Chapitre 6
La nuit a été longue. Peuplée de sursauts, de bruits étranges que je n’arrivais pas à localiser : des craquements dans les murs, des souffles dans les conduits d’aération.
À chaque fois que je fermais les yeux, je croyais entendre mon prénom murmuré quelque part, très loin.
À l’aube, j'ai décidé de vérifier les alentours. Je ne pouvais pas rester enfermé sans comprendre.
La place était exactement comme la veille. Déserte. Silencieuse.
Je me suis aventuré jusqu’à la boulangerie, dont la porte était entrebâillée.
À l'intérieur, tout semblait figé dans le temps : le pain du jour précédent reposait sur les étagères, sec, durci et la caisse était ouverte, un billet dépassant à moitié. Les lumières éteintes.
Personne.
Je me suis alors mis à frapper aux portes, une à une.
Chez le boucher.
Chez le libraire.
Chez la coiffeuse.
Pas de réponse. Juste le bruit creux de mes poings sur le bois.
Une idée a commencé à germer, sournoise, insidieuse.
Et si quelqu'un — ou quelque chose — les avait emmenés ? Et si je n’étais pas censé rester ?
Je regardais autour de moi, tentant de repérer un signe, une trace, une indication. Mais le village était intact. Pas une vitre brisée. Pas une marque de lutte.
Seulement cette impression étouffante que le monde avait été vidé méthodiquement, minutieusement.
En revenant au café, j'ai remarqué un détail qui m’avait échappé. Un graffiti, tracé à la craie sur le trottoir, juste devant ma porte. Deux mots simples, griffonnés à la hâte :
TOI APRÈS.
Mon sang s’est glacé. Je suis resté un long moment à le fixer, incapable de bouger ou de regarder autour de moi. Était-ce une menace ? Un avertissement ? Un jeu cruel d’un esprit malade ?
Quand j’ai enfin trouvé la force de rentrer, j'ai retourné toutes les pièces du café à la recherche d’un indice.
Rien non plus. Pas de message caché. Pas de lettre d'adieu.
Je me suis assis au comptoir, le carnet serré contre moi.
"TOI APRÈS."
Cela résonnait dans ma tête comme un glas.
Et une autre pensée s'était alors immiscée dans mon esprit :
Et si ce n'était pas un accident ?
Et si ce n'était pas un hasard que je sois encore là ?
Et si quelqu’un attendait que je sois prêt à disparaître, moi aussi ?
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