Chapitre 2
La douleur est la seule chose qui parvient à chasser le brouillard de mon esprit.
Elle pulse dans ma tête, mon genou, mon corps. Je me mords la lèvre pour ne rien laisser paraître. Ce mouvement, aussi simple soit-il, me rassure. Même souffrante, je suis en pleine possession de mes mouvements.
Puis, viennent les sensations. Je me reconnecte petit à petit avec le monde, captant la fraicheur de la pièce et son humidité.
Ils m'ont enfermée dans un sous-sol, ou un hangar pas très bien isolé. pieds et poings liés, incapable de m'évader.
Je m'apprête à ouvrir les yeux, quand un bruit de pas me fait me raviser. Le cliquetis d'une clé que l'on introduit dans une serrure, puis un grincement discret de porte, me prouvent que quelqu'un est entré dans la pièce.
- Je sais que tu es réveillée.
Cette voix... Zaya. Je suis dans la merde. J'ouvre les yeux, et mes soupçons se confirment. Elle se tient là, devant moi, l'air impassible. Mais je la connais trop bien pour tomber dans le panneau. Ses sourcils qui se froncent légèrement, la manière dont elle a remonté ses manches, relevé ses cheveux noirs en un chignon, tout montre qu'elle s'est préparé méticuleusement pour faire face à la pression qui pèse sur ses épaules.
Ce n'est pas tous les jours qu'elle a la chance d'interroger un membre des insaisissables. Et surtout quelqu'un d'aussi haut placé dans le gang et utile que moi.
- Perle, c'est bien cela ?
Je ne réponds pas.
- Comme tu dois sûrement me connaître je vais aller droit au but : as-tu tué le président ?
Je la défie du regard sans un mot. A peine cinq minutes, et elle s'impatiente déjà.
- Je crois que l'on s'est mal comprises toutes les deux, dit-elle enfin, brisant le long silence que j'avais instauré. Tu parles ou tu vas passer un sale quart d'heure.
Elle cherche à s'imposer, mais tout ce que je vois, c'est la lueur d'hésitation qui brille au fond de ses iris bleu. Malgré tout ce temps passé à diriger un gang, elle n'est pas capable de franchir la limite de violence.
Pathétique.
Une gifle part, et mon visage avec. Ma peau rougit, et du sang goutte de mon nez. Je releve la tête vers elle, et lui demande.
- C'est comme cela que vous torturez les gens ?
Ma question crée une brèche dans son contrôle, mais elle ne cède pas. Pas encore. A la place, elle se redresse et sort un couteau de sa poche. Aussi petit que riddicule. Elle l'examine, puis pose le plat de la lame sur ma peau. Elle la fait promener sur mon bras, puis le long de mon cou, avant de descendre plus bas. Elle trace une fine ligne sur ma cuisse, appuyant juste assez pour que le sang colore l'entaille. Je la regarde s'exécuter, imperturbable.
Il en faudra plus pour me briser.
Elle suspend son geste juste avant mon genou, puis lève les yeux.
- Tu n'es toujours pas décidée à parler ?
- Ais-je l'air bavarde ? je réplique ironiquement.
Et un soupçon de maîtrise en moins.
Elle lâche son arme, et saisit ma jambe. Un craquement sinistre retentit, et un gémissement de douleur m'échappe. La garce. Maintenant, mon membre est plié dans un angle imporbable.
- Tu es consciente que si cela continue, tu ne pourras plus marcher ?
- Je ne suis pas idiote.
- Et pourtant... Tu refuses de m'avouer que tu l'as tué.
- Si vous en êtes aussi sûre, pourquoi vouloir absolument ma version des faits ? je raille, sâchant très bien qu'elle cherche un moyen légal de faire tomber notre gang.
Elle me foudroie du regard. Puis, ses mains sont sur mon autre jambe. Elle détourne les yeux, et la brise. Je hurle. La souffrance me cloue litéralement sur place.
- Toujours rien ?
- Il serait temps que tu passes à la question suivante, je fais remarquer haletante. Sinon, je ne serai physiquement pas en état de t'écouter ou de te dire quoi que ce soit.
- Tu m'en prends pour qui ? explose-t-elle. Tu crois que je ne vois pas clair dans ton jeu ?! C'est moi qui mène l'interrogatoire, toi tu subis ou tu avoues. Plus les informations que tu donnes sont croustillantes, moins tu as de chances de mourir ou de finir en prison. Alors tu vas ouvrir la bouche et me REPONDRE !!!
- Et si je ne sais rien ? je lui souris.
- Dans ces cas-là, tu meurs.
Elle ne plaisante pas. Avec d'autres prisonniers, son petit stratagème aurait fonctionné. Cependant, je ne fléchis jamais.
- Très bien. Tue-moi pour voir.
Je ne plaisante pas non plus, et elle le devine. L'un de ses sourcils se hausse légèrement. Nous savons toutes les deux, qu'elle se trouve dans une impasse. Incapable d'obtenir ce qu'elle veut et de franchir cette limite.
- Tue-moi, je répète, et tu vengeras tous tes sbires qui se sont mystérieusement fait assassinés. Tue-moi, et tu pourras écrire tes initiales avec mon sang, comme le faisait ce meurtrier. Ou meurtrière, je rajoute en souriant, qui sait ?
- Arrête.
- Tu ne tiens pas à savoir ce qu'ils ont ressenti ? Je lui susurre. Je peux sans mal imaginer à quel point ils ont souffert. Les larmes aux yeux, ils suppliaient pour être épargnés ces lâches. La simple vue du pistolet les faisait palir. Alors, quand celui-ci s'est pointé sur leur tête, ils se sont mis à gémir. Mais rien à faire : ils sont tombés les uns après les autres.
- Tais-toi !
- Sais-tu ce qui est le pire ? Ils n'avaient même pas été entraînés à faire face à de telles situations. De vrais cochons envoyés à l'abattoir si tu veux mon avis. Je me demande qui les a engagé.
Le couteau s'enfonce profondémment dans ma cuisse, m'arrachant un cri de douleur. Déjà, quelques tâches noires recouvrent ma vision.
- Qu'est-ce que tu cherches à la fin ?! Elle me crie.
Devant une telle question, je réalise que j'étais en train de la provoquer dans un seul but.
La mort.
Jamais je n'ais considéré cette option. Je me contentais de vivre, comme tout le monde. Mais, alors que je me tiens au bord du gouffre, je ne ressens pas de peur de mourir. Sûrement parce qu'au fond, je sais que cela ne changerait rien.
- Tu sais pertinemment ce que je cherche.
Je la vois sortir un pistolet de sa veste. Sa main tremble, comme je m'y attendais. Ses paroles n'étaient que de simples menaces qu'elle n'aurait jamais mis à exécution.
- Tue-moi, ou je passerai le restant de mes jours à te tourmenter. La mort de chacun de tes subalternes te pèsera, et je me ferai un plaisir d'appuyer un peu plus sur tes épaules car c'est ta faute s'ils ne sont plus en vie.
Une rage sans nom assombrit son visage. Lentement, elle lève son bras vers moi. Désactive le cran de sécurité. Le coup part et le temps ralentit. Le visage de Hope m'apparaît une dernière fois à l'esprit, me déchirant le cœur, avant que la balle ne se loge dans la blessure.

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