Chapitre 11 - Bon appétit !

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 — C'est quoi, ce truc ? demanda Hector. Vous avez essayé de faire du feu ? Et c'est quoi qui sent comme ça ? Quelqu'un a pété ? C'est qui ?

 — Merci pour la question, Totor, lâcha sa grande sœur. Heu, Charles ? C'est normal, la couleur noire ?

 — Je reconnais que non… Mais c'est votre four qui est un chouïa trop fort. En même temps, le mien, il cuit autant qu'un frigo. Mais il doit être très bon, ce frichti ! C'est rien que du gratiné ! Vous allez voir : on va s’en lécher les doigts !

 — Et l'odeur, Chacharles ?

 — Oh, pour ça, vous en faites pas ! C'est juste le fromage qui sent un peu…

 — Les fromages, vous voulez dire, corrigea Mathilde, les yeux fixés sur le plat.

 — Oui, bon, les fromages. Mais de toute façon, c'est pas aussi fort dans le goût que dans l'odeur.

 — Et puis, ajouta Hector, c'est pas parce ça cocotte que c'est dégoûtant. Quand papa se fait de l'andouillette, ça pu tellement que maman l'envoie manger tout seul sur la terrasse. Mais papa dit que c'est très bon.

 — Merci pour les détails, Totor, lâcha à nouveau sa grande sœur. Bon, alors, et si on attendait cinq petites minutes que ça refroidisse, en ouvrant les fenêtres ?

 — Bonne idée, grinça Tatiana, se couvrant le nez et la bouche à l'aide de son col. Ça va aérer.

 — Ouvrez tout, ça fera un courant d'air.

 Mais cinq minutes plus tard, même avec le courant d'air, l'odeur était restée. Mathilde avait même l'impression qu'elle s'était intensifiée. Elle voyait mal comment on pouvait faire pire.

 — Bon, on s'attable ? proposa-t-elle finalement avec un entrain forcé.

 — En y repensant, réfléchit Tatiana, toujours protégée par son col, je suis aussi grasse que ce gratin dauphinois. Je crois que je ferais mieux de m'abstenir.

 — Vous êtes sûre que vous n’en voulez pas ? insista le cuisinier. Même pas une toute petite lichette ?

 — Non merci ! Mais je vais apporter mes biscottes sans gluten au petit épeautre bio et du jus de carotte. J'arrive, j'en ai pour cinq minutes !

 Elle s'esquiva. Le professeur goûta du bout des lèvres un petit morceau de gratin, avant de le recracher aussi sec. Il se pencha vers Mathilde :

 — Zut, c'est infect !

 Tiens, c’est étrange, songea-t-elle ironiquement.

 — Je suis désolé, poursuivait-il, c'est la première fois que ça arrive ! À mon avis, c'est le four que je n'ai pas réussi à régler… Il est trop puissant. Moi, j'ai l'habitude de mon vieux truc minable…

 — Bah, regardez le bon côté des choses ! Vos talents culinaires ont l'air de refroidir les ardeurs de Tatiana. Vous avez remarqué ? Elle vous a appelé Charles. Pas Chacharles.

 — Très drôle…

 — On peut commencer à manger ? les pressa Hector qui ne les avait pas écouté, et qui semblait pressé de commencer le festin. J'ai une faim de loup !

 — Heu… Bien sûr, Totor ! l’autorisa sa grande sœur, tout en s'effarant mentalement de ses goûts culinaires.

 Le garçonnet, réellement affamé, enfourna une grosse cuillerée de gratin. Alors qu’il mastiquait, il ouvrit soudain de grands yeux horrifiés, blêmit et déguerpit sans demander sans reste.

 Mathilde soupira, soulagée. Son petit frère avait des goûts normaux. Puis elle proposa de trouver un autre dîner.

 — Mouais, convint Charles. L'ennui, c'est que chez moi, il n'y a plus grand-chose…

 — On n’a qu’à faire des pâtes. Il devrait nous en rester un paquet.

 — Ah, oui ! Bonne idée ! Je devrais même avoir de la sauce…

 — Et dans le frigo, je crois qu'il y a du parmesan. Avec de l'huile d'olive…

 — D'accord, je vais les chercher. Et le gratin dauphinois, j’en fais quoi, Mathilde ?

 — Jette-moi ça à la poubelle ! C’est une infection.

 — Mais quand tes parents rentreront, ils risqueront de croire qu’il y a un chat crevé dans l’appartement… Attends, laisse-moi m’en occuper.

 Il saisit le plat, ses clefs et sortit dehors. Environ une minute plus tard, Tatiana, un paquet de biscotte et une bouteille de jus de carotte à la main, débarqua en clamant :

 — Coucou ! C'est moi, je… Mathilde, où sont Chacharles et Totor ?

 — Totor, je pense qu’il est parti gerber aux toilettes le gratin dauphinois. Et Charles, il est parti nous débarrasser de ce qui en reste. À la place, on va faire des pâtes.

 — Des pâtes ? Vous ne pouviez pas le dire avant ? Je suis déjà partie prendre mes biscottes…

 Hector revint sur ces entrefaites, et de mauvaise humeur. Le gratin dauphinois raté avait des effets néfastes sur son moral. Et enfin, ce fut Charles, le plat vide dans une main, un pot de sauce dans l'autre, qui revint.

 — Vous en avez fait quoi, du gratin ? lui demanda madame Lamatora.

 — Je l'ai mis dans une des poubelles du local. Y’a pas de risque, le camion passe ce soir. Ça ne devrait pas trop stagner.

 Bon débarras. Mathilde, épuisée, entra dans la cuisine pour cuire les pâtes – avec les fenêtres ouvertes, il était vital d’aérer. La puanteur était insoutenable. Soudain, Tatiana arriva, l’air d’avoir une idée en tête :

 — Eh ! Vous avez des dessert ?

 — Non. Désolée, on n’est pas au restos. Vous croyez que c'est pour quoi, que les parents sont partis faire des courses ?

 — Te fâche pas, oh ! D'ailleurs, ils comptent revenir quand, tes parents ? Au départ, ils étaient juste partis à cinq heures et demie pour faire une course, et là, il est neuf heures du soir ! On n’a pas idée de laisser mourir de faim ses enfants comme ça ! Et d'ailleurs, Mathilde, tu ne voudrais pas me faire un café ? J'en bois toujours un après le dîner.

 — Mais faites-le vous même, votre café ! Je suis votre voisine, pas votre servante.

 — Tu dis ça parce que tu ne sais pas en faire.

 — J’ai bien le droit… J'en bois pas.

 — Alors je vais faire mon café chez moi, et je reviens après avec un gâteau pour le dessert.

 Elle s’éclipsa aussitôt. Haussant les sourcils, Mathilde finit ses pâtes avant de les amener dans le salon.

 — Vous voulez quoi, comme sauce ? Charles a amené de la sauce tomate, et j’en ai au pistou… Ou alors vous préférez du parmesan ? J’ai aussi de l’huile d’olive, si ça vous intéresse !

 Tatiana arriva soudain, un carton à dessert sous un bras et une tasse de café dans l’autre. Ils dévorèrent la platée de pâtes et passèrent au dessert. Il s’agissait d’un appétissant gâteau au chocolat, assez gros, recouvert d'un nappage. À la demande pressante de son autre voisin, Mathilde prépara de la tisane avant de se servir elle-même :

 — Il a l'air très bon, ce gâteau, Tatiana. C'est vous qui l'avez fait ? Chapeau ! Vous êtes une excellente cuisinière.

 — Merci, mais je l'ai acheté à la boulangerie.

 — Tiens, je croyais que vous étiez végan... Vous avez commandé un gâteau spécialement sans œufs ?

 — Ah bon ? J'ai dis que j'étais végan ? J’avais oublié…

 — Heu… OK… Et sinon, vous l’avez acheté pour vous toute seule ? Quelle gourmande !

 — Je l'avais acheté il y a deux petites semaines pour fêter mon anniversaire avec des amis, sauf qu'ils ont eu des empêchements. Résultat : ils m’ont tous laissée tomber comme une vieille chaussette.

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