Chapitre 9 : Walt Disney Company

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Je me réveille en sursaut, les vrombissements de l’avion annoncent un arrêt imminent. Le cœur me remonte dans la gorge, et je m’accroche à mon siège, supportant également les pleurs d’un enfant non loin de moi. Je n’avais encore jamais pris l’avion, je dois dire que l’expérience n’avait pas été de tout repos, difficile de monter dans un engin aussi énorme sans craindre un accident digne des pires films catastrophes.

Le vol avait été extrêmement long, à comparer, le voyage à Londres était aussi rapide que d’aller à l’épicerie du quartier, et le stresse n’arrangeait rien. De plus, j’avais conscience que je voyageais probablement pour rien, que j’allais rater cette audition, j’avais dépensé plus d’argent que je voulais l’admettre pour ce voyage. Mon père n’était pas content que je « balance mon argent pour les fenêtres », ma foi il n’a pas eu le choix, éventuellement il cessera de faire la tête bientôt.

Au moins je recevais les encouragements d’autres personnes, mes sœurs et ma mère, mes amis dispersés au coin de la France, ainsi que mes collègues. Malgré mon mépris pour la routine, je m’estimais chanceux d’avoir ces gens autour de moi, leur soutient confortait mon envie de penser que je ne suis pas si insignifiant que je pouvais parfois le croire.

Je lutte contre le mal de ventre qui m’assaille lorsque l’avion atterrit dans un violent sursaut. Je m’efforce de respirer convenablement en attendant que ce calvaire se termine. Lorsqu’il est annoncé que nous pouvons sortir, je me rue au dehors.

La pression de l’aéroport et des bagages n’est vraiment pas une partie de plaisir, surtout lorsqu’on est seul. Heureusement je voyage léger, une seule nuit en Amérique n’exige pas que je ramène une artillerie. Le jour commençait à tomber, ce qui n’était en rien rassurant.

Je récupère ma valise, présente ma pièce d’identité toutes les fois où on me la demande, et enfin on me lâche dans la nature.

Une nature magnifique illuminée de vie, de pancartes et autres panneaux publicitaires. L’atmosphère est définitivement différente de celle de Londres : plus animée mais aussi plus virulente. Les gens ont l’air de courir sur les trottoirs, de se foncer les uns dans les autres, on dirait une jungle humaine et j’étais extatique de pouvoir y mettre un pied.

J’essaie de dénicher un taxi et l’espace d’un instant j’ai l’impression d’avoir été projeté dans une série américaine, je me demande même si un véhicule s’arrêterais si je sifflais et que je hurlais « hey taxi ! »

Amusé par l’idée, je décide d’essayer mais personne ne s’arrête. Une fille finit par m’interpeller, remarquant que je commence à sérieusement perdre mon sang froid. Elle me demande ce qu’il ne va pas et une fois renseignée, elle me conseille de me commander un uber à la place. Soit disant que les taxis sont « un peu passés de mode aujourd’hui ».

Je n’avais jamais commandé d’uber, pas même en France. Avec ses bons conseils je me télécharge l’application, renseigne ma localisation et je commande un véhicule. Quitte à avoir déjà brûlé beaucoup d’argent, autant se faire plaisir.

- Merci énormément pour votre aide, dis-je avec ferveur à ma conseillère.

- Aucun problème, je n’étais pas pressée, répond-t-elle en secouant sa longue chevelure rousse.

Quel plaisir d’entendre un accent américain, il est tellement plus facile à comprendre pour moi. Ravi de l’aide de la jeune femme, je réponds avec plaisir à toutes ses questions, elle qui n’a l’air effectivement pas pressée du tout. Je ne m’en plains pas, au moins je n’attends pas mon uber seul, et puis elle a l’air vraiment sympathique.

- Je suis Phoebe !

- Jordan !

Elle me sourit de son grand sourire blanc. C’est une jolie fille, ses yeux verts contrastent magnifiquement avec la rousseur incroyable de ses cheveux.

- J’entends un très léger accent, vous êtes d’où ?

- Je suis français, je suis ici pour un… évènement spécial.

- Vous restez longtemps ?

- Je repars demain soir si tout va bien.

- Evènement spécial et très rapide.

C’est moi ou je remarque une légère déception dans ses yeux ?

En tous cas je décide de ne pas lui toucher un mot sur la raison de ma venue ici. Après avoir parlé encore quelques minutes, un beau véhicule noir se gare non loin de nous, son klaxon me fait sursauter.

- Je vous remercie vraiment en tous cas, vous m’avez sauvé ce soir !

- Je vous en prie !

Elle m’accompagne jusqu’à la voiture, je dépose ma valise dans le coffre et avant que je ne monte à bord elle me demande d’une voix tremblante :

- Est-ce que vous pensez que ce serait possible si… je vous demandais, hum, votre numéro ?

Je la regarde avec de gros yeux. C’était la troisième fille de toute ma vie qui essayait de flirter avec moi, le choc que ça me procure est toujours le même. Terriblement gêné, je m’efforce d’être le plus aimable possible :

- Je suis désolé Phoebe, mais je suis gay, je ne suis pas intéressé.

C’est bien pour flirter qu’une fille demande le numéro d’un garçon non ? L’espace d’une seconde j’ai peur de me ridiculiser après avoir mal interprété : peut-être qu’elle veut mon numéro juste par pure sympathie après cette demi-heure passée ensemble ?

- Oh ! dit-elle simplement.

Un sourire se dessine sur son visage, sincère ou pas, il ne me semble pas bien méchant.

- Ce n’est pas grave, au moins j’ai essayé, dit-elle en riant.

- Merci encore ! Passez une bonne soirée !

- Vous aussi.

Je monte dans le véhicule, annonce ma destination et nous filons.

J’avais repéré un hôtel tout près de la Walt Disney Company, ma réservation était également déjà faite. Nous roulons pendant ce qui me paraît comme des heures. Le chauffeur est peu bavard, je lui suis reconnaissant d’avoir mis un peu de musique. Le jour s’était totalement couché maintenant, et je m’occupe en regardant la ville briller de mille feux. J’apprécierais encore plus la vue si je n’étais pas aussi exténué.

Après plus d’une heure, retardés par les routes extrêmement prisées, nous finissons par arriver au pied d’un bâtiment plutôt simple. Bien sûr, je n’allais pas me réserver une chambre dans un hôtel de luxe. Un peu déçu de ne pas avoir réussi à remarquer la Walt Disney Company dans le noir, je paie le uber et me présente au desk d’accueil de l’hôtel.

Familier avec le processus, je présente au monsieur tous les papiers nécessaires, mais lui contrairement à l’auberge, demande le paiement direct.

Je m’occupe donc de payer ma nuit, non sans grimacer, puis je me fais escorter jusqu’au deuxième étage par un employé.

Je le remercie puis m’installe sobrement. La chambre est petite, le lit simple, c’était parfait.

Je m’écroule sur le canapé, submergé par le sommeil, mais aussi par mes neurones en ébullition. Plus que quelques heures avant le moment fatidique. Je m’apprête à vivre quelque chose d’incroyable et pourtant je ne peux m’empêcher de trembler comme une feuille. Moi qui avais tant demandé de briser ma routine, je me rends compte que c’est finalement plus difficile à assumer que je l’aurais cru. Des fois je me dis même que je n’ai encore jamais réalisé ce qu’il m’arrivait : casting, Disney, Londres, Los Angeles, film…

A quoi ça rimait tout ça ? Une vie que certes j’avais désiré plus que tout au monde, mais qui ne m’est clairement pas destinée. J’étais à deux doigts de m’approprier cette vie, ce n’était pas impossible, et pourtant je suis là, affalé sur un canapé, au bord des larmes tellement je nage dans un bain d’émotions.

Aucune larme ne finit par me trahir cependant, puis après un long moment perdu dans mes pensées, je me lève pour prendre une douche. Je tenais à peine dedans avec mon mètre quatre-vingt-cinq. Une fois débarrassé de tout le stresse du voyage je commande à manger, et mon plateau arrive deux minutes après.

Je grignote à peine, les yeux perdus dans le vide. Je ne profite en rien de la soirée, pas même au rez-de-chaussée, là où repose une grande pièce remplie d’activités diverses. Je me couche sous les draps propres. Submergé par le bien-être que cela me procure, je ne tarde pas à tomber endormi.

Je me réveille en sursaut, après un rêve perturbant qui m’échappe déjà. Sonné par les circonstances de mon réveil, je m’autorise à me lever de manière nonchalante et un grand bâillement résonne dans la chambre. Lentement, je commence la journée de la plus normale des manières : par un petit déjeuné, une douche, un lavage furieux des dents, ou encore une session d’habillage ridicule. Comment doit-on s’habiller pour une audition de cette importance ? J’opte pour du simple mais élégant.

Sans cesser de penser à l’après-midi, je décide de sortir et prendre le bon air américain. Je me promène aux alentours et enfin, je finis par l’apercevoir : le site absolument gigantesque de Disney, visible derrière une immense arche magnifique. Hypnotisé par cette vision, une crampe au ventre se fait sentir, je ne me souviens pas avoir déjà ressenti un stresse pareil.

Finalement, je ne m’attarde pas sur ce spectacle devant moi, je continue à vaquer à ma promenade. Je rentre manger un bout le midi, et traîne dans la chambre durant une dernière heure.

Puis enfin, le moment arrive. Tremblant de tous mes membres, je me regarde une nouvelle fois dans le miroir : j’y vois un garçon très classique, clairement effrayé. Je dois me calmer, me rendre à cette audition dans un tel état ne jouerait certainement pas en ma faveur. Heureusement physiquement, je ne pouvais pas être plus préparé, pas un seul cheveu ne dépasse de ma coiffure laquée. Je gonfle mes poumons, me forçant à avoir un peu confiance en moi.

Tel un robot, je sors de la chambre et emprunte le même chemin que ce matin, me rendant sur la propriété immense de Disney. Je suis abasourdi par le bâtiment qui se tient devant moi, l’immense devanture est décorée par les sept nains qui semblent porter les fondations, des poutres immenses vous accueillent, formant un chemin intimidant vers l’entrée. Plusieurs bancs et statues rendent l’endroit plutôt affable, mais cela ne m’apaise en rien. Je ne prends pas la peine de profiter de ce lieu magique, je ne regarde pas derrière moi, marchant rapidement droit devant. A peine ai-je mis un pied à l’intérieur qu’une jeune femme se jette sur moi :

- Bonjour, quel est l’objet de votre visite ?

Décontenancé je me rends compte que je ne sais même pas comment présenter la chose. Je n’ai aucun papier, aucune convocation.

- Heu… je m’appelle Jordan, je viens passer le second tour d’audition pour le rôle de Magnus.

La jeune femme jette un coup d’œil dans une pile de fiches qu’elle portait avec elle, en retrouve une en particulier et la lit avec attention. Elle m’offre alors un immense sourire.

- Oh Magnus Ratigan bien sûr, nous sommes tous impatient de le voir rejoindre la famille ! Vous avez une pièce d’identité s’il vous plaît ?

Je lui montre ma carte, que j’avais préparé au préalable. Après l’avoir étudié elle me sourit de nouveau.

- Suivez-moi !

Mis à l’aise et plutôt rassuré par ses paroles et sa sympathie, je la suis d’un pas que j’espère mesuré. Au moins elle ne m’a pas regardé comme si je n’avais rien à faire là. Je reste à marcher derrière elle durant de longues minutes, traversant probablement toute la structure. Je me craque les doigts.

- Par ici, je vous en prie entrez, finit-elle par dire. Veuillez patienter qu’on vienne vous chercher.

Elle me laisse planté là, dans une salle certes immense mais peu commune du reste du bâtiment. Plutôt blanc et austère. La pointe de mon pied frappe automatiquement le sol. Je décide de regarder mes réseaux sociaux, histoire d’alléger la surdose de stresse. Moi qui d’habitude pense beaucoup trop, rien ne me vient en tête tellement je suis inquiet. Ni plainte, ni lamentation, ni rien, juste la peur.

Les minutes se transforment en heures, les battements de cœurs en sueur froide. Je commence à avoir chaud et de la peine à respirer. Inspire, expire.

Je sursaute lorsque l’on m’interpelle. Il s’agit d’une autre jeune femme, propre sur elle. Elle me demande de l’accompagner. Je me lève avec la sensation d’être courbaturé de partout. Je la suis dans plusieurs couloirs, sans être rassuré par les innombrables posters et autres accessoires Disney accrochés sur tous les murs. Même ma chère petite sirène ne m’apporte aucun réconfort lorsque je croise son regard sur le mur d’un sas interminable. Puis enfin, des voix commencent à se faire entendre. La porte devant moi est entrouverte.

- Je vous laisse ici, vous pouvez frapper et entrer. Bonne chance Monsieur, me dit la fille qui a l’air compatissante.

Sur ce, elle file dans le sens inverse. Lentement, et après une dernière tentative de me calmer, je toque à la porte et entre lorsque j’y suis invité.

Devant moi se tiennent des personnes inconnues et d’autres que je connais bien : dont Mrs Every, Mrs Welsh et un autre visage maintenant bien familier. Celui d’un des chanteurs les plus populaires de sa génération. Ses deux yeux bleus me dévisagent, m’invitant à m’approcher.

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