Chapitre 2 – Les Silences du Clan

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Le jour se leva sans éclat, comme si le ciel lui-même hésitait à éclairer ceux que le Destin avait oubliés.

Azraël se réveilla tôt, comme à son habitude. Il n’avait pas le sommeil paisible des autres. Ses nuits étaient froides, remplies de silences trop lourds, et ses matins, mécaniques. Il s’habilla sans bruit, attacha sa tunique du clan, et sortit.

Dehors, la brume rampait encore sur les pierres du domaine Lux Aeterna.

Les autres disciples méditaient ou s’exerçaient déjà. Certains invoquaient leurs Sources pour faire léviter des pierres, d'autres les concentraient dans leurs paumes pour renforcer leur corps. Azraël, lui, n’essayait même plus. Il s’était résigné : sa Source démoniaque était là, logée dans son plexus solaire, comme celle de tous les êtres vivants. Une sphère silencieuse, fusion d’essence, d’âme, de conscience, de volonté… et de destin.

Mais chez lui, elle ne disait rien.

Il se contenta de balayer l’esplanade du temple. Une tâche simple, que les autres délaissaient. Personne ne lui avait rien demandé, mais cela le maintenait occupé. Cela le tenait éloigné des regards et des murmures.

— Le Muet de la Source est encore à l’œuvre, lança une voix moqueuse derrière lui.

Kael, évidemment.

Il s’approcha, entouré de deux disciples plus jeunes qui riaient bêtement. Sa Source de feu pourpre brillait à peine sous sa peau, signe d’un talent précoce et d’une fierté mal dissimulée.

— À ce rythme, tu vas peut-être finir par éveiller une Source ménagère, ajouta-t-il avec un sourire cruel.

Azraël ne répondit pas. Il n’avait pas l’énergie. Il avait compris depuis longtemps que les mots ne changeaient rien. Il baissa simplement la tête et continua à balayer.

Kael claqua la langue, visiblement frustré par l’absence de réaction, et s’éloigna. Azraël sentit son cœur se crisper, non pas de colère, mais d’un malaise plus profond. Une sensation d’éloignement. D’oubli. Comme s’il vivait dans un monde où il n’était qu’un reflet.

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Le cours de l’après-midi se déroula dans l’aile Est du temple, dans une salle circulaire ouverte sur le ciel. L’instructeur du jour, Maître Serën, était connu pour sa rigueur.

— Aujourd’hui, nous étudions les genres de Sources et leur lien avec la race originelle, annonça-t-il d’une voix calme.

Il fit apparaître un schéma lumineux au-dessus de ses mains. Des symboles tournèrent lentement dans l’air.

— Les elfes reçoivent la Source elfique, les dragons, la draconique, les bêtes, la bestiale, et ainsi de suite. Les démons, comme nous, reçoivent la Source démoniaque. Toutes ces Sources sont logées dans le plexus solaire, et utilisent le mana comme carburant. Elles sont la fusion de l’essence, de l’âme, de la conscience, de la volonté… et du destin.

Il se tourna vers les élèves.

— Chaque être naît avec une Source. Ce fait scelle son inscription dans la Trame. Il n’y a pas d’exception… sauf pour ceux qui atteignent un jour le treizième rang, dit-il dans un souffle à peine audible.

Un élève leva la main.

— Et si une Source reste totalement inactive pendant des années ?

Un léger silence suivit la question. Tous les regards convergèrent vers Azraël.

Maître Serën répondit sans le regarder.

— Certaines Sources n’émettent aucun signe avant leur Éveil. Elles ne sont pas mortes. Mais elles sont… absentes à elles-mêmes.

Azraël baissa les yeux.

Il comprenait.

Il faisait partie de ces enfants.

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En fin de journée, il regagna sa chambre, comme toujours. Son espace à lui. Une chambre froide, sans décor, sans vie. Une couche de pierre, un parchemin à moitié effacé, et une lanterne presque vide.

Il s’assit contre le mur, le regard perdu.

Pourquoi était-il ainsi ?

Pourquoi, alors que tous autour de lui avaient au moins un frémissement, un espoir… lui n’avait rien ? Sa Source démoniaque restait aussi muette que les pierres de sa chambre.

Il ignorait si ces mots venaient de lui-même ou d’un souvenir lointain.

Il n’avait pas de réponse.

---

Cette nuit-là, la pluie tomba sur le domaine Lux Aeterna. Fine, glaciale, comme un murmure d’excuse du ciel.

Azraël regarda les gouttes heurter la pierre depuis l’encadrement de sa porte.

Il ne pensait à rien.

Mais au fond de lui, une question ancienne tournait en boucle.

Si tous les êtres ont une place dans la Trame… pourquoi la mienne semble effacée ?

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