Chapitre 12 - PSG VS OM

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 Mathilde recracha aussitôt le morceau qu'elle venait de porter à sa bouche. Elle fut imitée par Charles, qui rugissait :

 — Vous êtes folle ! Mais qu'est-ce qui vous prend, de nous faire manger un gâteau avarié ?

 — Calmez-vous, mon chéri. Je suis certaine qu'il n'est pas périmé. La preuve : vous n'avez rien senti.

 — Mais vous saviez très bien que ce gâteau n'était plus bon ! s’écria Mathilde. Vous voulez nous empoisonner ou quoi ?

 — Mais il y a du sucre ! Le sucre, ça conserve. Du coup, le gâteau est encore bon !

 — J'peux en ravoir ? gazouilla Hector, qui ne devait pas savoir ce que signifiaient « périmé » et « avarié » – à moins qu’il s’en fichait.

 — Non ! trancha sa sœur en emportant le plat. C'est fini, de se rendre malade avec n’importe quoi ! Je vais mettre ce truc dans le local à poubelle avec le gratin. De toute façon, les pigeons, les rats et les chats bouffent déjà n'importe quoi en faisant les poubelles !

 — Tu n’es pas très tendre, toi, avec les animaux ! Moi qui voulais vous faire plaisir avec un bon dessert…

 — Un bon dessert périmé, oui !

 — Mais j'en veux, moi, du gâteau ! cria Hector, qui commençait à s'impatienter.

 Hébétée, la jeune fille resta coite quelques instants, debout, le plat dans les mains. Finalement, elle souffla, le jetant plus sur la table qu’elle ne le posa :

 — Vous voulez garder le gâteau ? Eh bien, faites en ce que vous voulez ! Rendez-vous malade si ça vous chante ! En tous cas, le repas est fini pour moi.

 Elle s'affala sur le canapé, prit Holly sur ses genoux et bouda. Charles, qui avait également perdu l’appétit, sortit de table pour lire le livre d’Hector, qui réclamait une nouvelle part.

 — Non, Totor ! Tu vas te rendre malade ! se hérissa sa sœur.

 — Ho…

 — Et il neuf heures et quart. C’est déjà tard, pour toi. Tu devrais te brosser les dents et aller te coucher.

 — Mais pourquoi ? Demain, j'ai pas école, et puis je veux attendre papa et maman ! Parce que sinon, s'ils ne me font pas de bisou avant que j'aille faire dodo, j'arrive pas à dormir et je fais des cauchemars.

 — C'est vrai, Mathilde ! le défendit Tatiana. C'est le week-end… Et puis, c'est une occasion spéciale ! Donc je trouve qu'Hector peut encore rester un peu…

 — C'est bon, Totor. Tu peux rester.

 — Alors on fait quoi ?

 Comme en réponse à sa question, un majestueux craquement de fin du monde retentit. Les quatre compagnons se figèrent… Avant de tous se mettre à babiller en même temps.

 — C'était quoi ?

 — On dirait qu'un meuble est tombé en bas…

 — Les voisins sont fous ! Faire un vacarme pareil, à cette heure… !

 — Vous croyez que ça venait de chez moi ? s'inquiéta soudain madame Lamatora.

 — Impossible. Vous vivez seule.

 — Justement ! Et si je me faisais cambrioler ?

 — Enfin, ce n'est pas possible…

 — Peut-être, mais je veux en avoir le cœur net. Je vais aller vérifier qu'il n'y a personne chez moi.

 S’emparant du couteau qui avait servi à couper le gâteau, elle fonça vers la porte d'entrée. Mais alors qu'elle l'ouvrait, Bernard, armé de son fusil, se précipita dans l'appartement en la bousculant :

 — Pisses-froids, paltoquets, s’pèce de saligauds, couillons de la lune ! Z'en avez pas marre de faire tout ce saint-frusquin ? À la fin, c'est la bâtisse que z'allez faire s’écrouler ! On peut plus r’garder la télé tranquille !

 — Désolée, monsieur Dubreuil ! s'écria prudemment Mathilde.

 Son expérience avec Bernard lui avait enseigné que mieux valait être patiente et polie. Elle se hâta d’expliquer, avant qu’il ne lui vienne à l’esprit de jouer avec son fusil :

 — Cette fois-ci, on n’a rien fait ! C’est pas nous ! On pense que des voleurs sont entrés dans l'appartement en dessous, chez Tatiana…

 — Quoi ? Si des mandrins sont en train de grappiller, faut tirer ça au clair ! Et quoi c'est-y que vous attendez, les mioches ? Bougez-vous les fesses !

 — Mais, monsieur, ça pourrait être dangereux ! Et s’ils étaient armés ? Il faudrait plutôt appeler la police, et…

 — Grouillez-vous, bande de pouffres ! Depuis le temps qu'il y a eu le ramdam, vos truands ont déjà eut tout leur temps pour faucher l'argenterie de la panthère !

 Le vieil homme les mena devant chez Tatiana, qui ouvrit la porte. Ils firent rapidement le tour du logis, Bernard brandissant son fusil à chaque pas, comme si une bande de malfaiteurs se cachait derrière chaque meuble.

 Évidemment, il n'y avait personne.

 Ils ressortirent donc en décidant d'aller voir ce qui se passait à l’étage inférieur – celui de Clément. Devant sa porte, ils entendirent des cris.

 — Je serais pas étonné qu'il y ait un céréale qui leurre qui ce soit introduit là-dedans, marmonna Bernard, se cramponnant à sa chère carabine. À trois, on enfonce la porte.

 Il se plaça à quelques mètres d'elle, talonné par Charles et Tatiana. Mathilde entraîna son frère à l'écart, et essaya de refroidir les ardeurs du vieil homme :

 — Heu, dites… Si ça se trouve, ils regardent juste un film…

 — Tais-toi, la souris. Laisse faire les spécialistes. Un… Deux… Deux et demi… Deux trois quarts… Deux soixante-quinze… Deux et sept douzaines… Trois !

 Lui et les deux autres adultes se ruèrent contre la porte, qui s’ouvrit sous le choc. Charles s'écroula par terre. Tatiana, qui galérait à rester stable sur ses bottes à talon, manqua de peu de le piétiner. Et Bernard, prêt à faire de la chair à pâté avec quiconque s’attaquerait à ses voisin, brandit son fusil en beuglant :

 — Haut les mains, siphonneux, goulamas ! Où je vous fais gober votre dernière patate !

 Dans le silence soudain, Mathilde se faufila prudemment dans le salon. Clément, ainsi que des élèves qu'elle avait déjà vus au collège, étaient affalés sur le canapé ou par terre. Tous regardaient un match de foot… Jusqu'à l'interruption de Bernard, qu'ils observaient avec des yeux ronds.

 — Vous faites quoi ? demanda soudain une jeune fille avec des cheveux bleus. Vous étiez invités, vous aussi ? Vous êtes en retard. Le match a déjà commencé depuis au moins une heure.

 — Où c'est qu'il est, le foutriquet qui vous zigouillait ?

 — Hein ? mugit Clément, que le chewing-gum qu’il mâchait faisait ressembler à une vache.

 — Heu, vous faites quoi ? traduisit Mathilde. Bernard demande ce que vous fabriquiez. Ça vient de chez vous, l’espèce de boucan qu’on vient d’entendre ?

 — J’espère que tu comprends là, le dindon ? ne put s’empêcher d’ajouter Tatiana, qui ne portait pas le garçon dans son cœur.

 — Beh, ânonna un garçon affalé par terre, on regarde le match de foot PSG contre OM. En gros, les bests contre les nazes ! Quand ils jouent, on a l'impression qu'ils ont un bouchon dans le c…

 — Oui, bien sûr, l’interrompit Charles. Mais, quand on regarde un match, c’est obligatoire de fracasser une table ? s’enquit-il, désignant les restes d'un guéridon.

 — Ben, ça, c'est quand les Parisiens ont…

 — Mais vous êtes au courant qu'on s'est inquiété ! s'indigna Mathilde.

 — On a cru qu'un céréale qui fait peur s'était introduit chez vous, les informa son petit-frère, qui venait d’arriver à son tour.

 — Heu, ça va, la weed ? demanda une fille, éberluée. Sinon, juste par curiosité, vous avez déjà pris rendez-vous chez le psy ?

 — J’veux pas dire, mais c’est vrai qu’au bout d’un moment, faut réfléchir deux secondes ! renchérit Clément.

 — C’est ça, nargua Tatiana, incapable d’accepter une critique de sa part. Et toi, ta mère elle boit l’eau des pâtes !

 — Ça suffit ! Taisez-vous, tous ! ordonna Bernard, qui trouvait que la conversation partait loin. Les djeuns, éteignez cette télé de malheur ! Ou au moins, arrêtez de tout démolir pour un oui ou pour un non, têtes de têtards ! Faites en sort qu'on n'ait pas à revenir ! Car sinon, je lance votre télécommande par la fenêtre !

 Et sur cette dernière menace, le vieil homme entraîna ses voisins dehors.

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