Le temps d’un jour, poussière des étoiles

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L’histoire de l’univers est si vaste, si vertigineusement longue, qu’aucun esprit humain ne peut véritablement la saisir. Des milliards d’années ont défilé dans le silence. Emportant des étoiles, des mondes, des formes de vie oubliées. Pour tenter de comprendre notre place dans cette immensité, les scientifiques ont imaginé une échelle symbolique. L’horloge cosmique. Si l’on compressait les 13,8 milliards d’années de l’univers en une seule journée de 24 heures, alors chaque événement majeur, du Big Bang jusqu’à aujourd’hui, tiendrait en quelques instants. Et l’apparition de l’humanité ? Elle n’occuperait que les toutes dernières secondes avant minuit.


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Au commencement, il n’y avait rien. Pas même le silence. Puis, en une fraction d’instant, l’univers s’est mis à exister. Une expansion brutale, aveuglante. Le Big Bang.

00h00. La naissance de tout ce qui sera. Le temps, l’espace, la matière. Et cette étrange nécessité de devenir. Pendant une immensité de temps presque inconcevable, une fournaise aveugle emplit le vide. Les premières particules, enfants d’une énergie primordiale, s’unirent timidement, cherchant leur place.

04h00. La Voie lactée tourna sur elle-même pour la première fois, formant une spirale de poussière, d’étoiles et de promesses. Une galaxie parmi d’autres, déjà pleine de mouvements et de mystères.

13h00. Un système solaire naquit dans un repli tranquille de cette spirale, et une étoile banale s’alluma. Notre Soleil. Entourée de débris et de roches errantes. Parmi eux, une jeune planète, encore informe, se mit à tourner. La Terre.

14h00 à 15h00. La Terre devint une boule de feu, de lave et de cendres. Des océans se formèrent, les premières pluies tombèrent sur des continents sans nom. Puis, le long silence.

16h00 à 21h00. Quelque chose d’infime surgit dans l’eau tiède d’une soupe primitive. Une cellule, fragile mais tenace. La vie. Elle tâtonna, muta, s’effondra, recommença. La Terre devint un laboratoire d’essais, patient, indifférent.

22h00. Apparurent les premiers organismes multicellulaires. Et avec eux, la complexité, la beauté, la vulnérabilité.

22h40. Les dinosaures foulèrent la Terre, maîtres d’un monde luxuriant.

23h39. Un astéroïde effaça leur règne en un souffle.

Et enfin, presque à la toute fin du jour cosmique.

23h58 et 43 secondes. L’homme. Un frisson dans le tissu du temps. Une conscience posée sur un corps de chair. Une créature capable de se savoir mortelle, et de lever les yeux vers les cieux. De poser des questions que l’univers ne pose pas.

23h59 et 59 secondes. L’homme inventa les outils, le feu, les empires, les mots, les machines, les rêves. Il dressa des villes, traça des lois, grava des noms dans la pierre et envoya des signaux aux étoiles. Il déchiffra les lois du mouvement, puis celles de l’espace et du temps. Il nomma les galaxies, mesura les atomes, captura la lumière d’étoiles mortes depuis des milliards d’années.

Mais dans cette horloge immense, notre histoire ne dure qu’un souffle. Tout ce que nous avons été, construit, aimé, tient dans la dernière seconde. Nous sommes nés à la toute fin d’un très vieux jour. Et pourtant, nous portons en nous les cendres de ce jour tout entier.

Nous sommes faits de poussière d’étoiles. L’hydrogène de nos cellules fut forgé dans les premières secondes de l’univers. Le fer de notre sang vient de cœurs stellaires effondrés. Le carbone de notre peau fut dispersé par des soleils mourants. Et puis. Quelque chose s’est éveillé.

La conscience, née d’un hasard aveugle, s’est mise à contempler l’infini. Nous avons voulu comprendre et chaque réponse nous a ramenés à notre solitude. L’univers n’a pas de but. Il ne cherche pas à comprendre, ni à aimer. Il n’a pas prévu la vie, encore moins la pensée. Il l’a simplement permise, par accident ou par hasard.

Et nous voilà. Dans ce théâtre immense et indifférent, nous avons appris à pleurer devant les étoiles, comme on pleure une maison qu’on ne retrouvera jamais. Peut-être parce qu’au fond de nous, quelque chose s’en souvient. Quelque chose sait que c’est là que tout a commencé. Et que nous sommes les seuls dans ce monde, à nous en souvenir.


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