Cette pièce froide de la maison

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C’était il y a 25 ans et je m’en rappelle encore. Je n’oublierais jamais ce moment où je ne pouvais dire si la chose qui me terrifiait était réelle ou le simple fruit de mon cerveau immature.

Je devais avoir entre 3 et 6 ans à l’époque, c’est le plus ancien souvenir que j’aie, impossible d’y mettre une date précise car tout le contour de cet évènement est nébuleux et flou dans l’espace et le temps, comme si cette composante de ma vie faisait partie d’une autre dimension, d’une réalité alternative dans laquelle j’aurais accidentellement mis les pieds.

Il y avait cette pièce dans la maison de mes parents qui était censée être un bureau mais qui servait plutôt de débarras. Je ne m’y aventurais jamais.

Il n’y avait aucune raison logique qui m’empêchait d’y passer plus de temps que dans une autre pièce moi qui étais curieux et explorateur. Mais cette pièce-là avait quelque chose de malsain, je l’avais déjà senti à mon jeune âge. Il y a des instincts complètement innés que vous ne vous expliquez pas mais qui vous empêchent de vous retrouver dans les pires situations.

C’est précisément cet instinct là qui me gardait à bonne distance de ce bureau.

Cette pièce était terriblement froide en tout temps et toute saison. Ça n’était pas un froid normal, il n’avait pour ainsi dire rien de naturel. L’air y était autant dépourvu de chaleur que de vie. Toute la maison comportait une atmosphère agréable et apaisante ; mais pas ce bureau. Tout au contraire, il respirait le malaise.

Ce local était disposé près de l’entrée de la maison, je passais tous les jours devant pour aller à l’école, mais restais à une distance respectable. Il se trouve que je faisais de plus en plus de cauchemars à propos de cette pièce précise de la maison. Je me réveillais terrifié sans me rappeler de la teneur exacte du cauchemar, tout ce que je savais c’est que ce bureau en était toujours le lieu de déroulement.

Un jour que je passais devant, j’entendis un soupir en provenance de la porte en verre y menant. Ce râle froid et à peine audible m’invitait à m’approcher de la pièce maudite. Pour une raison inconnue j’y obéis. Je m’approchais des carreaux en verre de la porte, il y faisait un noir d’encre, mon imagination débordante de peur pensait y discerner des ombres et formes en mouvement. C’est à ce moment que j’entendis un soupir sinistre prononcer mon nom. Il était à la fois dans mes oreilles, dans ma tête et dans la pièce. J’étais terrifié. A mon épouvante, il y eut pour réponse un rire démoniaque en provenance de la porte. Je jure l’avoir entendu de mes propres oreilles. Quel n’en fut pas mon traumatisme.

Impossible de savoir si c’était une hallucination, un rêve éveillé ou un faux souvenir de gosse. Toujours est-il que je n’ai plus foutu les pieds dans cette saleté de bureau et qu’il me fout toujours autant la trouille ; même vingt ans plus tard.

Après cet évènement j’ai fait les pires cauchemars de cette antichambre de l’enfer. Les visions lugubres étaient alors beaucoup plus claires, palpables et agressives. C’étaient des formes inhumaines et sombres qui se contorsionnaient au travers des carreaux de la porte du bureau infernal, le tout plongé dans un noir malsain.

Ces entités qui peuplaient mes terreurs nocturnes ne pouvaient être que le pur fruit de ma jeune cervelle. Il eut fallu que quelque chose de sadique ait aidé ma conscience à peupler mes rêves de telles aberrations. Semblables créatures ne s’inventent pas, surtout dans la tête d’un enfant.

Bien plus tard, au collège, ce bureau fut pour moi l’une des plus importantes pièces de la maison car c’est ici que l’on installa le seul ordinateur disponible. Lequel était pourvu d’une connexion internet.

C’était un passage obligé pour tout adolescent de l’époque. Nous nous le partagions moi et mon frère pour jouer à des jeux vidéo. L’avidité de nouvelles expériences numériques me faisait rester tard dans ce bureau froid que pourtant je détestais. Malgré mon âge, j’étais terrorisé d’y rester seul. La froideur et l’obscurité de la pièce semblait en permanence danser autour de moi, m’épier, voire essayer de pénétrer ma peau.

Pourtant, rien de mal ne s’y est jamais passé. Disons… Concrètement. Lorsque le silence se faisait trop pesant, je pensais y entendre des voix qui m’appelaient. Pour les ignorer je montais le son de la musique. Il y régnait une profonde sensation de malaise que j’ignorais en jouant de plus belle.

Je ne saurais jamais pourquoi cette salle avait une telle aura obscure et occulte. Peut-être s’y est-il passé des choses inquiétantes par le passé ? Ou peut-être communique-t-elle avec un autre monde fait de ténèbres ? Le fait est que j’ai appris à y dompter mes propres démons. Mais j’en suis toujours effrayé, il m’arrive encore d’en faire des cauchemars.

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