Chapitre 16 :

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Quand je regarde la pyramide de verre, devant le Louvre, j'ai l'impression de remonter le temps. Le bâtiment a gardé son charme, sa façade majestueuse, son ambiance. Alors que j'aurais parié sur l'effondrement du musée ainsi que de son pillage, il se dresse comme si rien n'avait changé.

Eclipsant presque la fin du monde par sa présence.

La seule différence notable, est l'absence totale de touristes. A là place, des gardes vêtus de noirs des pieds à la tête patrouillent le long des murs, fusil à la main.

D'après ce que m'a expliqué Aumaric, ce domaine public appartient au Collectionneur, un riche nostalgique qui adore l'art et approvisionne le gang en fournissant armes, bidons d'essence et générateurs d'électricité.

En pénétrant dans la cour intérieur, dans l'ombre de mon chef, je perçois toute la portée de son influence. Une bonne dizaine de voitures blindées sont garées les uns à côté des autres, chaque parcelle de terrain est surveillée, que ce soit depuis le sol, les fenêtres ou même le toit. Cette réserve d'antiquité est devenue une véritable forteresse.

Un homme muni d'une oreillette et du même uniforme noir que les autres nous aborde.

- Suivez moi, il vous attend.

Aumaric hoche la tête et nous pénétrons dans la batisse par sa sculpture de verre. L'escalator sur le côté ayant été détruit, nous descendont la volée de marches qui constituent l'escalier en colimaçon le plus impressionnant que l'on puisse admirer ici.

Sans parler de la taille du hall.

Je suis persuadée qu'un millier de personne pourraient y évoluer sans problème.

A peine avons-nous atteint le sol en marbre, qu'une voix chaleureuse se fait entendre.

- Aumaric ! C'est toujours un plaisir de recevoir ta visite !

Un jeune homme en costume rouge trois pièces s'avance vers nous, des gardes sur ses talons. Il serre la main de mon chef en souriant, avant de se tourner vers moi.

- Et qui est cette belle demoiselle qui vous accompagne ?

- Ruby, ma garde du corps.

Je sens le regard du nouveau venu m'examiner à travers ses lunettes de soleil. Je fais de même et avise ses cheveux blonds impécablement peignés, ainsi que la finesse du tissu pourpre qui taille son vêtement. Aumaric avait raison, c'est un vrai riche nostalgique.

- Ravi de vous rencontrer Ruby, dit-il en me serrant la main. Je suis le Collectionneur, propriétaire de ce magnifique endroit que beaucoup appellent le Louvres.

Il nous fait signe de le suivre, et nous nous enfonçons dans le musée. Les couloirs se succèdent, tous ornés de tableaux plus impressionnants les uns que les autres. Pour quelqu'un qui n'a jamais été très passionnée par l'art, je me surprends à admirer le travail des peintres, et suivre des yeux chaque coup de pinceau. La plupart représentent des humains dans leur plus simple attirail, ou vêtus de riches vêtements, le reste reproduisant avec une précision irréelle des paysages de campagne ou des mers déchaînées. Notre hôte, fier de ces possessions, ne manque pas de commenter ces plus belles pièces.

Mais si les allées sont déjà richement décorées, le bureau, lui, est un cran au dessus. Deux hommes en noirs ouvrent des portes majestueuses, qui laissent apparaître une pièce rectangulaire dont les murs sont couverts de gravures et de peintures. Le sol est recouvert d'une moquette rouge confortable qui attenue les bruits de pas. De grandes vitres quadrillées se chargent d'illuminer le tout, mettant en valeur le meuble en acajou qui trône au centre. Et, sur celui-ci, se dresse le portrait mythique de La Joconde.

Le collectionneur surprend mon regard et sourit.

- Mon tableau préféré. Je l'ai fait déplacer dans cette salle pour pouvoir le contempler tout en travaillant.

- Est-ce... La vraie ?

- Bien sûr que non, s'esclaffe-t-il, je ne voudrais certainement pas prendre le risque de renverser du café sur une oeuvre d'art qui a traversé les siècles ! La Joconde de monsieur De Vinci est bien à l'abri des gens avides, et seuls mes invités les plus dignes ont le privilège de poser leurs yeux dessus.

Il fait une pause, avant de glisser sur le ton de la confidence.

- Mais peut-être qu'un jour, vous ferez partie de ce cercle très fermé, mademoiselle Ruby.

Mon visage reste neutre, mais au fond de moi, cet homme a allumé une étincelle. Quelque chose de léger, de simple, et de beau. Le Collectionneur hoche la tête, avant de se tourner vers mon chef et l'inviter à prendre place dans le fauteuil en face de lui. Il ouvre un tiroir, pour en sortir quelques documents et les montrer à Aumaric.

- C'est le récapitulatif de tous les échanges commerciaux qui ont été effectués au cours de cette année, explique-t-il tandis que l'autre parcourt la feuille du regard.

- Et alors ?

- Je vois... Un léger problème.

Mon supérieur fronce les sourcils. Je me penche discrètement pour analyser à mon tour les commandes effectuées, sans trouver le grain de sable auquel le Collectionneur fait référence. Les dates correspondent, les quantités sont toujours les mêmes, alors pourquoi être contrarié ?

- C'est à propos de la nourriture que vous m'apportez... Vous voyez, je ne suis pas n'importe qui, je ne peux par conséquent pas accepter les boites de conserves que vous avez trouvé judicieux de m'envoyer depuis deux mois. Trouvez des aliments plus frais, où je serais malheureusement contraint d'augmenter les prix.

Aumaric serre les poings sous le bureau.

- Je ne venu négocier une baisse de prix, pas pour revoir celui-ci à la hausse.

Le Collectionneur se passe la main dans les cheveux, embarrassé.

- Ecoutez, je ne vous demande pas grand chose. Si vous êtes prêts à m'offrir des produits de meilleure qualité, je pourrais reconsidérer votre proposition pour baisser les tarifs...

- Vous ne comprenez pas, le coupe froidement mon chef. C'est presque impossible de faire pousser ne serait-ce que des légumes dans Paris depuis le Cri, ou élever des animaux en bonne santé. Et même si certains y parviennent, il n'y pas assez pour nourrir toute une famille pendant une semaine. Si je fais en sorte que vous ayez l'exclusivité de ces produits, vous ne pourrez plus vous permettre d'organiser vos banquets. Sans compter que trouver des boites de conserves encore mangeables devient de plus en plus compliqué.

- Parce que je pourrais organiser un banquet avec des dizaines de petits pois et haricots blancs en boite peut-être ? Réfléchissez un peu, de quoi ai-je l'air devant mes invités, quand je leur propose quelque chose d'aussi... Industriel ?

- C'est non. Je n'ai pas les moyens.

La pièce se refroidit tout à coup sous les paroles tranchantes d'Aumaric. Le Collectionneur soupire, avant de se lever.

- Très bien. Je pense qu'il est préférable que nous prenions le temps de reconsidérer les demandes chacun de notre côté avant de continuer nos échanges. En attendant, les livraisons se feront comme d'habitude.

Il s'apprête à ouvrir la porte pour nous raccompagnier à la sortie du musée, lorsque mon chef l'arrête.

- Ruby souhaite faire affaire avec vous.

Le Collectionneur, surpris, m'interroge du regard. Je hoche la tête. D'un geste, Aumaric me montre le siège sur lequel il était assis quelques minutes plutôt et me fait comprendre qu'il attendra derrière la porte. Juste avant qu'il ne disparaisse, son regard sombre se plonge dans le mien, de manière appuyée. Je comprends la requête silencieuse : profiter de cette entrevue pour non seulement retrouver Lys, mais en plus, faire pencher la balance en faveur du gang.

Et ce par tous les moyens.

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