Chapitre 8 : Le second tour

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"FLASH : Harry Styles had the best reason to refuse the role of Prince Eric in Disney's Live Action The Little Mermaid. He has apparently already signed up for the company’s future secret production that you heard of two years ago. No more details have slipped but fans are celebrating, and so are we ! ”.

L’information était tombée des mois plus tard que Harry Styles allait jouer dans un futur film Disney encore méconnu du public, et c’est pour ça qu’il avait refusé Eric : en effet, c’est bien lui qui avait été choisi pour le rôle du Prince Harvey, lui que j’avais croisé à l’auberge de Londres ! C’est seulement une fois sorti de mon audition que je me suis rendu compte que je n’avais pas eu la réponse sur qui était le partenaire du premier rôle, pourtant Mrs Avery avait dit que j’aurais peut-être la réponse si je me présentais. C’est un sentiment étrange de me dire que j’avais croisé l’une des plus grandes célébrités de notre monde actuel, je l’ai regardé droit dans les yeux, je lui ai parlé même ! Je me sens terriblement bête, je me disais bien qu’il y avait quelque chose de familier dans ses yeux. Je ne le connais même pas et pourtant, lui me connait, c’est grâce à lui que Mrs Avery est venue me trouver, à quel point a-t-il dû insister d’ailleurs ?

La partenaire de Mrs Avery, cette bonne femme nommée Mildred, avait été clair : les directeurs de casting ne font pas « la pêche aux canards », Harry Styles avait bien dû insister ne serait-ce qu’un peu. Encore aujourd’hui, plusieurs jours après que la nouvelle soit tombée, j’en ai le souffle coupé : il m’avait repéré, a pensé que je serais un bon candidat pour être son partenaire…

Bien sûr je n’avais pas eu de nouvelles depuis. Aucune. Pas un mot. Notre voyage à Londres s’est terminé dans la joie mais aussi dans le flou, encore sonné par ce qu’il m’était arrivé. En sortant de la salle d’audition j’étais reparti tranquillement à l’auberge comme si de rien n’était. J’avais répondu à mes sœurs qui étaient assoiffées de détails. Nous avions profité de nos derniers jours puis nous sommes repartis. Contrairement à mes sœurs qui n’étaient pas mécontentes de rentrer à la maison, j’avais le cœur lourd, je savais ce qui m’attendait en rentrant : le travail et rien d’autre.

J’avais osé expliquer toute cette aventure excentrique à mes amis, certains croyant à une bonne blague, à l’instar de quelques collègues. Mon père était le seul qui ne semblait pas tenir compte de cette chance surréaliste, j’imagine qu’il ne se rend même pas compte de l’ampleur de Disney. Il ne s’est borné qu’à poser une ou deux questions, en haussant les épaules. Ma mère en revanche, tout comme ses filles, avait bondit de joie, bien qu’elle eut du mal à y croire.

Du coup je suis de nouveau chez mon kiné, à attendre patiemment mon tour, comme si ma vie n’avait rien vu de différent.

- Salut, Jordan, on y va ?

Clément vient tout juste de pointer le bout de son joli nez. Je le suis à l’intérieur du cabinet, habitué maintenant à ce train-train récurent.

-. Alors quoi de beau ? me demande-t-il en préparant le matériel.

Oh j’ai juste passé un casting pour un film Disney à Londres rien que ça ! Sinon j’ai mangé une pomme ce midi…

- Oh rien, dis-je dans un soupir.

Après avoir pris de ses nouvelles, qui se révèlent n’être que professionnelles et qui ne me concernent pas, il abrège rapidement notre conversation pour se mettre au travail. J’effectue ses exercices sans trop de difficulté, je dois avouer que j’avais gagné en équilibre ces derniers mois. La douleur au niveau de mon genou est maintenant superficielle, la plupart du temps je ne la sentais même plus. Satisfait par mon travail il finit par mettre fin au parcours environ vingt minutes plus tard.

- Tu te débrouilles bien, tu as mal ?

- Non.

- Super c’est un bon signe. Je pense que je peux te libérer !

Je respire de manière démesurée, pas très sûr de bien comprendre.

- Pour aujourd’hui ou…

- Non, je pense qu’on peut s’arrêter là pour ta rééducation. Tu pourrais continuer de venir mais avec honnêteté je pense pas que ce soit nécessaire. Si tu continues tes exercices chez toi encore un petit moment, je pense que tu seras complètement guéri. Tu n’as plus besoin de moi. Enfin c’est comme tu veux, à toi de choisir.

Voilà plusieurs moi que je viens le voir, que je transpire devant lui… que mon attraction pour lui me torture. Je mentirais en disant que ça ne va pas faire bizarre de ne pas revenir, ça devient vraiment une habitude de vie.

- Si je suis venu c’est bien pour repartir, dis-je sans annoncer aucun regret. Je suis content que ce soit derrière moi.

Ce qui est la vérité en soit. C’est juste lui qui allait me manquer.

Les mauvaises habitudes reviennent vraiment au galop, surtout avec moi. Je suis tellement nul. Je me ressaisis : il est hétéro, en couple et parfaitement heureux. Mon tour viendra un jour.

Je paie les dernières séances, lui accorde une dernière parole, un dernier au revoir, me retourne et passe la porte.

- Jordan !

Surpris, je me retourne pour lui faire face. Il m’avait rejoint.

- Bonne chance pour la suite, dit-il avec un sourire.

Peut-être que finalement il n’était pas si désintéressé comme je pouvais le croire, peut-être qu’il m’écoutait réellement lorsqu’on parlait. Peut-être que malgré le cadre professionnel, il me considérait autrement que comme un énième client à gérer. Sa dernière phrase était empreinte de sincérité et je dois dire que cela me fit chaud au cœur. C’est effectivement un chouette gars, je lui souhaite d’avoir tout ce qu’il désire.

- Merci toi aussi, je réponds simplement.

Sur ce, je le quitte, pardonnant le fait que je n’allais jamais le revoir.

Une fois rentré chez moi, je prends une douche, comme je le faisais après chaque rendez-vous chez le kiné. Lorsque j’en sors je remarque qu’un drôle de numéro inconnu a cherché à me joindre. Sur le coup je ne fais pas attention, beaucoup de numéros essaient de vous contacter de nos jours, dans le seul but de vous vendre ce dont vous n’avez pas besoin. Je supprime la notification et décide de descendre pour manger un morceau. Ninon est déjà à table, avalant un morceau de fromage. Depuis cette histoire à Londres, mes deux sœurs ont pris la fâcheuse habitude de me fixer et de réfléchir à outrance. Elles s’inquiètent. Pour elles, le fait que j’ai pu auditionner était une bonne chose, mais que me fasse trop de mauvais sang en est une autre. Elles doivent appréhender le moment où j’apprendrai la mauvaise nouvelle ou pire encore, qu’ils ne me recontactent jamais. Je me suis déjà préparé à ça.

J’évite de croiser son regard, qui est en train de me dévisager. Je me coupe aussi un bout de fromage et entreprend de manger sans échanger une parole. Cette histoire ne m’a pas rendu plus bavard pour autant, je reste silencieux comme à mon habitude.

Mon portable sonne. Je remarque le même numéro étrange de tout à l’heure. Agacé, je soupire dramatiquement.

- Tu ne réponds pas ? me demande Ninon.

- Numéro bizarre, ça doit être une bêtise, ils m’ont déjà appelé quand j’étais sous la douche.

- Ça ne peut pas être Disney ?

Je la regarde, l’idée m’avait traversé l’esprit, mais peut-être qu’au fond c’est une idée qui me faisait plus peur que je pouvais l’admettre.

- Je ne pense pas, ils auraient laissé un vocal tout à l’heure.

Je ne pense pas que des directeurs de casting s’embêteraient à vouloir joindre absolument un candidat pour lui annoncer qu’il est recalé.

- Et puis ça fait cinq mois maintenant, ils n’appelleraient pas aussi tard.

- Si tu ne réponds pas je le fais, annonce Ninon prête à attraper mon portable.

Je soupire de nouveau en décrochant :

- Allô ?

- Hi Jordan, this is Mildred Welsh speaking, casting director for Disney Enterprises. How are you ?

Je m’étrangle avec le morceau de pain que je n’avais pas pris la peine d’avaler avant de répondre. Ninon comprend tout de suite et se lève soudainement de table dans un état extatique. Mon filtre traducteur s’enclenche immédiatement.

- Oh bonjour, je vais bien merci… et vous ?

Mon cœur me remonte dans la gorge. Je dois me calmer, comme je le disais à ma sœur, cinq mois ça fait beaucoup d’attente pour une bonne nouvelle. Si elle a insisté pour me joindre pour la mauvaise, c’est sûrement par politesse.

- Tout va bien merci. Je vous appelle aujourd’hui pour vous demander s’il est possible pour vous de passer un second tour d’audition pour le rôle de Magnus.

Ninon se colle à moi, espérant pouvoir capter quelque chose, alors qu’elle sait pertinemment qu’elle ne comprend pas du tout l’anglais.

Quant à moi, une sueur froide me lèche la colonne vertébrale.

- Heu…

Concentre-toi !

- Je veux dire, oui bien sûr. A quoi servent les seconds tours exactement ?

- Nous hésitons entre vous et six autres candidats. Nous avons besoin d’un second tour pour nous décider. Nous allons en profiter pour vous faire passer un « screen test » avec M. Styles, le directeur sera également présent.

A mon visage, Ninon devine que ce qu’il vient d’être dit me provoque un choc monstrueux. Un millier de réflexions me passent par la tête en même temps : je suis dans les finalistes, je dois retourner passer un casting, je vais rencontrer le directeur, je vais rencontrer Harry Styles, je vais faire une scène avec lui…

Les sons qui sortent de ma bouche ne sont que des gazouillis confus. Je peine à trouver mes mots, à tel point que j’ai peur que Mrs Welsh me prenne pour un idiot.

- Où et quand ? je demande nerveusement.

- Vous êtes en France je présume ?

Je fais une pause, effrayé que la réponse pose problème. Il est inutile de mentir de toute façon.

- Oui, mais ça ne me dérange pas de revenir à Londres.

- Non pas cette fois, Londres n’était qu’un stade pour les recherches. Il faudrait que vous veniez directement à la Compagnie Walt Disney à Los Angeles.

Je regarde Ninon, la main sur la bouche, les yeux grands ouverts. Ma sœur me regarde de manière désespérée, la pauvre ne sait pas du tout ce qui me met dans cet état. J’imagine qu’elle est assez maligne pour comprendre qu’il s’agit d’une bonne nouvelle.

Je suis tétanisé, je ne trouve rien à redire à Mrs Welsh à propos de l’endroit de notre rencontre.

- Et quand ça ?

- Le 12 février à 14h.

- Mais… c’est dans deux semaines…

- C’est vrai que dans votre situation c’est un peu compliqué, mais je suis navrée : l’audition se tiendra à cette date et ceux qui seront absents ne seront pas rappelés.

- Je comprends, je vais tout mettre en œuvre pour être présent. Merci Mrs Welsh.

- Nous aimerions tous vous revoir, reprend mon interlocutrice à ma grande surprise. Si vous ne pouviez pas être là… ce serait dommage. A bientôt alors, au revoir.

- Bonne journée.

Je raccroche, sous les plaintes incessantes de Ninon. Je lui explique tout en détail tandis que sa bouche s’ouvre grand.

- Tu crois que je devrais y aller ? je lui demande indécis.

- Qu’est-ce que tu racontes ? Evidemment !

- Je ne sais pas, mettre autant d’argent pour un seul après-midi c’est…

- Jordan, imagine que tu décroches ce rôle…

Elle continue de parler, mais je ne l’écoute plus. La simple idée d’être choisi par Disney me paraît tellement impossible et absurde que je ne peux m’empêcher d’être défaitiste. Certes, je peux néanmoins être fier de moi, je suis arrivé dans les sept derniers. Moi, Jordan, pauvre garçon à la joie de vivre aussi intense qu’une pierre tombale. Je suis tellement habitué à une vie monotone que je n’arrive même pas à imaginer un changement aussi drastique.

Si j’ose y croire cependant, à quel point serai-je dévasté ?

Je réfléchis mûrement à cette décision cruciale. Je pensais à tout : au travail, il faudra que j’insiste pour ne pas y aller le 12. Je pense à mon argent, un voyage à Los Angeles ne peut pas demander un coût économe. Je devrai y aller seul, non seulement je n’avais que très peu voyager dans ma vie, mais jamais je n’avais été livré à moi-même.

Toutes ces confusions sont certes cruciales et difficiles… mais au fond de moi, je sais très bien qu’elles sont superficielles.

Car il est certain que j’irai à cette audition, et rien ni personne ne m’en empêchera.

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