Chapitre 4 : Welcome to London

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« NOSTALGIA : Harry Styles has told he’d like to reunite with his costars friends, and old band, One Direction, and people are freaking out ! »

Comme toujours mon filtre traducteur s’enclenche, même si je ne sais même pas pourquoi je me suis décidé à lire cet article en particulier. Je n’avais pas pensé à Harry Styles depuis un bon moment, j’aurais presque oublié comment il était : son nouveau look plus mature dont j’avais pris connaissance un an plutôt s’était effacé de ma mémoire et comme avant, je m’imaginais le jeune garçon aux cheveux longs et au jean trop serré. Le revoir sur la photo de l’article me surprend comme la première fois. Il a effectivement pris de l’âge et son joli sourire semble être braqué directement vers moi.

S’il aimerait reformer sa bande pour une occasion exceptionnelle, que grand bien lui fasse. J’oublie vite cet article lorsque Clément appelle mon prénom.

J’entre dans le cabinet, et m’autorise à observer discrètement son corps si bien taillé. Evidemment je n’avais pas réussi à m’empêcher de faire l’idiot, cela faisait presque dix séances que j’effectuais avec lui, et plus je le côtoyais, moins j’arrivais à me retenir. L’attraction physique que je ressens pour lui s’épanouit de jour en jour. Je sais très bien que j’allais le regretter tôt ou tard.

- Comment tu vas ? me demande-t-il avec un sourire sous son masque.

- Ça va merci et toi ?

Bien que nous ayons le même âge et que nous nous tutoyons, jamais nous n’avons échangé plus en profondeur sur nos vies personnelles. Nous ne sommes pas là pour ça, mais il est bien évident que je souhaite en savoir plus sur lui. Il m’échange de très brèves nouvelles sans importance (le discours futile mais poli par excellence) quant à moi, je m’arrange comme d’habitude pour dissimuler mon intérêt.

Il m’explique le parcours d’exercices pour aujourd’hui, comme je comprends comment ça fonctionne après toutes ces séances, je m’exécute sous son œil attentif. Environ vingt minutes (et grosses gouttes de sueur) plus tard il s’éclipse rapidement dans le bureau d’à côté pour dire un mot à son collègue. Au début je ne comprends pas ce qu’ils se racontent, mais vers la fin, Clément qui allait partir, entrouvre la porte mais accorde une dernière parole :

- Ah ! Et c’était bien ? Moi je n’y suis jamais allé mais ma copine l’a fait il y a deux ans, je crois.

Est-ce que je m’y attendais ? Bien sûr que oui. Est-ce que je suis déçu ? Je mentirais en disant que non. Je baisse la tête, en m’infligeant la déception comme une punition. C’est bien fait pour moi, je savais que cette situation n’était pas correcte. Au moins sans même le savoir, il m’a remis les points sur les i. Il est temps de redescendre sur terre. Enfin.

Je ne trahi rien et continue mes entraînements, planté au sol sur une jambe. Le fait d’être au courant représente le déclic qu’il me fallait, dès l’instant où j’ai entendu l’information cruciale, c’est comme si toutes les images que j’essayais de vaincre sans succès s’effaçaient d’elles-mêmes. Malgré la contrariété amère, je suis libre. Donc je poursuis ses satanés exercices.

Lorsqu’à la fin je lui souhaite bonne soirée, le cœur est beaucoup moins présent que d’habitude. Je ne le blâme en aucun cas, au contraire, c’est contre moi que je suis en colère. Clément est un chouette gars, du moins il a l’air, il a été irréprochable sur le plan professionnel et a toujours été agréable. Sa copine a beaucoup de chance, je suis sûr qu’elle en a conscience.

Je sors en trombe du cabinet, et pas à cause de la chaleur cette fois-ci, juste par envie de me cacher.

Mais même ça ne pourra me saper le moral (pas trop longtemps du moins), dans deux jours je pars pour Londres en compagnie de mes deux sœurs. Etant déjà en vacances, je m’autorise à ne rien faire d’ici là, rien d’autre que de rêver d’autres paysages, d’autres gens. Je passe mon temps affalé sur le canapé et bien que ce soit terriblement non productif, ça fait un bien fou et j’ai cessé de culpabiliser d’utiliser mon temps pour ne rien faire.

Dans 48h je me lèverai de nouveau, et me préparerai à vivre une superbe aventure. Londres sera ma maison pour toute une semaine, ce qui est bien mieux que l’année dernière où nous avions prévu de partir le temps d’un week-end.

C’est comme si j’allais m’envoler tant j’étais heureux et impatient de voir d’autres horizons, enfin sortir de cette routine qui m’exaspère ! Il y a tellement de choses à faire et à voir, tellement de choses à dire, même à de parfaits inconnus.

Les deux soirs séparant vendredi se passent dans les rêves et les espoirs. Puis, je finis par ouvrir les yeux. Mon réveil sonne et c’est bien la première fois que je saute littéralement du lit après la deuxième sonnerie. Il est très tôt mais ça m’est égal, je file dans la salle de bain pour m’apprêter, j’aurais presque envie de chantonner. Ma sœur est tellement longue à se préparer que j’en viens à taper du pied par terre, c’est bien la première fois que ça m’arrive. Mon autre sœur finit par arriver à la maison. Une fois tous prêts à partir, nous prenons la voiture et nous rendons à la gare de la première grosse ville alentours.

Enfin un chemin qui n’est pas monotone ! Une route qui promet de belles choses ! Bien que je la prenais tous les jours elle semblait énormément différente aujourd’hui. Il y a plus de monde que je ne l’aurais cru dans la gare. Nous ne tardons pas à monter à bord du train direction Lille. Il est difficile de devoir mettre une parenthèse à cette impatience qui m’agite ! Je me force à rester assis, immobile et d’attendre patiemment. Heureusement que j’ai emmené des bouquins. Le trajet s’effectue dans le silence, tout le monde a l’air encore un peu endormi, Ninon finit même par fermer les yeux pour se reposer un peu davantage, j’aurais pu faire de même dans d’autres circonstances, mais aujourd’hui j’en suis incapable.

Le temps paraît trop long, bien je sois en train d’effectuer la partie la plus rapide du trajet, mais ma patience se fait récompenser et nous finissons par arriver à Lille. Nous ne quittons pas la gare, et attendons l’eurostar qui nous conduira à Londres par le tunnel sous la manche. Ce tunnel est assez iconique, rêver d’aller à Londres revient aussi à rêver de le prendre, et l’attendre est encore plus frustrant que d’être dans le train.

- Une pièce s’il vous plaît ?

Je baisse les yeux suite à la voix enfantine qui me parlait directement. Un petit garçon me regarde, les yeux tristes. Dans sa main repose un petit gobelet en terre cuite. Un pincement au cœur se fait ressentir, mais avant même que je puisse faire quoi que ce soit, Laura me prend par les épaules pour m’éloigner.

- Pauvre gosse, dis-je tandis que le petit continue de demander autour de lui.

- Tu m’étonnes le pauvre, regarde là-bas.

Je suis des yeux le chemin qu’elle m’indique. Je vois une femme habillée des mêmes tissus que son fils en train de fixer le petit des yeux.

- Elle demande à son petit de faire la manche…

Bien triste. Je me demande si cette ruse d’attendrissement portait ses fruits.

Nous nous achetons de quoi nous restaurer, puis nous finissons enfin par monter à bord. Voilà, maintenant je n’ai plus qu’à rester assis et attendre d’arriver à Londres, c’est tellement excitant ! Le tunnel sous la manche se révèle être moins amusant que ce que j’aurais imaginé. C’est tellement bête de ma part mais j’imaginais presque passer dans un tunnel de verre et voir le décor qui pouvait s’offrir à nous, décidément je rêve beaucoup trop. Mes oreilles se bouchent très rapidement et nous restons dans le noir durant un bon moment. La moitié du train finit par s’endormir, c’est presque flippant de voir ça, à tel point qu’on pourrait se demander s’ils n’avaient pas lâché un gaz empoisonné, et quand est-ce qu’on allait flancher à notre tour. Laura a succombé.

Je m’accroche à mon bouquin, mais les vrombissements sobres de l’engin et le noir total étaient effectivement un bon moyen de relaxation. Je me dis que je pourrais fermer les yeux juste un moment.

- Jordan !

Je me fais réveiller par Ninon, inutile de se demander pourquoi elle me réveille : au dehors enfin sortis du tunnel, je perçois Londres ! A peine ais-je posé mes yeux sur la ville que je remarque déjà la différence entre ses architectures et les nôtres chez nous ! Mon cœur saute dans ma poitrine. C’est magnifique !

Je commence à ne plus pouvoir tenir en place. La voix d’un jeune homme nous annonce que nous sommes arrivés à Londres et que nous allons pouvoir bientôt sortir de là.

- Pas trop tôt, dit Laura en s’étirant de tous ses membres.

Nous n’avons effectivement pas l’habitude de voyager, j’ai peine à imaginer les gens qui doivent se taper des heures et des heures de voyage ! Londres est à côté et pourtant je me sens déjà épuisé. Heureusement la joie qui m’envahit est trop intense pour prendre l’avantage sur la fatigue. Une fois dehors je respire un grand coup l’air anglais.

C’est la folie, les gens pressés courent presque dans tous les sens, bousculant ceux qui viennent à peine de se réveiller d’un long voyage.

- Bon ! déclare ma sœur. On ne va pas rester ici, j’ai la dalle !

Trouver quoi faire et ou aller était je l’avoue la partie la moins amusante de l’aventure. Nous finissons par tourner un peu en rond, se demandant si nous allions manger à l’intérieur de la gare ou dans un restaurant. Réflexion faite, nous n’avons pas encore le luxe de réfléchir à tête reposée, nous décidons de nous rendre dans le premier McDonald’s que nous trouvons. Impossible de ne pas en trouver un, trois enseignes sont présentes dans la même rue, incroyable. Certes la rue s’étend sur plusieurs kilomètres mais habitant une petite ville, je trouve cela très amusant.

J’en prends plein la vue, tant au niveau des bâtiments, de la nature, des véhicules ou même des gens. La restauration au fast food n’a rien de différente de chez-nous, et excepté avoir commandé en Anglais, c’est comme si nous n’avions pas quitté la France.

Après avoir mangé, nous avons la bonne surprise de nous faire aider avec beaucoup de soin par une femme choisie au hasard dans la rue. Je déteste parler avec des clichés (et j'avoue que ça m'arrive souvent), mais soyons honnête : en France nous serions chanceux d’être tombé sur quelqu’un d’aussi agréable.

Ma facilité à parler Anglais nous conforte dans la direction ou aller.

- Merci beaucoup madame, bonne journée, dis-je dans un anglais j’espère parfait.

Quoique je dois dire que l’accent britannique est vraiment différent de celui dont j’ai été habitué : l’américain est plus fluide et plus agréable à l’oreille à mon sens.

Nous nous dirigeons vers l’auberge que nous avions choisie quelques jours plus tôt, nous nous résignons à faire le chemin à pied. Nous allons beaucoup marcher mais cela fait aussi parti de l’aventure, entre temps, nous en prenons pleins les yeux. Hormis le détail que mes sœurs veuillent s’arrêter dans tous les magasins de vêtements, ce premier après-midi me paraît parfait. Je prends beaucoup de photos également, voulant capturer les paysages sublimes de ce moment.

Après environ deux heures de marche, et étant aux abords de l’immense ville, nous finissons par arriver dans la rue indiquée par notre application directionnelle, puis nous repérons rapidement notre nouveau foyer pour la semaine. Lorsque nous entrons, une petite sonnette au-dessus de nos têtes annonce notre arrivée, je ris intérieurement je croyais qu’on ne voyait ça que dans les séries !

- Good afternoon, annonce une voix plutôt criarde.

La femme qui nous accueille dispose d’un sourire poli mais également d’une tête aux cheveux mauves. Mon filtre s’enclenche de nouveau.

- Bonjour Madame, dis-je tandis que mes sœurs me laissent faire. Nous avons prévu une semaine ici.

- Oui je vais regarder ça, c’est à quel nom ?

Après lui avoir répondu et effectué quelques paperasses nécessaires, nous nous faisons conduire dans notre espace personnel. Très petit certes, mais qui fera l’affaire. Nous disposons d’une chambre avec lit double pour les filles, et un espace salon que j’utiliserai pour dormir. Cette auberge, aussi petite soit-elle, représente la chose dont je rêvais depuis des années : l’inconnu, le désir de vivre autre chose que ce qui m’est destiné. Le cœur lourd que je porte depuis si longtemps pour une raison encore peu claire, en cet instant, est en train de s’alléger. Tellement que je pourrais croire qu’il allait s’envoler.

Et puis ensuite ?

Ensuite, une fois la semaine terminée, je retournerai à mes activités normales, celles qui ne m’apportent rien d’autre que de la monotonie, du mal-être…

Je chasse cette idée de ma tête, bien que j’ai parfaitement conscience que ce bonheur n’est qu’éphémère, je décide de ne pas y penser et de profiter chaque instant de ce voyage.

A commencé par le repas du soir !

Mes sœurs et moi nous étions installés au rez-de-chaussée, nous réchauffant le ventre avec une sorte de bouillon salé. Malgré la simplicité, j’apprécie le goût de cette soupe, tellement que je n’arrive pas à m’arrêter de sourire. La journée ne pouvait pas être plus parfaite, à Londres en compagnie de mes sœurs, probablement les personnes en qui j’ai le plus confiance au monde. Il y avait une certaine magie dans cette atmosphère du soir, j’étais tellement hors de mon monde que j’avais l’impression que tout pouvait arriver.

Une fois nos estomacs rassasiés, nous décidons de retourner dans notre chambre après avoir remis nos masques sur le visage.

- Mister please ? m’accoste la réceptionniste depuis son desk.

- Yes ?

- May I have a word with you for a second ?

Je me concentre immédiatement, ignorant le sommeil qui commençait à prendre contrôle sur moi. Laura et Ninon décident avec mon accord de me laisser gérer, puis elles remontent, prises par de grands bâillements.

- Donc comme convenu je vous rends vos cartes d’identité. A votre départ je vous demanderai de passer par l’accueil pour le reste du paiement…

La sonnette derrière moi se met à tinter.

- Je vous demanderai aussi de me remettre la clé avant sept heure ce jour-là, vous serez prié aussi de mettre les serviettes dans le panier à linges.

- Bien sûr, aucun problème.

- Merci Monsieur, passez un bon séjour parmi nous !

Je lui octroie un sourire poli. En me retournant je bouscule la personne qui était arrivé derrière moi. Ma paperasse ainsi que la sienne tombent à terre.

- Oh mon dieu je suis vraiment désolé, dis-je vraiment confus.

- Il n’y a pas de mal, répond une voix grave mais amusée.

Nous nous rencontrons une fois baissés au sol. Avant de croiser ses yeux je remarque ses deux mains décorées de plusieurs grosses bagues brillantes. Eh bien, on peut dire que les tendances à la mode sont bien différentes de chez moi, d’ailleurs je ne sais pas ce qu’en penserait un français…

- C’est à vous, me dit l’étranger en me tendant une photocopie de ma carte d’identité.

Je le regarde enfin. Un jeune homme de la vingtaine, probablement à peine plus âgé que moi me sourit derrière son masque. Je me fige un instant, perturbé par une sensation étrange et inconnue, probablement le fait qu’il est diablement séduisant. Comme toujours je me cache derrière le visage neutre.

- Merci.

Son regard bleu ciel ne me lâche pas et cela me rend mal à l’aise, qu’est ce qu’il me veut ? Il a dû comprendre que je ne suis pas anglais avec mon accent probablement pas si parfait que je le croyais.

- Désolé encore, je, heu… bonne soirée, je murmure troublé.

Je me dirige vers les escaliers, je ne peux m’empêcher de me retourner avant de quitter l’accueil. J’ai la surprise de voir qu’il me regarde toujours, tandis que la réceptionniste lui parle avec entrain. Jamais quelqu’un n’avait eu l’impolitesse de me fixer comme cela aussi ouvertement, tout en souriant qui plus est, son masque ne peut cacher son air amusé. Sa tenue peu commune traîne jusqu’à ses pieds, lui donnant l’air de ne même pas pouvoir se fondre dans le lieu. Son visage, partiellement caché par le masque, intrigue mes songes.

Mes pensées n’avaient fait qu’un tour l’espace d’une seconde et très vite, il finit par reporter son attention sur la bonne femme du desk. Ils s’enlacent. Bravo la distanciation sociale…

Toujours piqué au vif, je me retourne et monte me coucher.

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