Chapitre 8 - À la recherche de Paella

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 Madame Lamatora ne tarda pas à revenir, équipée d'un carton. Mathilde ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil à ses chaussures : c'était les mêmes que tout à l'heure.

 — Mais, Tatiana… Vous avez gardé les mêmes bottes ?

 — Oui, mais j'ai recollé le talon ! Par contre, je crois que je l'ai fichu à l'envers…

 En effet, sa réparation expresse – et artisanale – la faisait boiter comiquement. Hector s'intéressa au contenu de son colis :

 — Tata ? Il y a quoi, dans votre boîte ?

 — C'est un cadeau qu'une amie m'a envoyé pour mon anniversaire. J'ai hâte de voir ce dont il s'agit !

 — Heu, bon anniversaire en retard ! lui souhaita Charles. Mais, vous étiez sûre que ça ne pouvait pas attendre un peu ?

 — Oh, vous savez, Chacharles ! Je suis si curieuse !

 Elle le gratifia d’un clin d'œil mutin, qui le fit soupirer et migrer vers le coin de la pièce le plus éloigné d’elle. À croire qu’il craignait que le colis libère une nuée de moustique. Pendant ce temps, Tatiana, qui l'avait ouvert, s'était écriée :

 — Ah, divin ! Justement ce dont je rêvais !

 — C'est quoi ? s'enquit Hector.

 Elle brandit une collection de sous-vêtements gigantesques, à motif de léopard. Gêné, Charles hoqueta et détourna le regard, rouge comme une pivoine. Hector ouvrit grand ses yeux. Même Chorizo semblait baba. Mathilde modéra sans plus tarder l'enthousiasme de sa voisine :

 — Bon ! Merci infiniment pour cette fabuleuse découverte… Tatiana. Mais maintenant, si ça ne vous dérange pas, merci de bien vouloir remballer votre défro… Heu, votre beau cadeau, et de nous aider à chercher Paella !

 L’instituteur sauta sur l’occasion, trop belle pour la laisser passer :

 — Ou sinon, vous n'êtes même pas obligée de chercher cette bestio… Ce tru… De la chercher avec nous ! Vous pourriez rentrer chez vous…

 — Ho, non ! Je suis tellement contente d'être avec vous, mes canetons ! Surtout vous, mon Chacharles !

 — Totor ! ordonna Mathilde. Reste ici avec Héléna, tu veux ? Comme ça, si les parents arrivent, tu gères ?

 — OK ! Mais ils rentrent quand ?

 — Ben, heu, je sais pas… Ils nous ont dit qu'ils n'en avaient pas pour longtemps…

 — Ils ont une notion du temps étrange, vos parents ! remarqua Charles. D’après ce que j’ai compris, ils sont partis depuis au moins une heure et demie… Mais, attendez ! Votre bestiole, Choucroute… Non, Paella ! Elle devrait être à notre étage, si elle ne peut prendre ni l’escalier, ni l’ascenseur !

 — Oh, vous savez ! le détrompa son hôtesse. Paella est très grande. Et puis, si elle a pris l’ascenseur en même temps que quelqu’un d’autre, sans qu’on s’en rende compte, on peut vraiment la trouver à n’importe quel étage.

 Sans plus tarder, Charles, Mathilde et Tatiana sortirent dehors pour inspecter le rez-de-chaussée – où ils ne trouvèrent rien. Ils montèrent d'un étage et arrivèrent devant chez Clément, où Tatiana sonna.

 La porte s’ouvrit tout à coup sur un jeune homme en nage, qui mâchait consciencieusement un chewing-gum. Derrière lui, on distinguait une télévision – dont le son était au maximum – et un canapé, d’où hurlaient des supporters, visiblement devant un match de foot. Le camarade de classe de Mathilde dut hurler pour se faire entendre :

 — Quoi ? Vous voulez quoi, les gens ?

 Sa camarade, timidement, essaya d’amener le sujet en douceur :

 — Alors, bonsoir, Clément ! Nous…

 — Accouche, quoi ! Y'a le match ! Mais grouille ta mère !

 Scandalisée, Tatiana ne put s’empêcher de lui remonter les bretelles :

 — Jeune homme, je te trouve bien impoli ! Pour commencer, quand des gens sonnent chez toi, on leur dit bonjour. Ensuite, arrête de nous parler comme si nous étions tes potes, et reste poli – si t’en es capable !

 — OK. Et sinon, y'a quoi ?

 — Voilà, nous cherchons un cochon d'Inde qui…

 — Déso, y'a pas d’dinde ici.

 — Un cochon d'Inde ! Pas une dinde ! De toute façon, tout le monde sait très bien que c'est toi, le dindon. Mocheté. Et malpoli, en plus.

 — Ta gueule, ta mère la pute !

 — Ouais, ouais, c’est ça ! Et ton père le client et toi l’accident !

 La bulle de chewing-gum que Clément soufflait lui explosa sur la figure. Bouche bée, il fixa l’espèce d’apparition, maquillée comme une voiture volée, et claqua la porte. Madame Lamatora laissa alors libre cours à son indignation :

 — Si sa mère le voyait, ouh là là ! En voilà un qui se prend pour quelqu’un ! Franchement, Mathilde, je te déconseille de tomber amoureuse de lui. Une vraie tête de chips. Tu as raison, il est très bête. Je dirais même plus, il est étouffé par la bêtise !

 — Heu, Tatiana ? fit timidement la jeune fille. Je suis entièrement d'accord avec vous, mais, s'il vous plaît, n'insultez pas trop Clément. Ou alors, moins fort. Lundi, j'ai cours avec lui et j'aimerais bien rester vivante.

 — Bah, j'avais juste envie de lui faire la leçon, à ce dindon ! Parce qu'il ressemble à un dindon, avec sa crête jaune. Vous ne trouvez pas ?

 — Complètement d'accord ! approuva Charles. Moi, mon frère Hubert, quand il se fâche et secoue la tête, il ressemble aussi à un dindon… Ou plutôt à un coq, avec sa frange. Maintenant, on va inspecter votre palier, madame Lamatora ?

 Ils grimpèrent les escaliers et arrivèrent devant chez Tatiana, qui fit par précaution un tour rapide de son appartement. Bien évidemment, ils n’y trouvèrent pas Paella.

 — De toute façon, chez moi, il y a tellement de bazar qu'un cochon d'Inde en plus ou en moins, ça ne ferait pas beaucoup de différence.

 — Pas faux, glissa discrètement l'adolescente. Tout à l'heure, on a trouvé vos lampes dans la boîte à thé.

 — Oui. Voyez-vous, j'ai horreur du thé mais j'adore ce genre de boîte. Résultat ? Je m’en suis offerte une, et maintenant, c'est plus une boîte à thé mais une boîte à lampe ! Et vous, mon Chacharles, aimez-vous le café ? lança-t-elle soudain tout à trac, en le gratifiant d’un sourire mutin. Voyez-vous, j'adore le café. D’ailleurs, que diriez-vous si je vous invitais à en boire un chez moi, un de ces jours ?

 — Heu, il se fait tard !… Allons voir si Paella n'est pas chez Bernard et Janine…

 Ils montèrent en sautant le palier des Langeards – ils n'y avaient vu aucun cochon d'Inde. Alors qu'ils sonnaient à la porte des Dubreuil, Mathilde battit prudemment en retraite, sous le regard surpris de ses compagnons.

 — Bah alors, ma petite biche ? Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as la frousse ?

 — Heu, méfiez-vous… Ces personnes sont un peu… paranoïaque…

 — Bah ! lança Charles. Sans doute que tu ne sais pas y faire, avec nos aînés ! Laisse-moi faire, je m’entends très bien avec eux. Allez, je sonne.

 Il s'exécuta. D'abord rien. Il recommença… Quand la porte s'ouvrit aussitôt, poussée par un Bernard armé de son cher fusil. Mathilde réagit au quart de tour : elle déguerpit en hurlant à l'étage supérieur. Le professeur, livide, respirant avec difficulté, leva les mains, pendant que Tatiana fonçait se cacher derrière lui.

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