Chapitre 2 - À l’aide !

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 Pendant ce temps, « les graines de bagne » étaient arrivés à l'étage supérieur. Il s’agissait du dernier avant le toit. Ils s'arrêtèrent, haletants, puis sonnèrent. Cette fois-ci, ce fut un jeune homme qui leur ouvrit. Il était plutôt petit, avait des cheveux noirs et légèrement bouclés, et portait des lunettes en écaille et un élégant pyjama bleu clair.

 — Bonjour, les enfants… Qui êtes-vous ?

 — Bonjour monsieur ! le salua poliment Mathilde. Nous sommes Mathilde et Hector Langeard, les voisins du bas…

 — Moi, c'est Charles Bourdeaux… Mais que voulez-vous ?

 — Bonjour monsieur Charles ! claironna Hector d'une voix flûtée. Héléna s'est noyée, c'était pas de ma faute, vous savez ce qu'on doit faire ?

 La mâchoire de leur interlocuteur se décrocha de surprise. Quelques secondes plus tard, il secoua la tête d’étonnement :

 — Heu, non… C’est que j'ai raté trois fois mon brevet de secourisme… Et puis c'est qui, Héléna ?

 — C'est notre petite soeur, répondit Mathilde. Mais vous êtes sûr que vous ne savez pas ce qu'on doit faire ?

 — Heu… Bah, je suis très nul en secourisme… Et puis, j'ai plein de copies à corriger pour demain…

 — Vous êtes maître ? s'enquit Totor.

 — Je suis professeur particulier de latin et de grec ancien, le corrigea fièrement Charles. Et aussi, j'enseigne la culture de l'Antiquité, c'est à dire…

 — Bon, merci monsieur ! répondit Mathilde en tournant les talons. Bonne soirée, on va s'occuper d'Héléna…

 — Bonne chance, les enfants ! Mais surtout, si vous avez besoin de moi, n'hésitez pas !

 Ils descendirent les escaliers jusqu’à l'étage inférieur au leur. La jeune fille porta son petit frère afin qu'il puisse sonner, car il en avait grand envie. La porte s'ouvrit aussitôt sur une femme qui devait avoir dans les quarante, cinquante ans.

 Elle avait une gigantesque crinière blonde, si fournie qu'elle en semblait presque artificielle, et un maquillage si prononcé qu’ils crurent d’abord qu'un arc-en-ciel lui avait vomi dessus. Elle était de taille moyenne, corpulente, et portait une mini-jupe imprimée de motif léopard qui la boudinait. Une veste en simili-cuir rouge la comprimait également, et de grosses bottes noires à talons hauts complétaient la tenue. Elle se pencha sur eux :

 — Bonsoir mes petits lardons ! Qui êtes-vous ? Que puis-je faire pour vous ?

 — Heu, balbutia Mathilde, reculant en tirant son petit frère par la manche, ébahie par l’apparition. Heu… Non, rien…

 — Mais c'est pas rien ! hurla Hector, révolté. Nana s'est noyée !

 — C'est vrai, mes petits cornichons ?

 — Non, non ! se hâta de répondre Mathilde. Il n'y a rien, madame…

 — Tatiana Lamatora. Mais vous pouvez m'appelez Tata, si vous voulez !

 — Tiens ! s’étonna soudain l'adolescente en reculant toujours. Il me semble entendre Héléna crier ! Je suis certaine qu'elle va mieux !

 — Tu crois ? interrogea, dubitatif, son petit frère. J'entends rien !

 — Mais si, mais si ! Écoute, tu entends ? Alors viens tout de suite ! Au revoir, madame Lamatora, et bonne soirée ! cria-t-elle en prenant ses jambes à son cou.

 — À bientôt, Tata ! renchérit son frère.

 Mathilde l’attrapa par la peau du cou et le remorqua à l'étage supérieur. Devant leur porte, il l'interrogea, perplexe :

 — Pourquoi t'es partie ? Elle est gentille, Tata !

 — Tu veux rire ! Elle est trop bizarre !

 — C'est pas vrai ! Et puis on fait comment, pour rentrer ? La porte est fermée !

 Sa sœur pâlit subitement. Elle se rua contre le battant, s’acharna contre la poignée… Mais rien à faire.

 — Zut de zut de zut… Ce n'est pas vrai, Totor ! Me dis pas que t'as claqué la porte, quand on est sortis !

 — J'ai rien fait, c'est pas ma faute ! pleurnicha-t-il.

 Mathilde, prête à exploser, se força néanmoins à garder son calme. Elle s’assit sur les marches de l’escalier en essayant de le réconforter :

 — Bon… Déjà, arrête de pleurer, c'est pas grave, on va trouver une solution. Mais on va faire comment, pour rentrer ? Je n'ai pas pensé à prendre les clefs… À la limite, on pourrait essayer de forcer la serrure avec une épingle où je-ne-sais-quoi… Sauf que je n'en ai pas. Et toi ?

 — J'ai pas d'épingle.

 — Cool ! Alors… Il y a un double des clés chez les Vanternier, sauf qu’on est déjà en pyjama. Et qu’on aura du mal à traverser le quartier en pantoufle, et sans manteau… Tu sais ce que ça veut dire, Totor ? Qu’il ne nous reste plus qu'à aller chercher un voisin pour qu'il nous prête une épingle…

 — On va voir Tata ?

 — Non ! Elle est trop chelou !

 — Et Clément ?

 Taquin, il ponctua sa question avec des bruits de succion, censés évoquer des baisers. Comme à chaque fois qu'on faisait une allusion à son Roméo, Mathilde rougit. Elle siffla :

 — Impossible ! T’as vu comment on est nippés ? On peut pas aller chez lui comme ça !

 — Et Charles ?

 — C’est la seule solution. Sinon, il reste toujours le pépé et la mémé. Mais ils ont failli nous tirer dessus, avec leur fusil…

 Et ils remontèrent au dernier étage. Et ils sonnèrent une nouvelle fois. Et le professeur de latin-grec leur ouvrit à nouveau.

 — Salut les jeunes ! Alors, comment va Héléna ?

 — On n'en sait rien, monsieur Bourdeaux…

 — Appelez-moi Charles ! Mais qu’est-ce qui vous arrive encore ?

 — On n'arrive pas à rentrer chez nous… La porte a claqué…

 — Et j'ai rien fait, précisa Hector.

 — Et qu’est-ce que vous attendez de moi, les enfants ?

 — Vous n’auriez pas une épingle ?

 Comme il les regardait, perclus d’étonnement, Mathilde jugea bon de préciser :

 — C’est pour forcer la serrure ! Vous savez, on la met dans la serrure, et…

 — J'ai une épingle à cravate, sauf qu'on ne risque pas d'ouvrir grand-chose avec. Et d'ailleurs, ce n'est pas avec une épingle ou un trombone que vous pourriez ouvrir une porte. Ça ne marche qu’avec de petits cadenas.

 — Oh, malheur ! s’horrifia Totor. On fait comment ? On passe la nuit ici ?

 — Non ! se hâta de répondre Charles. J'ai une meilleure idée ! Entrez d’abord, je prends des outils. Après, je vais vous aider à ouvrir la porte avec. Et ne vous en faites pas pour Holly, elle est gentille.

 Tout le monde s’engouffra dans l’appartement. Le professeur partit, en criant par dessus son épaule :

 — J'arrive ! je vais chercher ma trousse à outils !

 — C'est qui, Holly ? chuchota Hector à sa soeur.

 — Sa copine, peut-être…

 Soudain, une petite chatte grise arriva en miaulant.

 — Ah ! fit Charles, qui passait là en coup de vent. Ça, c'est elle. Holly. Je l'ai trouvée un jour, alors qu’elle se promenait sur le toit en face de mon studio. Elle était maigre comme un lacet. Elle était abandonnée, la pauvre… C'est horrible ! Du coup, je l'ai fait entrer, je l’ai nourrie, et depuis elle squatte le studio. Elle est magnifique, non ? Bon, maintenant, je vais voir si mon tournevis n'est pas dans mon placard…

 Il s'éclipsa de nouveau. La fratrie en profita pour jouer avec l'animal. Enfin, un quart d'heure plus tard, Charles ressurgit, couvert d'une fine pellicule de poussière et équipé de sa trousse à outils.

 — C'est bon ! J'ai tout trouvé. Allons-y !

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