11. Michèle

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Michèle était une femme au caractère trempé, marquée profondément par son histoire d'amour avec Julien. Elle avait porté en elle, pendant des années, un amour inconditionnel, malgré des silences pesants et la distance imposée par la vie. Derrière cette façade de détermination, elle dissimulait une fragilité, celle d'une femme qui avait offert tout son cœur à quelqu'un souvent happé par ses responsabilités.

Lorsqu'elle reçut la lettre de Julien, elle n'en comprit pas immédiatement la portée. Ses yeux parcoururent les lignes plusieurs fois avant que le sens ne s’impose à elle. Le choc fut violent. D'abord anéantie par les mots, elle s'accrocha désespérément à l'idée qu'il s'agissait d'une erreur, que Julien avait agi sous le coup d'une impulsion irréfléchie. Elle décida de l'appeler sur-le-champ. Mais ses appels restaient sans réponse. Chaque nouvelle tentative aboutissait inexorablement sur son répondeur, un silence cruel qui la renvoyait à son angoisse.

Déchirée entre la quête de vérité et la douleur d’une rupture silencieuse, Michèle essaya tout ce qu'il fut possible de faire : des messages, des mails... Mais l’absence de réponse persistait, implacable. Les heures se muèrent en jours, et ces jours devinrent une épreuve d’une cruauté inouïe. Chaque battement de son cœur était comprimé par l'oppression. Malgré tout, elle s'accrochait à cet espoir fou, celui d’obtenir, enfin, une explication à ce qui lui semblait inexplicable.

Il lui fallait absolument trouver un moyen de le contacter, de le voir, de lui parler. Non, cela ne pouvait pas finir ainsi, cela ne devait pas. Elle refusait d'accepter cette disparition soudaine.

Elle composa fébrilement le numéro du bureau de Julien. La voix distante de la standardiste lui apprit qu'il avait démissionné, sans explication ni préavis, laissant ses collègues perplexes. Une onde de panique la traversa, mais elle refusa de céder au désespoir. Sans perdre de temps, elle acheta un billet de train pour Toulouse, déterminée à se rendre à son appartement. Ce voyage, qu'elle aurait aimé faire dans d'autres circonstances, lui semblait désormais interminable.

Chaque minute la rapprochait d'une vérité qu'elle craignait de découvrir.

La gare Matabiau n'était qu'à quelques centaines de mètres de l'appartement de Julien. En y arrivant enfin, elle se heurta à une porte close, tel un écho cruel au silence qui la hantait depuis des jours. Désemparée, elle sollicita le gardien de l’immeuble. Elle espérait au fond d'elle que ce dernier détienne une clé de ses réponses. Mais ses paroles achevèrent de faire s'effondrer ses derniers espoirs. Julien avait vendu son appartement. Il était parti, sans laisser d’adresse ni aucune information sur sa destination.

La jeune femme sentit alors le sol se dérober sous ses pieds. Il n’y avait plus de traces, plus de repères. Juste un vide, immense et impénétrable, qui l'engloutissait peu à peu. Il ne lui restait plus qu'une seule solution. Cette fois, elle était convaincue qu'elle pourrait obtenir une réponse, à condition de manœuvrer avec prudence.

Kévin.

Elle savait pertinemment qu'il avait un faible pour elle, et s'il y avait quelqu'un qu'elle pouvait manipuler pour obtenir des informations, c'était bien lui. Kévin, le meilleur ami de Julien, partageait tout avec lui – ou presque. S'il savait quelque chose, elle était prête à tout pour le convaincre de lui en parler.

Elle devait jouer finement. Pas question de foncer tête baissée. Il lui fallait être maligne, feindre la détresse tout en attisant la tendresse que Kévin éprouvait pour elle. Un sourire, un regard appuyé : il finirait par céder.

Tout dépendrait de la manière dont elle s'y prendrait. Michèle se prépara mentalement. Elle échafauda son plan avec soin. Cette fois, elle ne repartirait pas bredouille. Elle prit une profonde inspiration et composa le numéro de Kévin. Chaque sonnerie résonnait en elle comme une tension croissante, mais elle maîtrisa sa voix avant qu'il ne décroche :

— Kévin ?

— Michèle ? C’est toi ? répondit-il, surpris.

Elle adopta un ton doux, presque fragile, teinté d’une pointe de vulnérabilité savamment dosée :

— Oui... Je suis désolée de t'appeler comme ça, mais j'ai vraiment besoin de te parler. C’est au sujet de Julien.

Il y eut un silence de l’autre côté du fil. Elle sentit son hésitation, mais aussi l'intérêt dans sa voix lorsqu'il répondit :

— Que veux-tu queje te dise ? Il a tout plaqué...

— Kévin, j'ai besoin de savoir... je sais plus quoi faire, je suis perdue... J'ai tout tenté, tout essayer pour le retrouver. Tu es mon dernier espoir...

Sa voix se brisa légèrement, un tremblement calculé pour susciter la compassion. Il ne tarda pas à réagir.

— Tu sais que je suis là pour toi.

Elle esquissa un sourire discret. C'était exactement la réponse qu’elle espérait :

— Ça tombe bien, je suis à Toulouse ?

Un fois encore, Kévin marqua un silence avant de répondre :

— Oui, bien sûr, avec plaisir.

— Merci, Kévin. T'imagines pas à quel point ça compte pour moi.

Lorsqu'elle monta dans le taxi, une vague de nervosité l'envahit, mais elle la chassa rapidement pour se concentrer. Ce n'était pas une simple conversation amicale qui l'attendait. Elle devait jouer la partition à la perfection. Elle savait qu'il n'était pas insensible à son charme, et elle comptait bien en tirer parti.

Le trajet jusqu'à l'appartement de Kévin se déroula dans un silence pesant, ponctué seulement par le ronronnement du moteur. À travers la vitre du taxi, les lumières de la ville défilaient sans qu'elle y prête attention. Tout ce qui comptait, c'était ce moment où elle serait face à lui, où elle poserait les bonnes questions avec la bonne dose d'émotion, pour qu'il lui livre enfin ce qu'il savait sur Julien.

Il vivait dans l'un des quartiers les plus prisés de Toulouse, une enclave élégante où les façades anciennes se mêlaient harmonieusement aux immeubles modernes. La rue menait à l'entrée d'un immeuble majestueux. Elle était bordée de platanes et longeait le canal. Le quartier respirait une atmosphère calme et feutrée, même s'il était aux abords du centre-ville.

Ici, chaque détail semblait avoir été pensé pour refléter un certain art de vivre : les balcons en fer forgé, les portails ouvragés, et les enseignes discrètes des commerces de proximité ajoutaient au charme raffiné du quartier.

L’immeuble où Kévin résidait s’élevait majestueusement sur quatre étages. Il alliait à la fois une stature imposante et une sobriété élégante, avec sa façade de briques roses typiques de la ville. Les larges fenêtres, ornées de volets en bois soigneusement entretenus, laissaient entrevoir des intérieurs spacieux, où régnaient luxe et confort.

L’entrée principale, encadrée de piliers de pierre, s’ouvrait sur un hall lumineux, baigné de lumière grâce à des appliques en laiton et décoré de plantes en pot harmonieusement agencées. Devant l'immeuble, une petite cour pavée accueillait quelques véhicules haut de gamme, témoins silencieux de la prospérité de ses habitants.

Tout respirait le calme et l’élégance discrète, loin de l’agitation qui régnait à quelques rues de là. Ce quartier chic reflétait parfaitement la vie confortable de Kévin, mais ce soir, derrière cette façade de perfection, Michèle était déterminée à troubler la sérénité pour découvrir la vérité. Elle prit une profonde inspiration et sentit la tension monter en elle en tendant la main pour appuyer sur le bouton de l’interphone.

Le bourdonnement mécanique résonna dans le silence feutré du quartier. Elle resta immobile, son cœur battant plus fort à chaque seconde qui passait, ses pensées en ébullition. Tout se jouerait dans les prochaines heures. Kévin pourrait bien être la clé de ce mystère. Une voix familière, légèrement hésitante, résonna dans l’interphone :

— Oui ?

— C'est Michèle !

— Je t’ouvre, c'est au 3ème...

Un déclic métallique suivi d’un léger grondement se fit entendre, et la porte de l’immeuble s’ouvrit lentement. Michèle pénétra dans le hall, accueillie par une odeur subtile de cire et de fleurs fraîches. Son regard glissa sur les murs élégants. Elle se sentait étrangement observée, comme si chaque détail luxueux du lieu pesait sur ses épaules et lui rappelait que ce n’était pas ici qu’elle trouverait la simplicité des réponses qu’elle cherchait.

En s’avançant, elle aperçut son reflet apparaître brièvement dans les miroirs encadrés de dorures. Pendant qu'elle montait vers l’appartement de Kévin, elle se répétait mentalement les mots qu’elle prononcerait, les émotions qu’elle devait feindre.

Elle savait déjà qu’il ne serait pas aussi facile à manipuler.

Elle sortit de l’ascenseur. Le claquement discret des portes se refermant derrière elle la fit presque susrsauter. Elle s’engagea à droite, dans le couloir aux murs beiges, tapissés de tableaux modernes. Tout était immaculé, silencieux, comme figé dans un confort luxueux. Kévin lui avait indiqué l’appartement du fond, et elle s’avança d’un pas mesuré.

Ses talons résonnaient faiblement sur le sol de marbre.

La porte était déjà entrouverte. Kévin l’attendait sur le seuil, l’air détendu, mais son regard trahissait une certaine nervosité. Vêtu d’un jean sombre et d’une chemise blanche à manches retroussées, il avait tenté d’adopter une attitude décontractée. Michèle vit bien qu’il n’était pas totalement à l’aise. Une lueur d’inquiétude flottait dans ses yeux, peut-être à cause de ce qu’il savait sur Julien, ou peut-être parce qu’il sentait qu’elle n’était pas venue simplement pour lui parler.

— Entre, je t’en prie.

Il esquissa un sourire puis se poussa légèrement pour la laisser passer. Elle remarqua le soin apporté à son intérieur. Contemporain, épuré, chaque détail reflétait un goût sûr et une certaine réussite.

— Merci, Kévin, répondit-elle doucement. Elle feignit une vulnérabilité soigneusement calculée.

En passant la porte, elle sentit que la véritable conversation, celle qui ferait toute la lumière sur la disparition de Julien, était sur le point de commencer.

L’appartement de Kévin était un véritable écrin de modernité. Il respirait le luxe discret et le goût raffiné. En entrant, La jeune femme fut immédiatement frappée par l’atmosphère apaisante qui y régnait. Les murs, d’un gris perle élégant, étaient décorés de quelques œuvres d'art d'époque, principalement des toiles abstraites qui ajoutaient une touche de couleur discrète à l’ensemble.

Le sol en parquet de chêne clair, parfaitement entretenu, reflétait la lumière tamisée des lampes design soigneusement disposées dans le salon. De larges baies vitrées offraient une vue plongeante sur la ville rose. On pouvait voir les lumières de Toulouse scintillaient au loin. De fines rideaux blancs flottaient légèrement sous l'effet d'une brise douce, qui créaient une atmosphère de sérénité. Le mobilier minimaliste, aux lignes épurées, dégageait une élégance fonctionnelle. Un canapé en cuir gris anthracite trônait au centre du salon, entouré de quelques fauteuils assortis. L'ensemble formait un espace convivial autour d’une table basse en verre. Sur cette dernière, un vase en céramique blanche contenait quelques branches d'eucalyptus.

Une subtile odeur boisée en émanait.

A gauche, une cuisine ouverte révélait des appareils dernier cri en inox, impeccablement alignés sur des plans de travail en marbre. Tout était parfaitement ordonné, presque trop, comme si Kévin avait pris soin de rendre l’endroit irréprochable avant sa visite.

Quelques livres sur l’architecture étaient posés sur une étagère en bois sombre, témoignant de son goût prononcé pour l'esthétique. Kévin, issu d'une famille bourgeoise toulousaine, avait hérité de ce raffinement qui se ressentait dans chaque détail de son appartement. Son espace de vie reflétait l’éducation qu’il avait reçue, où l’apparence, la réussite et le contrôle de soi étaient primordiaux. Ses parents, riches entrepreneurs dans l’immobilier, l’avaient toujours poussé à maintenir un certain statut, à ne jamais laisser transparaître la moindre faiblesse.

Le résultat était un jeune homme vivant dans une bulle de confort, entouré d’objets coûteux, mais peut-être plus seul qu'il ne voulait l’admettre.

Alors qu’elle avançait dans le salon, Michèle ne pouvait s’empêcher de noter les signes de cette vie privilégiée : une collection de vins millésimés exposée dans une cave vitrée encastrée dans le mur, des sculptures en verre soufflé, et même un piano à queue qui trônait dans un coin. Elle ne se souvint pas que Kévin eût mentionné jouer d’un instrument.

C'était l’endroit d’un homme qui se voulait accompli, mais aussi celui d'une personne qui vivait sous une pression constante.

— Ton appartement est magnifique et bien décoré, le complimenta Michèle.

Elle avait tenté de rompre le silence qui s’était installé. Kévin, qui l’observait avec une certaine nervosité, haussa les épaules avec un sourire gêné.

Les yeux de la jeune femme, d'un vert profond étaient sans doute l'un de ses plus grand charmes. Leur couleur, oscillant entre le jade et l'émeraude, révélait une douce intensité, presque apaisante. Ils brillaient d'une intelligence vive, teintée d'une sensibilité qui la rendait encore plus fascinante.

Et Kévin était fasciné :

— Tu me connais, je suis toujours dans le détail, répondit-il, avant de l’inviter à s’asseoir sur le canapé.

Mais Michèle n’était pas là pour le complimenter. Elle scrutait son hôte, cherchait la faille dans son masque parfait, consciente que son origine sociale pourrait être la solution pour le faire parler. Si Kévin savait quelque chose à propos de Julien, il finirait par le laisser échapper, volontairement ou non.

— Bon, fit-elle, tu sais ce qui m'amène ?

Kévin soutint son regard, mais une lueur d’inquiétude passa dans ses yeux, qui trahit son appréhension. Il savait que Michèle n’était pas venue pour discuter des belles décorations de son appartement ou de la dernière exposition d'art. Il laissa échapper un soupir, légèrement nerveux :

— Oui, je m’en doute, admit-il en baissant un peu la voix, comme s'il craignait d'être entendu. Mais… je sais pas si je peux vraiment t'aider. Michèle inclina légèrement la tête. Son expression se durcit :

— Tu sais, Kévin… j’ai toujours remarqué ton charme depuyis qu'on se connaît, mais... ce que je préfère chez les hommes, c'est la sincérité.

Il resta figé un instant, comme paralysé par sa présence. Puis il se leva brusquement et se mit à faire les cent pas, les mains enfoncées dans ses poches. Son regard la fuyait. Il luttait contre ses pensées, tiraillé entre l’amitié, le désir et la peur de dire ce qu’il ne fallait pas. La tension dans la pièce était devenue palpable. Puis il la fixa :

— C'est compliqué, tu sais... Julien... il traverse une période difficile. Je pense qu'il a agi sans réfléchir. Il a démissionné, il s'est éloigné de tout le monde sans donner d'explications.

Le cœur de Michèle se serra à ces mots.

"Éloigné de tout le monde".

Sa phrase résonna comme un coup de poignard.

— Mais pourquoi ? Pourquoi t'as rien dit ? On aurait pu... Je sais pas... l'aider ?

Kévin s’arrêta. Il la regarda, une expression de pitié sur le visage :

— Tu sais, Michèle, c'est pas si simple... Tu le connais, il est comme ça... ça a toujours été le genre de gars à s'isoler, à prendre des décisions seuls... que veux-tu que je te dise de plus ?

Elle répondit, une pointe de désespoir dans sa voix : 

— Ok, je vois... Tu me conseilles quoi, alors ?  Je peux pas rester dans l'ignorance.

Kévin resta silencieux un instant, le regard perdu dans le vide, avant de reprendre ses esprits :

— Écoute, je te comprends, mais... malheureusement y'a des choses que je peux pas te dire.

Elle sentit une vague d'angoisse l'envahir :

— Pourquoi ? Dis-moi ce qu'il se passe ! Je deviens folle à force d'y réfléchir !

Il se tourna légèrement vers elle, un sourire en coin :

— Je sais, c'est juste que... Julien a besoin de temps. Il est parti à la montagne pour se ressourcer .

Les yeux de Michèle s’illuminèrent d’espoir :

— S’il est dans la montagne… alors j’irai le retrouver.

Kévin secoua la tête.

— Je suis pas sûr qu’il veuille te voir. Il s’est isolé, tu sais. Et même si je comprends ce que tu ressens, il est en train de traverser quelque chose de très difficile.

Michèle hocha lentement la tête, sans le quitter des yeux :

— C’est drôle… parfois, on entend ce qu’on a envie d’entendre.

Il eut un léger sourire.

— Et parfois, on dit juste ce qu’il faut.

Elle ne répondit pas tout de suite. Son regard glissa vers la fenêtre :

— C’est ce que je me disais… Puis, elle s'exclama soudain :

  • Je veux l’aider ! Je le connais mieux que personne !

Sa voix avait trahi une impatience désespérée. Il en profita pour se rapprocher d’elle. Il se pencha légèrement en avant. Son regard était intense, engageant :

— Michèle, je sais que tu veux l’aider. Mais... mais parfois, les gens ont besoin de se retrouver seuls pour réfléchir. Tu veux pas le brusquer ?

Elle le fixa. Elle était maintenant sûre de la subtilité de son jeu. Il jouait sur ses émotions, sur son désir d’aider Julien mais il masquait son propre intérêt. Malgré tout, une part d’elle voulut croire que leur ami avait raison. Peut-être que Julien avait simplement besoin d’espace.

Kévin, lui, semblait savourer ce moment, une lueur dans les yeux qui révélait une satisfaction tranquille.

— Il faut que tu me dises tout ce que tu sais.

— Je ferai de mon mieux, mais tu dois savoir que parfois, les gens changent. Et peut-être que cette distance entre vous est ce dont il a besoin.

Michèle le regarda. Un sourire charmeur était apparu sur le visage du jeune homme. L’impression de ses paroles teintées d’un sous-entendu qu’elle ne parvenait pas à cerner parvint à son esprit. Il semblait presque soulagé qu’elle ait l’intention de rendre visite à Julien, comme si, d’une certaine manière, cela l’arrangeait.

Pourtant, dans son cœur, elle savait qu'elle devait prendre les choses en main, peu importe ce que Kévin avait en tête. Elle avait décidé qu'il allait devenir son allié dans cette quête pour retrouver Julien, même si une part d’elle se méfiait de ses intentions.

— Alors, où est-il exactement ? demanda-t-elle, son ton pressant trahissait l’urgence de la situation.

Kévin s'arrêta un instant. Il semblait hésiter à révéler l’information. Puis il lâcha :

— Il est dans les Pyrénées, dans un petit hameau. Un endroit calme, parfait pour se ressourcer. Mais, je te le dis encore, Michèle, fais attention.

— Je dois le voir. Peu importe ce que je vais découvrir, je préfère savoir.

Il acquiesça lentement. Il savait qu’il n’avait pas vraiment le choix :

— D’accord, mais je t'accompagne. Tu peux pas faire ce voyage toute seule, surtout dans un moment comme celui-ci.

Michèle hésita un instant, puis se rendit compte qu’avoir Kévin à ses côtés pourrait effectivement lui apporter un soutien inestimable. Elle avait besoin de quelqu’un sur qui compter, même si elle restait consciente de ses motivations :

— Très bien, répondit-elle finalement. Merci d'être là.

Ils décidèrent de partir le lendemain. Kévin se leva. Il mit la chambre d'amis à disposition de Michèle et l’invita à se sentir comme chez elle :

— Fais comme si c’était ta maison.

Elle sourit en retour, un mélange d’appréhension et de gratitude dans le cœur.

— Je vais préparer quelque chose de simple pour le dîner. Tu as besoin de reprendre des forces pour demain, ajouta-t-il, visiblement heureux de prendre soin d'elle.

— Merci, Kévin, répondit-elle, détachée.

Alors qu’ils se dirigeaient vers la chambre d’amis, elle ne put s’empêcher de ressentir une certaine tension dans l’air, comme si chaque geste, chaque mot, contenait un sous-texte qu’elle ne pouvait pas ignorer. La chambre était accueillante. Une fenêtre donnait sur un jardin terrasse luxuriant, où les roses et les lavandes embaumaient l’air. Michèle posa ses affaires sur le lit. Elle profita de l’atmosphère apaisante qui y régnait. Elle avait besoin de cette tranquillité avant de se plonger dans l’inconnu.

Kévin lui lança un dernier regard avant de quitter la pièce :

— Si tu as besoin de quelque chose, tu m'appelles ! Y a une salle de bain juste à côté.

Il désigna une porte de la tête. Elle le remercia une nouvelle fois, son esprit déjà occupé par la journée du lendemain. Elle allait faire face à Julien. Les questions la tourmentaient, mais il lui fallait rester forte. Elle se mit à réfléchir à tout ce qu’elle voulait lui dire, aux sentiments qu’elle avait longtemps gardés enfouis.

Les heures passèrent lentement, et alors qu’elle s’apprêtait à se préparer pour le dîner, une partie d'elle était déjà en route pour les Pyrénées, à la recherche de l’homme qu’elle aimait. La jeune femme savait que la confrontation serait difficile, mais elle ne pouvait plus rester dans l'incertitude.

Demain, elle aurait des réponses.

Ils furent prêts aux aurores. Après un café, Michèle se leva de table, déterminée, tandis que Kévin s’approchait de son bureau pour chercher ses clés et son téléphone. Elle observa ses gestes. Derrière son attitude servile, elle ressentait une ambition cachée, bien plus personnelle. Mais pour l’instant, elle avait besoin de lui, même si ses motivations restaient floues.

— Merci, Kévin. Ça compte beaucoup pour moi, je m'en souviendrai, dit-elle, essayant de maintenir une note de gratitude dans sa voix.

— Je serai toujours là pour toi, répondit-il avec un sourire qui, cette fois, avait un goût amer de promesse.

Michèle n’avait pas besoin de lui faire confiance, mais elle savait qu’il pourrait être un atout précieux dans cette mission. Ensemble, ils se dirigèrent vers le garage. Il démarra le dernier cadeau de ses parents, une Mercedes SLK flambante neuve. Le moteur ronronna avec assurance. L'intérieur de la voiture était élégant, une ode à son statut social, avec des cuirs sombres et des finitions chromées qui scintillaient sous les lumières.

Michèle s’installa sur le siège en cuir froid du passager. Son cœur battait la chamade. Le chemin qui les attendait n’était pas seulement physique. C’était un passage vers l’inconnu, une quête pour retrouver celui qu'elle aimait. Alors qu’ils prenaient la route, Kévin jeta un coup d'œil furtif à Michèle. Il choisit ses mots :

— Tu es sûre de vouloir le revoir ? Je veux dire, après tout ce qui s'est passé, c'est peut-être mieux de laisser les choses se tasser un peu, non ?

Elle se tourna vers lui, surprise par cette énième tentative de détourner leur chemin :

— Non, je dois comprendre ce qu'il traverse. S'il a besoin de temps, je le respecterai, mais je ne peux pas rester ici à me poser des questions.

Kévin hocha la tête, mais son regard trahissait un mélange d’inquiétude et de satisfaction.

  • D’accord, je respecte ta décision. Mais si tu veux que je reste à tes côtés, je le ferai. Je veux simplement m’assurer que tu es prête à affronter la vérité.

— La vérité, c'est ce que je recherche, Kévin. Je ne peux plus me cacher derrière des mensonges.

Le reste du trajet se déroula dans un silence chargé de tension, entrecoupé par le murmure de la radio et le doux ronronnement du coupé allemand. Michèle laissa ses pensées vagabonder. Elle imaginait Julien dans cet endroit paisible où il s’était réfugié, tel un animal blessé.

Pourtant, elle devait croire qu’il restait encore une chance de retrouver ce qu’ils avaient perdu.

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