Chapitre 11 :
- Vous m'avez demandé chef ? je lance à Aumaric en entrant dans son bureau.
Ma question n'en est pas vraiment une, aussi il ne se donne pas la peine de me répondre.
- Ça avance ? me dit-il simplement, focalisé sur quelques documents étalés devant lui.
- Je me suis débarassée du premier il y a deux jours, après avoir trouvé leur planque et ce qu'ils avaient volé, je lâche.
Il lève la tête pour m'inciter du regard à continuer.
- Ils s'étaient réfugiés dans un dans une rame de métro à mi-chemin entre la station La Tour-Maubourg et Invalides. Le traitre était sur place lorsque je suis arrivée. J'ai tenté de lui soutirer des informations avant de le tuer, mais il ne savait presque rien.
Je fais une pause dans mon rapport. Aumaric attend que je reprenne, impassible.
- Puis j'ai attendu le retour des autres. Ils ont rejoint leur camp le jour suivant, mais je n'ai pas pu les prendre par suprise, parce qu'ils ont rapidement compris que leur complice avait été assassinné. Ils ont pris la fuite et se sont séparés dés qu'ils ont pu. J'ai pris en chasse le chef... Mais il s'est suicidé avant que je l'attrape.
Le souvenir revient, encore vivace dans mon esprit.
Je cours à travers les rues. Il me devance de quelques mètres à peine. Si je n'avais pas ce corps, je l'aurais déjà rattrapé. Jack se retourne et me lance un morceau de verre. Je l'esquive juste à temps, mais mon mouvement brusque me fait trébucher. Une fraction de seconde pour recommencer à le poursuivre, le souffle court. Mes poumons, fonctionnant à plein régime, me brûlent. Je ne réfléchis pas. Mes yeux ne lâchent pas sa silhouette qui zigzague entre les carcasses de voiture et les immeubles effondrés. La distance se creuse, mais je redouble d'effort. L'adrénaline combat la fatigue dans mon esprit. Il ne m'échappera pas. Il escalade un grillage, et je lui tire dessus avec mon pistolet. La balle troue sa chaussure, lui arrachant un gémissement. Aucun de nous ne s'arrête. J'escalade à mon tour, avant de sauter de l'autre côté. Jack a pris un peu d'avance, mais les gouttes de sang ont laissé une trace sur le béton. Je les suis à l'intérieur d'un bâtiment, puis dans les escaliers, arme toujours en main. J'enfonce une porte et débouche sur le toit.
Juste à temps pour voir ma cible sauter sur un autre toit. Sans hésiter je fais feu, visant sa jambe, ne pravenant qu'à l'effleurer. Malgré ses blessures, le chef des traîtres continue sa course. Mais je suis plus rapide, et plus agile sur les tuiles que lui. Et, alors que les mètres qui nous séparent disparaîssent petit à petit...
Il se fige, au bord d'un immeuble.
- N'approche pas ou je saute ! crie-t-il.
Je stoppe net en comprenant le sous-entendu.
Il se retourne lentement, un sourire peint sur le visage. J'analyse rapidement son état. Vu la couleur de sa basket, son pied doit être sacrément amoché et douloureux. La blessure à sa jambe semble quant à elle plus superficielle. Il sait qu'il n'a aucune chance de me semer.
- C'est bien ce que je pensais... Tu veux des informations.
Impassible, je sors mon pistolet, que je charge et pointe sur lui.
- Et tu vas me les donner sans discuter ou je t'assure que je vais faire en sorte que tu ne puisses même plus te jeter du haut de ce bâtiment, je rétorque.
- Et que veux-tu savoir ?
Il s'appuie sur la rambarde tout en me toisant.
- Pour qui travailles-tu ?
Il éclate de rire. Ma main se sert autour du manche de mon arme alors que je le regarde se plier en deux, comme l'on rirait à une bonne blague. Il est trop confiant, trop serein pour quelqu'un qui n'a pas l'avantage. Cela ne présage rien de bon.
Seuls les fous peuvent s'amuser un flingue sur la tempe.
Ils n'ont pas les réflexes de survie des gens normaux, et leurs réactions en sont d'autant plus dangereuses et imprévisibles.
- Parce que je ne suis pas capable de trahir le gang tout seul peut-être ?
Je fais un pas, menaçante.
- Répond où je te descends !
Une lueur d'hésitation traverse ses yeux, avant de disparaître. Il reprend son sérieux.
- Tu vois, commence-t-il, nous appartenons à deux mondes différents. Là où ton chef joue dans une cour de récréation, le mien se bat dans chez les adultes. Il n'a pas besoin d'assoir son pouvoir en démontrant sa force ou en donnant un nom riddicule à tous ceux qui sont sous ses ordres. Tu es peut-être membre d'un gang, mais moi je fais partie d'une mafia.
Il me fait un clin d'oeil, et bascule subitement dans le vide. Je cours jusqu'à la rambarde pour me pencher, mais il est déjà trop tard. Jack est étendu sur le sol, une centaine de mètres plus bas.
Mort.
Je reprends mes esprits pour me reconcentrer sur la conversation.
- Mais, j'ai la confirmation qu'ils ont agi sous les ordres de quelqu'un d'autre.
Aumaric hoche la tête en silence, avant de m'indiquer la porte. Cependant, je ne bouge pas.
- Qu'est-il arrivé à Lys ?
Il se crispe imperceptiblement.
- Rien qui te concerne.
Je serre le poing alors que les mots se chargent de me détruire. Il a beau ne pas connaître ma réelle identité, il frappe là où cela fait mal. Au fond de moi, je sais qu'il a raison. Après tout, Lys a dû grandir seule pendant six longues années.
Elle a souffert par ma faute,
Alors il est hors de question que j'abandonne les recherches.
Ma main s'abbat furieusement sur le bureau. Je me penche vers Aumaric, et plonge mes yeux dans les siens. La tension pourrait presque faire crépiter l'air autour de nous.
- Je repose ma question : que lui est-il arrivée ?
Il se rapproche de moi, et je peux sentir une colère froide émaner de lui. Néanmoins, il répond avec désinvolture.
- Elle a fugué il y a des années. Contente ? Maintenant dégage. J'ai des problèmes plus urgents à régler.
Son regard me dissuade de discuter, et c'est à deux doigts d'exploser que je quitte la pièce. Un des gardes a le malheur de me dévisager alors que je sors un lapin en peluche de l'une de mes poches. Sa bouche s'étire dans une expression moqueuse. Mon sang ne fait qu'un tour.
Je le plaque violemment contre le battant, une dague contre sa gorge. Il pâlit, regrettant probablement sa réaction. Sauf que je ne suis pas d'humeur à donner de deuxième chance aujourd'hui.
- Va te payer la tête des autres en enfer, je lui crache avant de le tuer d'un coup sec.
Son corps s'effondre, et le sang colore le tapis et le parquet. Tant mieux. Je me retourne vers l'autre sbire qui garde la porte. Il semble hésiter entre pointer son flingue sur moi, ne rien faire, ou appeler son patron. Je lui montre le cadavre.
- C'est une surprise pour le patron, comme il les aime, je lâche ironique. Tu y touches, et je te fais subir le même sort. Compris ?
Il hoche frénétiquement la tête, terrifié. Je tourne les talons et m'éloigne dans le couloir. Heureusement, le doudou n'est pas tâché. Je le serre contre moi.
- Je te retrouverai Lys, je murmure. Je te le promets.

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