Chapitre 1 :

7 minutes de lecture

Ma main zébrée de coupures se pose sur la poignée.

Je retiens mon souffle, pour tenter d'oublier la douleur d'une côte cassée, et d'un genou déchiré, pour me concentrer sur ma mission.

Assassiner le Président.

Le battant s'ouvre, révélant une chambre au mobilier sobre. Quelques meubles en marbre, un bureau plein de paperasse, un grand lit inoccupé.

- Entre, je t'attendais.

Mes yeux se fixent sur l'homme qui vient de parler. Assis dos à la fenêtre, il me regarde avec intérêt. Je me traine vers lui et m'arrête au centre de la pièce. Il se lève, mais à peine s'est-il redressé que j'ai sorti mon pistolet pour le pointer sur lui.

Il met ses mains bien évidence au dessus de sa tête, et je suis persuadée de le voir esquisser un sourire malgré l'obscurité.

- Ne sois pas si méfiante voyons, je comptais simplement allumer la lumière.

Je ne réponds rien, tous mes sens focalisés sur sa main droite qui se déplace lentement jusqu'à l'interrupteur. La pièce s'éclaircit d'un coup. La différence de luminosité brouille un instant ma vue mais je ne flanche pas. Le cran de mon arme s'enlève dans un claquement.

Devant moi, le président est vraiment en train de sourire. Quel idiot. Il fera moins le fier lorsqu'une balle se sera logée entre ses côtes. Celui-ci se passe une main dans ses cheveux blancs, et me dit sur le ton de la confidence.

- Alors, c'est donc toi la Perle dont tout le monde parle ?

Je ne parlerai pas, et il le sait. Alors il poursuit, comme si nous étions dans un putain de salon de thé.

- Contrairement à ce que ton petit gang semble penser, il ne passe pas inaperçu. Les Insaisissables, c'est bien comme cela que vous vous faites appeler ?

Cette dernière phrase se fraye un chemin dans mon esprit, et je me fige. Comment sait-il ? Ces hommes ne se sont pourtant jamais mêlés de nos affaires.

- J'ai enfin retenu ton attention ? me dit-il, toujours de bonne humeur.

Je ne prends pas la peine de hocher la tête. Je dois savoir, avant de le tuer, ce qu'il sait exactement sur nous.

- Je sais de quelle manière vous recrutez vos membres.

Il est très sérieux à présent.

- J'ai appris toutes les atrocités que vous deviez commettre pour prouver votre loyauté. Mais surtout, j'ai vu que vous aviez tous, sans exception, fini par couper les ponts avec vos proches. Je ne me trompe pas n'est-ce pas ?

Il me regarde dans les yeux, mais je n'en ai même pas conscience. Seul l'écho de ses paroles m'atteint, plus que je ne le voudrais.

- Il t'attend, quelque part, tu le sais Perle. Il pourrait tout te pardonner s'il pouvait te voir revenir.

- C'est vrai ?

Ma voix n'est qu'un murmure. Il hoche la tête. Mais ce n'est pas son visage ridé que je vois, non. Ses cheveux sont bruns et ébouriffés. Ces yeux marrons se sont éclaircis pour se teinter de bleu et de gris.

Hope.

Je vais l'abattre.

Telle est la phrase que je me répète depuis que je suis sur le toit de ce bâtiment, face au Palais de l'Elysée. Dans ma poche, le poignard et le pistolet pèsent lourd. Le poids de la vie que je vais oter ce soir.

Je lâche la balustrade, m'éloigne de quelques pas, pour prendre mon élan. Mais au moment où je commence à courir, quelqu'un m'attrape le bras. Je me retourne et dans un même mouvement, attrape mon arme pour la pointer sur mon agresseur.

Hope me regarde avec horreur.

J'écarquille les yeux et laisse retomber ma main aussi vite que j'ai dégainé ma dague. Un peu plus et je l'aurais tué. Puis, mon visage retrouve son impassibilité et je lui demande froidement.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

Il me pointe du doigt.

J'éclate de rire, méchamment.

- Vraiment ? Après tout ce temps, tu t'es enfin décidé à revenir vers moi d'un seul coup ? Ne tente pas de me faire avaler ces salades.

Il me dévisage, incrédule. S'il croyait que j'allais l'accueillir à bras ouverts, il se fourre le doigt dans l'oeil. J'ai changé. La gentille petite Perle a disparu, à cause de lui. Il sort son carnet, et griffonne rapidement, avant de me montrer.

"Je suis revenu parce que je ne pouvais pas te laisser sombrer."

- Je ne suis pas en train de sombrer, je le contredis froidement.

Il lève les yeux au ciel, écrit autre chose.

"Tu mens, tu voles, tu tues des gens, Perle. Je ne sais pas pourquoi tu t'es laissé entraîner là dedans mais cela ne te ressemble pas."

- Tu ne sais pas pourquoi ?!

Je n'en crois pas mes oreilles.

- Je vais t'éclairer un peu. Tu m'as A.B.A.N.D.O.N.N.E.E !! Tu m'as laissée seule avec Lys, et tu es parti je ne sais où en égoiste ! On avait fait des projets ensemble tu te rappelles ? Mais non, je raille, tu as préféré jeter NOTRE avenir par les fenêtres ! Tout cela parce que tu avais peur de parler !

Il se fige. Mes mots sont des lames tranchantes que je lui lance encore et encore. Je n'en ai rien à faire qu'il souffre. Ma douleur était pire. Alors, j'en rajoute.

- Tu m'as fait si mal Hope, je lui crie les larmes aux yeux, si mal que je me suis pas relevée. Tu étais le centre de mon monde et tu le savais. Je t'ai attendu pendant des semaines ! J'ai guetté à la fenêtre, espérant que tu changes d'avis, relevant la tête à chaque bruit de voiture qui passait dans notre rue ! Et le pire dans tout ça, c'est la façon dont l'espoir me détruisait petit à petit. Tu veux te refaire une place dans ma vie ? Très bien ! Dis-le. Dis que tu ne m'abandonnera pas une deuxième fois !

Hope ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Je sèche mes larmes et mon visage se ferme. Même après tous ces mois, il ne veut pas prononcer un mot.

Mon cœur, déjà en miette, se fissure encore. Les blessures que j’avais tentées de refermer avec ma colère se sont rouvertes. Tout cela parce qu’il est revenu. Mais cette fois-ci, pas question de refaire la même erreur.

- J’en étais sûre.

Je me retourne, pour me concentrer sur ma cible. Peut-être aussi pour qu’il ne voit pas la larme qui dévale ma joue.

- Je vais détruire le bâtiment dans 5 minutes. Tu ferais mieux de dégager.

Quelques secondes plus tard, le bruit de ses pas résonne, s’éloignant dans la nuit. Il m’abandonne, encore. Et, quoi que je fasse, cela me fait toujours mal de le voir partir.

Après m’être assurée qu’il a quitté le bâtiment, je recule pour prendre mon élan, me saisit de la télécommande, et saute par-dessus la balustrade.

J’enfonce le bouton et l’immeuble derrière moi explose.

- Perle ?

Je réintègre brusquement la réalité. Le président se lève pour s'approcher de moi, mais je réagis enfin et braque mon arme sur lui.

- N'approchez pas.

Il remet ses mains en évidence.

- Enfin Perle ! Je ne suis pas en train de te menacer voyons. Pour en revenir à ce que je te disais, je suis capable de te promettre que tu ne finiras jamais en prison pour tes crimes. Aussi, je peux t'offrir un travail en tant que garde du corps pour le gouvernement. En échange, tu dois simplement lâcher ton pistolet, et quitter le gang des Insaisissables.

Sa voix se fait mielleuse.

- Comme cela, tu pourras retrouver les proches que tu as abandonnés.

C'est à ce moment précis que je me rends compte de son stratagème. Il tente de me manipuler, mais il ne connaît pas vraiment. Il ne sait pas que la seule raison pour laquelle je me tiens ici devant lui, c'est justement parce que j'ai été abandonnée.

Non, il est trop désespéré pour réaliser que je ne peux pas tomber dans son piège.

Alors, je décide de jouer.

- Votre proposition est intéressante, je lâche.

Ses yeux s'illuminent.

- Cependant, sâchez que se sont mes proches qui m'ont tourné le dos. Je n'ai donc aucune raison de vouloir quitter les Insaisissables. De plus, je n'ai pas pour habitude de laisser ma cible en vie.

Il comprend son erreur, et devient livide.

Je tire, et il s'écroule au sol. Le sang s'étale lentement autour de son corps, colorant le parquet. Je m'agenouille près du cadavre du politicien. Après avoir vérifié que la mort l'a bien enlevé, je trempe mon index dans le liquide poisseux qui recouvre le sol. Puis, j'ouvre sa veste, et trace sur sa chemise imaculée, cinq petites lettres.

Perle

J'enjambe son corps et me traîne jusqu'à la fenêtre. Il faut que je sois partie avant quelqu'un ne découvre le meurtre. Je me glisse dans la nuit, grinçant des dents à cause de mon genou, et m'engage sur les toits. Une fois assez loin, je m'adosse à une cheminée, sors mon téléphone.

- C'est fait ? demande une voix à l'autre bout du fil.

- Oui, je suis sur le chemin du retour.

Je racroche, et supprime l'appel dans l'historique. On est jamais trop prudent.

Je m'apprête à me lever lorsque des cris se font entendre. Merde. Ils s'en sont déjà rendu compte. Si je m'extirpe de derrière le conduit, ils me repèreront à coup sûr.

Soudain, un tissu se plaque sur ma bouche. Je me débats, mais il est trop tard. Le sédatif a rempli mes poumons et s'infiltre progressivement dans mes veines. Ma vision se réduit, les sensations disparaissent peu à peu. La dernière chose que je capte avant d'embrasser l'obscurité, est une phrase.

- On l'a eu. Elle correspond à la description que vous m'avez donnée.

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