de celle de Léna, il répondit :

— Si, enfin non. Disons que, généralement, un tour de garde se résume à rester dans la chambre à l’affût.

— OK, donc vous n’avez jamais vraiment patrouillé.

Prenant une pause fixant les deux du regard j’enchaînai :

— Ne le prenez pas mal, mais j’ai du mal à comprendre ce que vous faites ici. Comment votre unité a pu tenir tout ce temps ?

— Et bien… nous basons nos opérations et nos décisions sur le niveau de risque, donc si nous avions été seuls, nous aurions probablement quitté cet endroit plutôt que d’y passer la nuit. Nous évitons les complications et généralement les missions qui nous sont confiées nous permettent d’appliquer ce chemin… puis disons que, jusqu’à maintenant, ça nous a réussi.

— Je comprends mieux, mais du coup pourquoi vous infliger ça, pourquoi avoir rejoint une unité de terrain ?

Après s’être concerté du regard, Jean ouvrit la bouche avant de se faire couper dans son élan par Léna.

— C’est impossible, True Human nous a retiré notre raison de vivre… Nous devons tout faire pour récupérer notre fils, et pour ça, nous devons reprendre le centre-ville, c’est la seule raison qui nous pousse à avoir rejoint la Lune Éveillée et à nous battre chaque matin !

Le récupérer, hein…

— Je suis désolé, mais je ne pense pas qu’il y ait grand-chose à récup…

— Si ! Je le sais ! Je le sens au plus profond de moi, il est toujours vivant, quelque part, dans le centre-ville, entouré de ces monstres !

Ces yeux s’étaient imbibés de larme, Jean la serrait contre son flanc, lui frottant le dos.

Les chances que leur fils soit encore en vie étaient vraiment faibles, mais bon qui étais-je pour briser leurs rêves ?

Si seulement j’avais, moi aussi, ce sentiment au plus profond de moi… seulement quand je repense à toi, il n’y a que le vide, un gouffre gigantesque cherchant inlassablement à se combler. En vain…

Reprenant mes esprits, je continuais :

— Je comprends vos inquiétudes et votre méthode, mais avec nous, vous pouvez être sans crainte, si vous avez le moindre problème, tout le monde interviendra, puis on a Dan avec nous, si on croise un Enragé, il suffit d’aller le prévenir et il s’en occupera sans soucis.

— Oui tu as raison. Répondit Léna séchant ses larmes.

— Bien pour cette nuit, patrouillez dans la maison de temps en temps, je m’occupe de l’extérieur, si vous apercevez quelque chose, criez.

Les laissant derrière moi, je retournais à l’extérieur. L’air frais de la nuit était agréable, et le fait que la zone était plutôt bien éclairée avait matière à être rassurant.

Maintenant que mes deux compagnons de garde étaient complètement opérationnels, j’en profitais pour explorer un peu plus en amont, retournant dans les alentours de la grange, visitant le bâtiment semi-ouvert où étaient rangés les divers tracteurs et leurs équipements.

J’inspectais les moindres recoins, soulevais tous les sacs en toile de jute, les caisses, l’intérieur des véhicules. Rien n’échappait à mon inspection.

Si je faisais tous ces efforts, c’est parce que j’avais un mauvais pressentiment, tout était beaucoup trop calme, de manière générale, les Enragés ne quittent pas leurs territoires, étant soudainement propulsés au sommet de la chaîne alimentaire, ils n’avaient aucune raison de quitter la région.

Et surtout notre passage dans le village avait fait beaucoup de bruit, assez pour les attirer jusqu’à nous.

Mon inspection du bâtiment terminé, je retournais vers la maison, ma lampe torche traquant le moindre bruit suspect, qui, pour la plupart, était provoqué par le vent.

Mais alors que je m’approchais de la maison, un bruit de craquement retentit depuis la grange au loin.

Situé à plusieurs mètres, j’avais tout de même pu en entendre l’écho.

Sans perdre instant, je rentrai dans la maison, cherchant du regard Léna et Jean.

Assis tous les deux sur une chaise de la salle à manger, j’ordonnai :

— Allez réveiller les autres, ils nous ont trouvés !

Manquant de tomber de leurs chaises dans la précipitation, les deux se levèrent puis se dirigèrent dans l’escalier.

Courant vers l’extérieur afin d’observer d’où ils allaient attaquer j’entendis un craquement de bois dans mon dos, suivi d’un cri de douleur, féminin.

Je n’avais pas besoin de me retourner pour comprendre la situation, l’un des deux venait de traverser l’une des marches de l’escalier rongé par le temps, et lorsque Jean demanda à plusieurs reprises si tout allait bien, je compris que la victime de l’escalier était Léna.

Plus réveillé par le boucan provoqué que par leurs interventions directes, Dan suivis d’Élodie descendirent les escaliers en premier.

— Ils sont là ? interrogea Dan

— Ils sont dans la grange ! répondis-je presque immédiatement

Je pouvais le sentir, Dan canalisait son pouvoir. Il n’avait pas vraiment de signe physique ou d’attitude particulière, mais c’était quelque chose que tous les Éveillés dégageaient lorsqu’ils utilisaient leurs pouvoirs.

— Restez en arrière, je vais me rendre au milieu de la cour pour les attirer. Proposa Dan entamant la marche sans attendre la réponse.

Les autres membres qui dormaient encore descendirent en trombe les escaliers, les yeux encore embrumés par la nuit.

— Que tout le monde reste ici et se tienne prêt à ouvrir le feu si nécessaire !

Cet ordre sonnait comme un réveil brutal, tous se frottèrent une dernière fois les yeux, puis prirent leur arme dans les mains en direction de la grange.

Il n’aura pas fallu attendre longtemps avant que les Enragés tombent dans le piège. Lorsque Dan s'était suffisamment éloigné de nous et approché de la grange, les bruits stoppèrent, puis des touffes d’herbes hautes se mirent à bouger étrangement.

Soudain une ombre bondissait de l’herbe haute en direction de Dan avant de retourner dans sa cachette végétale.

Surpris par la vitesse de la créature, je resserrais la poignée de mon fusil d’assaut et me mis en position de tir prêt à abattre ma cible, aussi rapide soit-elle.

Alors qu’une ombre se projeta sur Dan une nouvelle fois, il lui suffit d’un simple geste, fluide comme l’eau et dur comme la roche, sa paume s’imposa comme une muraille infranchissable où le crâne de l’Enragé venait inexorablement s’écraser trahi par son élan fulgurant.

N’ayant pas le temps de se protéger de la gerbe de sang éclaboussant tout ce qui se trouvait aux alentours, une deuxième créature fondait sur lui. Les deux pieds profondément ancrés dans le sol, dans la continuité de son mouvement précédent, Dan exécuta son second coup.

Mort sur le coup.

Cependant il en restait encore et ils semblaient encore plus déchaînés à la vue du sang de l’un des leurs.

L’assaut qui suivait était orchestré par trois de ses créatures qui s’abattaient sur lui en même temps.

Malgré l’assaut surprise, ses mouvements restaient fluides et posés, comme si son mouvement échappait à l’emprise du temps avant de percuter violemment l’une des créatures.

Mais les deux autres avaient pu en profiter le sectionnant au niveau des jambes et de l’abdomen.

— Ne laissez pas les deux autres attaqués en même temps, tirés au moindre mouvement ! ordonnais-je

Lorsqu’un de l’herbe haute se mit à bouger soudainement, je vidais mon chargeur épaulé par les autres, forçant l’Enragé à attaquer d’un autre angle.

Malheureusement l’autre n’avait pas saisi l’occasion d’attaquer.

— Ils sont malins, ils vont attendre de pouvoir attaqué ensemble ! s’écria Bastien l’air étonnement amusé

Concentré sur le fait d’empêcher une autre attaque simultanée, j’avais détourné temporairement le regard de Dan, mais il se tenait debout, parfaitement droit, immobile.

L’herbe haute bougea soudainement à quelques mètres de lui, son pied s’écrasa dans le sol, la force déployée était elle que la créature fut soulevée de terre, à la merci de la gravité, elle rencontra sa paume avant de percuter violemment le sol.

Perdant tout sens de la raison, la dernière créature fonça sur Dan sans prendre le temps de réfléchir et, alors que Dan était déjà en position, une détonation retentit, une balle venait se loger dans le corps de l’Enragé, le coupant dans son élan.

A priori encore vivant, Dan l’acheva d’un simple coup de pied, simple coup de pied qui fit trembler la terre sous nos pieds, nous faisant vaciller l’espace d’un instant.

En un instant tout redevenait calme, Dan joignant les mains au niveau du torse semblait prier face à la lune avant de se retourner vers nous.

— Élodie va prendre la trousse de secours et désinfecte ses plaies, mieux vaut être prudent.

— Reçu ! répondit-elle courant en direction de notre véhicule.

Dan arrivait finalement à notre niveau, un sourire aux lèvres.

— Et bien ça c’est plutôt bien passé !

Ses deux entailles ne semblaient pas le déranger plus que cela et s'il ne les avaient pas analysés sur la distance qui nous séparait, j’aurais pu jurer qu’il ne s’en était même pas rendu compte.

— Heureusement que tu étais là, sans tes pouvoirs, on aurait au minimum fini avec des blessés graves.

— Ouais, c’était des sortes de rat, les pires, je ne sais pas comment font ceux du Dernier Cercle pour faire ça à longueur de journée.

— L’habitude, je présume.

Alors que Dan alla s’asseoir sur le siège arrière de notre véhicule, Élodie lui appliqua les premiers soins tandis que les autres allaient récupérer notre matériel qui était dans la maison pour repartir.

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