Tribunal solitaire
"Voici, le traître, celui qui nous prive de notre vie et qui tue nos rêves ! C'est l'ennemi ! Condamnez-le, Monsieur le Juge !"
L'accusation a parlé, "l'enfance", du moins ce que je m'en rappelle. Et le juge ? L'enfance de l'enfance, le cocon instinctif, le plus "innocent" de nous tous.
Je réponds "Laissez moi témoigné, voyons. Nous savons tous les deux qu'agir sous le coup de l'émotion peut être contre productif, n'est ce pas ?"
Le maître d'audience, frappe de son marteau et me laisse témoigner.
"Bien, disons que je suis dans la position d'adulte ici. Il faut bien que quelqu'un prenne conscience des responsabilités de la vie, vous savez, trouver un équilibre dans notre vie. Mais revenons à notre affaire. De quoi m'accuse-t-on ? D'avoir arrêté de rêver ? D'avoir abandonné nos rêves d'enfant ? Et je dirais plus que je l'ai adapté, je leur ai donné une tout autre portée. Je suis parfaitement conscience que mettre en page des rêveries passe inévitable par une espèce de charcutage. Mais il faut bien donner corps aux choses pour qu'elle existe."
Le "procureur" interrompt "Cessez de détourner la conversation ! Je vous accuse d'avoir tué notre innocence. Vous êtes un meurtrier, vous brisez nos espoirs. Vous avez fait de nous un homme cassé ! Avant vous, quand j'avais encore les choses en main, nous étions quelqu'un avec une vision, un rêve ! Maintenant, regarde ce que tu es devenu !! "
Je prends un léger sourire "Toujours aussi grandiloquent ? Continue ce genre de jeu si ça t'amuse. Mais je t'arrête sur un point. Cesse de remettre la faute sur les autres ! Rappelle-moi quel était ton rêve ? N'étais-tu pas brisé avant que je ne vienne jouer l'adulte à ta place ? Je sais que ce banc des accusés est bien plus usé qu'une personne aurait dû le permettre. Mais arrêtons ce genre de métaphore, je sais que la mise en scene serait notre délire commun. Mais il ne serait pas temps d'être honnête avec soi-même ?"
L'enfance intermédiaire n'est pas satisfaite " Honnête ? Car l'honnêteté existe encore ? Les mots ne sont que des mots. Les gens, que des gens. Tu n'es pas grand-chose pour moi. Juste l'explication du problème. Et je n'ai qu'à l'exposé au juge. Et mon univers sera complet. Il n'y aura plus le trou béant que l'absence d'innocence a causé. " Il prit un air satisfait, mais crispé.
Je soupire " Tu ne crois même pas en tes propres paroles. Je vais continuer de me défendre... Tu aimes la vérité ? Nous vivons dans une réalité. Je te laisse le plaisir de nous partager ce que tu penses de celle-ci."
Je lui tendu la perche, il l'attendait depuis si longtemps. "Elle est décevante, imparfaite, pleine de gens incapable. C'est d'une tristesse, une tragédie. Je ne la recommande pas, beaucoup de temps perdus... (version complète chapitre deux)"
Je rétorque " Le penses tu vraiment ?"
Il répond " Naan."
Alors, j'en conclus " Voilà, ton problème, tu es incapable d'être direct avec toi-même et donc formellement honnête. Tu as du mal à voir la vérité en face. Et par conséquent, on dérape sans arrêt. On peut se rattacher au système structuré, mais on sait tout deux qu'au final la vraie structure des choses nous échappe. La solution est d'avancer, d'accepter de ne pas tout maîtriser. Et d'être à l'écoute de soi-même. Et tu ne trouveras pas l'innocence, car c'est un idéal que je ne traduis pas acceptation totale de sa nature. Il faut passer par une humilité qui requiert une sagesse qui sort de la définition limitante de l'innocence enfantine."
Il fait encore son mec cool profitant d'être dans une conversation interne " Blabla, oui, on a compris. On me dit que je suis sage, mais ce ne fera pas de moi un sage. Tu monologues, tout seul, c'est triste. Regarde le juge est partis qu'est ce qu'on fait ici ?".
Il s'ennuie, il n'a aucune confiance en lui, il ne croit pas que seul des mots peuvent l'améliorer. Et il n'a pas encore la patience pour se discipliner. Je lui explique "Le juge n'aime pas le conflit. Sa réaction face à celle-ci est l'évitement. " Soudain, je réalise le problème.
L'isolement depuis le début. Mes années vulnérables, je les ai construites à m'isoler efficacement. Je me plongeais dans les écrans dès qu j'en avais l'occasion. Celui que j'ai en face de moi a conclu que l'isolement relationnel ou plutôt émotionnel était la meilleure voix pour éviter le ressenti et la tristesse. Et maintenant, je garde toujours cette distance. Mais j'ai maîtrisé celle-ci pour qu'elle ne soit plus une contrainte dans les autres domaines.
Et on m'accuse d'avoir tué leur naïveté, car je lutte contre cette quête. Celle de rester pleinement dans son monde. L'innocence, ou devrait-t-on l'appeler ici, la vision du monde de l'enfance.
Il est inutile de discourir avec lui. Il a tellement bus de point de vue et intellectualisé d'expérience de ce genre que cela ne va pas l'atteindre.
Il est temps d'utiliser mes mimiques émotionnelles. Je vais tenter de l'empathie.
"Je suis désolé." Non, ce n'est pas ca. "Je comprends ce que tu ressens." Ça ne sera pas suffisant. "Tu sais, moi aussi, j'ai peur de me perdre." Ce n'est plus de l'empathie, là.
Il m'interrompt "Tu sais que je suis aussi dans ta tête. Je vois ce que tu penses et tu penses ce que je fais."
Bon, dans ce cas, j'ose "Je t'aime. Tu es intelligent, imaginatif et tu as pu faire plein de chose. Tu as appris à comprendre ce qui t'entoure. Et tes émotions, elles ne sont pas injustifiées. Ce n'est pas grave si ça a pu être fait sur un autre défi. On s'en fiche du contexte tant que tu fais ce qui te plaît. Tu n'as pas besoin de tuer le temps, tu peux réussir les choses quand tu te forces. Tu as la capacité de faire de belles choses. Oui, même si tu penses que tout le monde peut maîtriser l'ouvrage, ce que tu feras, si tu le fais sans compromis, aura de la valeur. Car je sais qu'au fond de toi, tu as pris la bonne voie, tu as les bonnes perspectives. Il faut juste que tu arrêtes de te mentir."
Il se tait, il sait que peu importe ses réponses, je continuerais. De plus, il n'a pas assez d'ego pour vouloir riposter. Il finit par parler "Bien, mais il manque toujours le juge, peut-être qu'il a plus besoin d'entendre cela que moi" Et, il prend son expression la plus malicieuse.
Je le fixe et prends un sourire carnassier. " N'est-on pas dans un monologue interne avant d'être dans une mise en scène ? Je me parlais juste à moi-même."
"Naaaan !!! Ce n'est pas possible !!"
Et je conclus cela en sortant de mes rêveries.
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