Chapitre 6 - Les Réparations continuent

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 Tatiana était incapable de voir un gamin pleurer sans aller le consoler. C’est donc tout naturellement qu’elle se leva pour le réconforter. Ce faisant, elle lâcha le professeur qui manqua de tomber sur Mathilde, le tout pour le plus grand amusement d'Héléna.

 — Tatiana ! Me lâchez paaaaas… !

 — La vache, m'sieur ! Vous êtes lourds ! Tatiana ! Revenez !

 — Mais, mes biquets ! Je dois bien consoler ce pauvre petit garçon ! D'ailleurs, Mathilde, je trouve que vous ne prenez pas très à cœur votre rôle de grande sœur… Et de toute façon, je dois aller prendre les lampes chez moi…

 À ces mots, Charles fut à deux doigts de pleurer de concert avec Hector. À la place, il vociféra :

 — Alors allez-y ! Dépêchez-vous, bon sang ! Vous attendez quoi ? Grouillez-vous !

 — Mon chéri, restez courtois, je vous prie. Et je ne peux pas aller chez moi, les clefs sont dans mon sac, et mon sac, je ne sais plus où il est…

 Tatiana cherchait partout et furetait de droite à gauche, quand – ô miracle ! – elle retrouva enfin son sac à main. Elle leur souffla un petit baiser et s’éclipsa.

 En l’attendant, Charles s'assit sur la table. Hector reprit James et la Grosse Pêche. Mathilde prit Héléna sur ses genoux.

 Ils attendirent cinq minutes. Puis dix. Puis un quart d'heure. Puis vingt minutes. Excédée, l'adolescente se leva finalement et posa sa sœur sur le canapé :

 — Mais qu’est-ce qu’elle fabrique ? Je vais voir ce qu’elle a encore inventé !

 Elle quitta l'appartement pour le palier inférieur. Là, elle manqua s'étouffer. Madame Lamatora discutait tranquillement avec le facteur, qui lui avait enfin apporté son colis. À la vue de sa jeune voisine qui venait, elle fit un clin d'œil mutin à l’employé :

 — Au revoir, mon ami ! Je vous laisse. Que voulez-vous, le devoir m'appelle ! À bientôt !

 — Au revoir, madame !

Il disparut. Tatiana eut l'air stupéfaite devant la mine furieuse de Mathilde.

 — Ben, quoi ? Je n'ai plus le droit de papoter ? On m'a juste apporté mon colis ! Il n’y a pas mort d’homme ! Bon, maintenant, allons chercher mes lampes.

 Elles entrèrent dans l'appartement – un véritable capharnaüm –, fouillèrent pendant un quart d'heure et trouvèrent finalement une ampoule dans une boîte à thé. Elles la prirent et retournèrent chez les Langeard. Il était plus que temps : Hector, Charles et Héléna commençaient à trouver le temps long.

 Elles juchèrent le professeur de latin-grec sur la chaise, sauf qu’ils durent faire face à une difficulté inattendue :

 — Au secours ! J'ai le vertige ! Je vais tomber !

 — Le vertige ? Il ne manquait plus que ça… Mais descendez, alors !

 — Je peux pas, je peux plus, j’en peux plus ! Aidez moi !

 Tatiana, handicapée par sa tenue quelque peu fantaisiste, n’en grimpa pas moins à son tour sur la table pour aider le jeune homme à descendre. Une fois sur le sol ferme, il alla s'affaler sur le canapé, blanc comme un linge, en marmonnant :

 — Un pouce entaillé… Le vertige… Vous voulez ma mort ?

 — Ne vous en faites pas, Chacharles chéri ! roucoula madame Lamatora. J'y vais !

 Elle joignit le geste à la parole en escaladant avec une force insoupçonnée la table. Elle attrapa l'ampoule, se jucha sur la chaise et dévissa la lampe.

 Tout à coup, elle poussa un cri. Aussitôt elle amorça une chute lente, et ne dut son salut qu’à Mathilde et Charles, qui eurent à peine le temps de la rattraper. Ce dernier la porta tant bien que mal, avant de la laisser tomber sur le canapé plus qu'il ne la déposa.

 — Qu'est-ce qui s'est passé ! cria Hector. Il y a une odeur de brûlé ! On a cramé Tata ?

 — Non, Totor, ça va encore ! le rassura la corpulente dame. Merci, Chacharles, mon chéri ! Qu'aurais-je fais sans vous ?

 — Je ne sais pas, répondait le professeur à la question d’Hector, sans prêter attention à Tatiana. Je crois qu'elle s'est électrocutée…

 — Mais je suis bête ! s'écria Mathilde en cachant son visage dans ses mains. J'ai oublié de couper l'électricité !

 — Bah, commenta son petit-frère. On n'a qu'à le faire !

 — Ce sera sans moi, grogna sa voisine.

 — C’est moi qui vais m’y coller, décida l'adolescente. Maintenant, je coupe l'électricité, qu'on en finisse !

 Sitôt fait, éclairée de leurs téléphones portables, elle escalada à son tour l’échafaudage de fortune. Délicatement, elle chercha dans la semi-obscurité le support de la lampe. Hors de question de compter sur Tatiana et Charles en cas de chute : la première était complètement ébouriffée suite à son coup de châtaigne, et le deuxième avait deux mains gauches.

 — Donnez-moi la lampe ! cria finalement Mathilde. J’ai trouvé où la mettre.

 Avec difficulté – du fait de l'obscurité –, Charles la donna à la jeune fille. L’ampoule fut revissée sans plus de mal. Elle descendit avec précaution, et ils rétablirent le courant.

 — Miracle ! s’ébahit Hector. Ça marche !

 Le mobilier rangé à sa place initiale, tous s’accordèrent une petite pause.

 — On souffle cinq minutes ! ordonna Tatiana. Changer cette ampoule nous a coûté du sang et des larmes. Et si vos parents débarquent, mes chatons, je... On dira qu'un voisin zinzin a tiré sur votre loupiotte, et que vous nous avez appelé pour la réparer. D'accord ?

 — Heu… Je ne sais pas s’ils vont nous croire, mais OK….

 — Parfait ! Maintenant, Chacharles, fais-moi une petite place sur le canapé. Il faut que je puisse souffler ! Mais ne t'en fais pas, mon chou. Il y a assez de place pour deux !

 « Chacharles » fit mieux que ça. Il saisit un fauteuil et se plaça le plus loin possible de sa voisine, à son grand dam.

 Le calme étant revenu, Hector jugea le moment idéal pour mettre un nouveau problème sur le tapis :

 — Paella a disparue !

 — Ha oui ? Alors retrouve-la, qu'on en finisse !

 — J’peux pas ! J'ai pas les clefs !

 Sa grande sœur réagit au quart de tour :

 — Non ! Pitié ! Ne me dis pas que t'as vu Paella sortir de l'appart' !

 — Heu… Si ?

 — Mais c’est pas vrai ! Comment a-t-elle réglé son compte ?

 — Elle est partie avec le pépé et la mémé.

 — Pardon ? Ton cochon d'Inde prend la poudre d'escampette avec une paire de voisin complètement allumés qui ont failli nous trucider, et tu me l’annonce vingt minutes plus tard !

 — Mais c’est pas moi ! Tu m'avais dis qu'on réglait qu’un seul problème à la fois…

 — Mais il le fait exprès ou quoi ? Si ton but, c'est de me rendre folle, ne t'inquiètes pas ! T’es au point ! La classe mondiale ! Le champion du monde, peut-être ! Tu rendrais dingue le Dalaï-lama !

 Elle n'aurait pas dû s'énerver : son petit frère fondit aussitôt en larmes – bien qu'il n'avait jamais entendu parlé du Dallas' Lama.

 — Bouhou… T'es méchante ! Tu m'aimes pas… Et Paella non plus, tu l'aimes pas… Bouhou… Tu nous détestes ! Bouhou… Vilaine !

 Tatiana accourut pour le consoler.

 — Ne t'en fais pas, Totor. Je suis certaine que ta sœur t'aime beaucoup ! Et de toute façon, il ne faut pas lui en vouloir. Tu sais bien qu'elle n'est pas très gentille et pas très délicate…

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