Chapitre 4

9 minutes de lecture


— Mais tu es vraiment sale, ma parole.

— Chut, j’écoutes, me répondit Victoria.

Cette dernière était complètement avachie dans le canapé devant une série ou un film, entourée de paquets de bonbons, de chips et de gâteaux. Je partis pour récupérer les divers paquets afin de les ranger, mais à peine avais-je posé ma main sur le paquet de cookies au bout du canapé, que Victoria me lança un regard noir. Je le reposai délicatement et partis dans ma chambre. Cette femme était folle. Et flippante.

Je regardai l’heure et vis qu'il était bientôt quinze heures. Je décidai d’appeler ma secrétaire pour avoir des nouvelles.

« — Comment ça se passe au bureau ?

— Bonjour monsieur Castez, rien d’inhabituel, Monsieur Costa a appelé pour convenir d’une date. Il souhaitait voir avec vous certaines modalités pour le spectacle artistique qui a lieu à la fin du mois. Je lui ai donné rendez-vous demain à quinze heures.

— Rien d’autre ?

— Si.

— Quoi ?

— Votre père est venu.

— Je dois te faire cracher les informations ? demandai-je, agacé qu’elle ne dise pas tout d’un coup.

— Je vous prie de m’excuser, il tint une réunion pour nous informer que vous alliez travailler en collaboration avec madame Chan désormais. Il a demandé à toute l’entreprise de lui faire un accueil chaleureux.

Donc, il était sérieux. Je devais vraiment collaborer avec Victoria au boulot. Génial.

Cependant, une idée me vint en tête.

— Envoie un mail à tout le monde en disant d’exclure notre nouvelle collaboratrice de toute décision. De ne lui apporter aucun intérêt, de la considérer comme une simple assistante. »

Si elle ne se sentait pas à l’aise dans l’entreprise, cela contribuerait à la faire craquer. Je raccrochai et me posai moi aussi devant la télévision.

La fin de l’après-midi passa rapidement. Je sortis de ma chambre lorsqu’une bonne odeur me fit gargouiller le ventre.

Victoria cuisinait.

— Je pensais que tu ne voulais pas cuisiner.

— Je t’ai dit que je le ferais et tu as nettoyé. C’est donc normal que je le fasse. J’ai fait des empanadas, je n’en avais jamais fait, j’espère que ce sera bon.

— Merci.

Je restai méfiant. Pourquoi était-elle gentille tout d’un coup ? Aurait-elle mis quelque chose dans la nourriture ?

Seulement quand je la vis croquer à pleines dents dans les siens, je me dis que c’était sans danger et croquai dans les miens aussi.

— C’est délicieux.

J’étais sincère, ils étaient délicieux, c’était un vrai régal. Elle était douée en cuisine. Ça ne me surprit pas, elle réussissait toujours tout ce qu’elle entreprenait, c’était agaçant.

— Merci, répondit-elle la bouche pleine.

Elle en avait partout sur le visage. Ce petit bout de femme n’avait aucune grâce. D’ailleurs, comment pouvait-elle manger autant après tout ce qu’elle avait grignoté ?

— Tu veux qu’on regarde un truc ensemble ce soir ?

— Non, désolé, je suis de sortie.

— Oh, tu vas où ?

— En boîte.

— Tu…

— Oui, je sais, je ne devrais pas avec le mariage qui approche, la coupai-je.

— J’allais simplement demander si tu voulais une autre empanadas.

Je me sentis vraiment stupide, là maintenant.

— Tu veux venir ? demandai-je pour essayer de me rattraper.

— Non merci, je n’aime pas ce genre d’endroit.

— Pas de souci.

— Demain, on commence par ton entreprise, c’est ça ?

— Ouais.

Nous finîmes le repas en silence. Je n’avais rien à lui dire de plus. Une fois terminé, je nettoyai la table et filai me préparer.

Je pris une douche, me lavai les dents et appliquai une crème hydratante. Eh oui, même les hommes s’hydrataient la peau.

J’enfilai une chemise et un jean, attrapai mes clefs de voiture ainsi que celles de l’appart et partis.

Lorsque j’arrivai devant la boîte, je vis qu'il y avait déjà beaucoup de monde, de nombreuses personnes attendaient de pouvoir entrer. J’aurais presque pitié d’eux. Être pauvre devait tellement être contraignant.

Le videur me laissa passer tout en me saluant. Quand on était riche, tout le monde nous connaissait. Pour preuve, les filles qui attendaient dans la file criaient mon prénom.

Je me dirigeai directement dans la zone VIP. Nathan n’était pas encore là, mais de nombreuses personnes étaient présentes ainsi que Nate et Liam. La soirée s’annonçait prometteuse. J’attrapai un verre sur le plateau d’un serveur et le bus d’une traite. L’alcool coulant le long de ma gorge me tira un sourire. Je pourrais oublier un peu tous les ennuis qui me tombaient dessus. Être loin de Victoria et de ce foutu mariage, vivant comme j’en avais l’habitude, était encore plus vivifiant. Un sentiment de liberté me parcourut le corps. Je m’assis sur le canapé, deux filles arrivèrent et s’assirent sur mes genoux, je ne distinguais pas très bien leur visage à cause de la pénombre, mais je me laissai faire.

J’ai toujours adoré ça, être idolâtré.

Je reconnus que parfois, justement, cela manquait de piquant, d’adrénaline. Un peu de résistance pourrait être amusant. Mais, pour ce soir, j’aurais été ravi d’un peu de simplicité. Victoria était assez compliquée, elle m’épuisait mentalement.

— Alors mec, j’ai appris que tu allais te marier.

— Pas trop dur d’avoir la corde au cou ?

Liam et Nate se foutaient ouvertement de moi.

— Fermez-la, ce soir, j’oublie tout.

Nathan arriva enfin et nous partîmes tous sur la piste de danse après quelques shots. Rapidement, une fille vint me chauffer en dansant sensuellement contre moi. Je répondis à ses avances et nous finîmes dans les toilettes de la boîte.

J’arrivai enfin à me détendre complètement. J’avais juste besoin d’une bonne partie de jambes en l’air. Cette fille, bien qu’elle criât trop fort, était douée et je pris rapidement mon pied.

Lorsque je terminai, je laissai se rhabiller pendant que je remontai dans le carré VIP, les gars n’y étant pas, j’imagine qu'ils faisaient ce que je faisais il y a encore cinq minutes. Je bus encore quelques verres, afin de profiter pleinement et décidai de rentrer. Je devais bosser demain et je sentais que j’allais avoir une sacrée gueule de bois, pas besoin de forcer.

Je décidai d’appeler un taxi, je n’étais pas en état de conduire, je viendrais chercher ma voiture demain.

Pourquoi cette fichue serrure bougeait dans tous les sens ? Je n’arrivais pas à rentrer la clé. Je frappai dans la porte en espérant que cela la ferait arrêter de bouger, cela ne changea absolument rien, mais j’arrivai tout de même enfin à ouvrir cette porte.

À peine ai-je eu le temps de rentrer que je reçus un coup sur la tête. Ma vision se brouilla et mon équilibre, déjà impacté par l’alcool, me fit défaut et je tombai à terre. Heureusement que j’étais saoul, sans quoi je pense que cela aurait été douloureux.

Je levai les yeux et aperçus Victoria, une poêle à la main. Elle s’était crue dans Raiponce ? Il fallait qu’elle arrête avec ses films.

— Charmant accueil.

— Je suis désolée, répondit-elle en se jetant à genoux pour regarder si je n’avais rien, j’ai cru que tu étais un cambrioleur avec le gros coup que tu as mis sur la porte.

— Tu es dans une villa sécurisée, tu crois vraiment qu’ils peuvent rentrer ? Utilise ton cerveau.

— Tais-toi ou je te remets un coup. Bon, tu auras une bosse.

— J’aurais pu m’en passer.

Je me redressai péniblement et me dirigeai vers ma chambre. Je m’allongeai sans prendre la peine d'ôter mes vêtements et sombrai dans le sommeil.

Au moment où mon réveil retentit, j'eus l'impression que mon cerveau était sur le point d'éclater. Il était bien trop tôt, et ce réveil était excessivement bruyant.

Je me dirigeai vers la cuisine, chaque pas résonnait dans ma tête. Je cherchai du café, mais n’en trouvai pas. C’était une blague ? Ou mon café avait été mis ?

— Tu cherches quelque chose ?

— Du café.

— Oui, je n’arrivais pas à dormir alors, j’ai modifié l’organisation de la cuisine pour la simplifier.

Je me retournai violemment, ce qui me valut quelques secondes pour retrouver mon équilibre. La journée allait être longue, je n’aurais pas dû abuser autant hier soir.

— Tu as fait quoi ?

Elle ignora complètement ma phrase et continua dans sa lancée :

— D’ailleurs, j’aimerais que tu ne boives pas de café à côté de moi, j’ai horreur de l’odeur, s’il te plaît.

— Tu as trente secondes pour remettre ma cuisine comme elle était.

— Je voudrais m’excuser pour…

— Ne le prends pas mal, mais tais-toi. Je ne suis déjà pas du matin, mais sans café, c’est encore pire. Prends en compte ma gueule de bois en plus et on a un combo, la coupai-je. Je vais me doucher.

Je partis sous la douche en espérant que l’eau me détendrait et atténuerait les maux de tête.

Quand je me décidai enfin à sortir de la salle de bain, je remarquai que Victoria n’était plus là. Elle était sans doute déjà partie au bureau. Il fallait que je me dépêche, je ne voudrais pas qu’on pense qu’elle travaillait mieux que moi. J’appelai un taxi, qui me déposa devant le lieu de la soirée précédente, sautai dans ma voiture et fonçai au bureau.

J’arrivai enfin à l’étage de mon bureau, qui se situait au second. Le bâtiment ne comportait que deux étages, le rez-de-chaussée permettait d’accueillir et comportait des salles pour des représentations artistiques. Le premier étage et le second étaient composés de bureaux, d’une cafétéria et de salles de réunion. Plusieurs bâtiments comme cela étaient situés un peu partout. Nous avions préféré mettre des établissements à proximité des centres culturels que nous gérons plutôt que d’avoir un seul et grand bâtiment.

— Allez me chercher un café, ordonnai-je à mon assistante avant de rentrer dans mon bureau.

Je n’avais cependant pas eu le temps de m’en faire avant de partir ce matin. Tout ce que je désirais, c’était d’en boire une gorgée afin de faire passer cette terrible gueule de bois.

Victoria était déjà là, assise sur ma chaise.

— Je t’ai acheté un café, me sourit-elle.

Sans prendre garde, je le saisis et en avalai une gorgée généreuse. J'aurais dû être plus prudent. Le café était bouillant, bien au-delà de la température habituelle. À en juger par le sourire sadique qu'elle arborait fièrement, elle l'avait fait délibérément.

— Tu l’as fait exprès, articulai-je difficilement.

— Oui. J’ai été plus qu’agréable avec toi. J’ai fourni des efforts, mais toi, tu t’es comporté comme le crétin que tu es. Moi non plus, cette situation ne m’amuse pas. Je n’avais pas besoin d’un gamin prétentieux comme toi dans ma vie. Malheureusement, nous allions devoir faire avec pendant un an. Mais, si tu veux jouer à qui craquera en premier, jouons. Je peux t’assurer que tu perdras.

— Agréable, tu dis ? Dois-je te rappeler que tu as failli me tuer hier soir ?

— Si tu m’avais laissé finir ma phrase ce matin, tu aurais su que j’étais désolée. J’ai paniqué en entendant les coups sur la porte.

— Il n’empêche que si tu le voulais, tu pourrais arrêter toute cette mascarade. Tu es la petite fille à son papa.

— Arrête avec ça.

— Parce que je me trompe peut-être ? Tu es tellement superficielle et faussement parfaite. Je te promets que je montrerai ton vrai visage.

— Très bien, si tu veux jouer à cela. La guerre était déclarée et tous les coups étaient permis. Je te laisse avec ton café, n’oublie pas de souffler dessus, ce serait dommage que tu brûles. Je vais aller me présenter à l’équipe.

— Je ne te retiens pas.

Si elle anticipait un accueil chaleureux, elle serait rapidement confrontée à des désillusions. J'avais émis un ordre, et ils savaient tous parfaitement que pour préserver leur emploi, il était préférable de ne pas me contrarier. On ne pouvait pas garantir la loyauté, mais on pouvait inspirer la crainte. En fin de compte, le résultat était le même, à la seule différence que, lorsque nous étions craints, nous n'avions pas à nous inquiéter d'une éventuelle trahison.

En attendant, je devais trouver comment me venger de cette peste. Je renonçais déjà à beaucoup de choses, je voulais mon café.

Je bus une gorgée de celui apporté par Victoria, mais, oubliai qu’il était brûlant et me brûlai une nouvelle fois avec.

Je la tuerais.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Mylia ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0