Chapitre 7 :

4 minutes de lecture

Mon poing s'arrête à quelques centimètres de la porte. J'hésite. Est-ce vraiment une bonne idée de revenir ici après tout ce temps ? Les paroles d'Ash me reviennent à l'esprit.

C'est simple : je te renvoie dans le monde des vivants, tu aides Hope à réparer les dégats qu'il a causé, et ensuite, soit tu profites sur Terre, soit je te ramène chez les morts.

Je soupire. Hope est la dernière personne que j'ai envie de voir. Ce n'est pas un dieu qui va changer cela.

- A toi de voir si tu veux garder le corps dans lequel tu t'es réveillée, ou réintégrer celui que tu avais avant de mourir, me chuchote une voix narquoise.

Je me retourne, m'attendant à voir l'adolescent céleste, mais il n'y a personne. Une colère froide monte en moi. Je réplique néanmoins :

- Le jour où je te vois, dieu ou pas, tu es mort.

Il ne répond pas, mais je suis persuadée que de là où il me regarde, il sourit. Cette pensée m'énerve un peu plus. Au diable la politesse ! Je passe ma main sous le tapis, récupérant le double des clés et ouvre la porte. Le battant s'efface pour me laisser entrer dans mon appartement.

Je fais un pas et les souvenirs m'assaillent, douloureux. Je le savais ce n'était pas une mauvaise idée. malgré mes efforts, un flot d'images lumineuses défile sous mes yeux, mettant en scène une famille heureuse et souriante, et chaque rire, chaque détail me déchire un peu plus.

- J'ai gagnéééé !! S'écrit Lys, manquant de faire tomber le plateau. Son cheval bleu venait d'atteindre le centre, après s'être fait mangé plusieurs fois par ceux de Hope. Celui-ci la regarde sauter dans le salon, amusé.

- J'ai gagné, j'ai gagné, j'ai gagné ! Elle répète, aux anges, en agitant son doudou.

- Et je suis fière de toi, je la complimente. Tu veux que l'on joue à un autre jeu ?

- Ouuuiiiiiii !

Elle court jusque dans sa chambre. Pendant qu'elle se décide, Hope et moi rangeons le jeu des petits chevaux. C'était la première fois qu'elle y jouait et elle a eu une chance incroyable au dé. Elle tombait presque toujours sur six, là où je peinais à avancer de plus d'une case par tour. Et elle n'a même pas triché ! A moins que...

Je me tourne vers Hope, qui n'a pas perdu de son sourire.

- Ne me dis pas que tu l'as aidée ! Je chuchote, pour éviter que ma petite sœur ne m'entende.

C'est si bienveillant que je ne peux même pas lui en vouloir.

Il s'approche de moi, jusqu'à ce que je sente son souffle chaud caresser mon oreille et me murmure.

- Oui, et je n'ai aucun regret car cela l'a rendue heureuse et toi avec.

Ses mots me réchauffent le cœur, et une sensation de pur bonheur m'envahit. Il me serre dans ses bras, enfouit son visage dans mon cou. C'est dans ces moments-là que je me dis que je suis chanceuse.

Chanceuse de vivre auprès de ceux que j'aime et d'avoir un petit ami aussi parfait.

J'arrive enfin à chasser ces pensées qui me rappellent avec un peu plus de douleur ce que cela fait de tout perdre. Une larme roule le long de ma joue pour s'écraser sur le parquet. Je la regarde disparaître, absorbée par le bois, avant d'essuyer ma joue d'un revers de la main.

Le passé ne mérite pas que l'on pleure pour lui.

Et même si c'était le cas, je veux vivre dans le présent.

Je traverse mon appartement. Je ne m'attarde pas dans la cuisine, préférant me rendre directement dans ma chambre, pour récupérer tout ce qui pourrait m'aider à retrouver Hope. Mais arrivée au salon, je me fige, stupéfaite. Les murs sont recouverts de post-it, du sol jusqu'au plafond. Certains ont même été surperposés, par manque de place. Et sur chacun d'entre eux, un seul mot.

Monstre.

Une colère sans nom m'envahit lorsque je reconnaîs l'écriture délicate. Il ose me traiter de monstre après ce qu'il a fait ?! Je serre les poings. Des années après ma mort, il ose revenir chez moi pour détruire l'image de tous ceux qui m'ont connue ?!!!

Je le hais.

Je le hais, je le hais, je le hais, je le hais...

- JE TE HAIS MERDE ! Je hurle en frappant le mur, délogeant quelques bouts de papiers.

Même sans sa présence, il arrive à me faire sortir de mes gonts. Moi qui suis réputée pour ne jamais perdre mon sang froid, je m'énerve seule, dans mon propre salon. Il va me rendre folle.

Un cliquetis se fait entendre. Je lève brusquement la tête, et pâlis en voyant la poignée s'abaisser lentement. Deux secondes. C'est le temps qu'il me faut pour atteindre la baie vitrée, l'ouvrir, et me cacher sur le balcon. Une fois hors de vue, je ralentis le rythme de mes respirations, pour les rendre silencieuses. Des pas résonnent dans l'appartement. Je me penche légèrement et me fige.

Hope.

Dans un état déplorable.

Ses cheveux bruns longs et hirsutes témoignent du temps passé. Il s'est laissé pousser la barbe, et j'arrive même à voir quelques restes de nourritures consteller cette dernière. Déguelasse. Et ce n'est pas tout. Sa silhouette, autrefois athlétique, s'est recourbée et arrondie sous le poid des années. Mais le pire, ce sont ses yeux verts. L'éclat qui les faisait briller s'est éteint.

Cette vision coupe net mon envie de meurtre. Je tente de bouger, de me redresser, mais mon corps ne me répond plus. Mon regard lui-même ne peut se détacher de la loque qu'est devenue mon petit ami.

Il s'arrête un instant devant le mur de post-it, sort un papier et un stylo de sa poche, avant d'ajouter une énième critique sur le mur. Différente des autres.

Meurs à cause des mots que tu ne dira plus jamais.

Annotations

Vous aimez lire Arianne D Charles ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0