Chapitre 7 – L’Épreuve de l’Essence (Fragment I : La Force indomptée)
Le néant se dissipa. Azraël rouvrit les yeux… ou du moins, il crut le faire.
Il se tenait sur un champ ravagé. La terre était fendue, les cieux déchirés par des éclairs de mana rouge. Devant lui, Force — le titan d’obsidienne — l’attendait, bras croisés. Son souffle soulevait des vagues d’énergie brute.
"Tu m’as toujours craint. Toujours rejeté. Tu veux me contrôler… mais tu ne me comprends pas."
Un coup de vent fit voler la poussière, et tout changea.
Azraël vit un enfant de cinq ans, recroquevillé dans un coin du jardin sacré, une flaque de sang au coin des lèvres. Face à lui, un garçon plus grand — Kael — le regard froid, le poing encore levé.
« Tu ne vaux rien si tu ne peux pas te battre », disait-il.
L’enfant Azraël serrait les poings. Il tremblait. Son corps voulait frapper. Mais une voix résonnait dans sa tête :
"Reste discret. Ne brille pas. Observe. Attend ton heure."
Il obéit. Il ravala sa rage. Il la scella dans un coin de son âme.
Et Force, ce jour-là, naquit dans le silence.
Retour dans l’arène. Le titan leva un bras, fit apparaître une arme monumentale, une hache faite d’os et de fer brûlé.
"Tu n’as jamais frappé. Tu t’es tué à ne pas m’utiliser. Mais je suis là. Je suis né ce jour-là. Et je suis devenu plus fort que toi."
Azraël leva les yeux. Une nouvelle scène l’enveloppa.
Un an plus tard. Le Conseil du clan. Kael au centre. Des louanges. Des acclamations. Et lui, Azraël, dans l’ombre, à l’écart. Son regard se porta sur une pierre à ses pieds.
Ses doigts s’y crispèrent.
Il voulait la lancer.
Il voulait faire mal.
Mais il la laissa tomber.
Encore.
Et Force, dans l’arène mentale, éclata de rire.
"Tu veux être pur ? Tu veux être juste ? Tu veux être faible."
Azraël serra les dents. Son corps physique, même reconstruit par fragments, tremblait de rage. Des éclairs lui traversaient les veines.
Une autre scène surgit. Plus ancienne.
Il avait trois ans. Il vit sa mère, une prêtresse au regard doux mais impérieux, poser une main sur son front.
"Le monde ne doit pas te voir. Pas encore. Tu es dangereux. Tu es né avec un feu qui ne doit pas se libérer. Promets-moi."
Il avait promis. Sans comprendre.
Et Force… a hurlé en silence.
Dans l’arène, le titan frappa.
Le sol explosa. Azraël vola. Un os craqua. Il roula, se releva. Du sang s’échappa de sa bouche.
Mais il n’avait pas peur.
Il répondit par un cri. Et, pendant une fraction de seconde, Force prit le dessus.
Azraël bondit. D’un geste brutal, il fit trembler le sol. Une onde de choc balaya l’arène. Ses yeux brûlaient d’une lueur féroce. Il leva le poing, prêt à frapper — mais s’arrêta.
Il avait failli tout écraser. Et cela l’effraya.
Il vit une autre scène. Plus douce.
Un souvenir qu’il avait enfoui.
Il avait six ans. Une novice de leur clan avait été attaquée par une bête sauvage près des rizières. Il l’avait vue. Il aurait pu courir. Il avait senti Force monter en lui. Il aurait pu la sauver.
Mais il s’était arrêté. Car il avait promis.
Le monstre l’avait blessée avant qu’un adulte n’intervienne.
Et cette nuit-là, Azraël s’était frappé lui-même sous la pluie.
Dans l’arène, le titan s’approcha, prêt à frapper à nouveau. Mais Azraël ne recula pas.
Il tendit la main. Non pour frapper.
Mais pour tenir.
"Tu as raison. J’ai eu peur de toi. Mais tu n’es pas mon ennemi. Tu es ma racine. Tu es la force de rester debout. Pas de détruire."
Le titan vacilla.
"Je suis la violence ! Le feu ! La colère !"
"Tu es aussi l’endurance. La fermeté. Le socle. Et je ne te rejetterai plus."
Azraël posa la main sur la poitrine du titan.
Une lumière écarlate jaillit.
Force hurla… puis s’effondra en lui. Dans une lumière fusionnelle, un fracas silencieux, le fragment disparut.
Le bras droit d’Azraël réapparut, fort, stable, apaisé.
Une onde lumineuse se propagea dans l’arène. Comme si, dans un autre plan de la Trame, un fil avait vibré… et modifié la mémoire intérieure du monde.
Et la Trame murmura :
"Un fragment a été intégré. L’enfant silencieux apprend à marcher."
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