L'Ours et le rossignol (Katherine Arden)

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L’Ours et le rossignol (je n’ai toujours pas bien compris le titre) nous propose un voyage dans les forêts enneigées de l’ancienne Russie, peu de temps avant le règne d’Ivan le Terrible. Une période qui suscite tous les fantasmes (plus ou moins heureux) et convoque son cortège d’images féériques : troïka filant sur la neige, églises colorées, palais de glaces, princesses aux longues tresses blondes et princes cavaliers en bottes fourrées. C’est la lecture d’hiver parfaite, puisque tout le gros de l’action a lieu pendant cette saison. Cela pour des raisons très pragmatiques, vu que l’un des protagonistes est littéralement l’esprit de l’hiver, Morozko (que j’ai eu beaucoup de mal à me représenter au début vu qu’il apparaît dans l’imagerie moderne sous la forme d’un père Noël débonnaire).

L’aspect conte est très présent, de par le thème, déjà : la plupart racontent le parcours initiatique d’un jeune, souvent une fille d’ailleurs, qui doit trouver sa voie et affronter diverses épreuves initiatiques avant de découvrir qui elle est et d’intégrer la vie adulte. La narration renforce cet aspect. Elle comporte peu de dialogues et beaucoup de descriptions, l’omniprésence de la forêt et quelques éléments rappelant le dessin animé : les chevaux qui parlent, froncent les sourcils et se pointent pour un oui ou pour un non (les gens qui lisent mes chroniques savent que l’étalon Disney est un vrai pet-peeve pour moi – sûrement dû au traumatisme d’une jeunesse passée chez des « gens de chevaux »), le rappel constant de la nourriture, toujours agréable à l’œil : confitures, miel, baies, etc. On est loin de la salade à la patate et au hareng mariné dans la mayonnaise (un grand classique russe venu plus tard, je vous l’accorde) !

Malgré tout, il ne s’agit pas d’un roman jeunesse. Le ton est plutôt grave, et les évocations de sentiments troubles et très sombres, quoique rares et fulgurantes, sont bien là. Beaucoup de choses se devinent entre les lignes, dites sans être vraiment évoquées.

J’ai trouvé la mythologie très bien utilisée. Par petites touches progressives, sans être explicitée ou rendue triviale par une irruption trop violente dans l’histoire. On sent qu’il existe véritablement deux mondes : celui des hommes, qui est en train de changer avec l’adoption du christianisme, et celui, plus ancien, du sauvage et des entités, animales ou plus primordiales, qui y habitent. Je suis assez sensible à cette vision, qu’on peut rapprocher ici de celle de Robin Hobb dans le dieu de l’ombre (lu également dans le cadre de ce challenge) ou des meilleurs Léa Silhol (« La sève et le givre » et « Sous le lierre », notamment).

Un joli conte russe qui ne prend pas trop de risques

Il s’agit au final d’une lecture agréable, qui m’a bien plu, mais sans m’emballer réellement. Pourtant, tous les éléments étaient là : le décor féérique, l’utilisation de la mythologie slave, le background solide, les personnages variés et bien écrits… mais il m’a manqué quelque chose pour entrer vraiment dans cette histoire. Peu être un peu plus de « corporéité », de chair. Les personnages m’ont paru un peu froids, détachés de leurs motivations. J’ai eu du mal à m’identifier, à avoir peur pour eux, à avoir envie qu’ils obtiennent des choses. On devine dès le début, par exemple, qu’il y aura une romance entre Vassia et Morozko : c’est plus ou moins annoncé par le conte raconté au début du livre, un peu comme une note d’intention. Quelques éléments nous le confirment par la suite : le fait que Vassia réponde en tout point à l’archétype de la « fille pas comme les autres », en attente d’autre chose que le destin qu’on lui propose (un mari imposé ou le couvent, au choix), que Morozko corresponde, lui, au « prince », qu’il y ai un enjeu marital pendant tout le livre, etc. Mais je ne me suis pas vraiment investie dedans, par manque d’enjeux, de sentiments contradictoires ou de sensualité. L’auteure ne se laisse jamais aller au pas de côté fatal qui aurait pu l’exclure de la sociabilité des livres de SFFF respectables en faisant ressentir à ses personnages des sentiments aussi triviaux que la jalousie ou le désir. Un petit regard par ci par là, une mention de la chaleur de la peau du protagoniste ou une réplique invoquant le langage animalier sont les seules concessions, prudentes, octroyées par l’auteure au genre « romance ». Je n’ai pas encore lu la suite, mais je présage que ce sera encore dans cette veine-là (petite note en passant : il s’agit bien du premier tome d’une trilogie : ce n’est pas mentionné sur la couverture, mais vous êtes partis pour deux suites !)

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