Je m'appelle Belle. Je ne suis pas bien grande : un mètre cinquante-trois, pour soixante-cinq kilos. Brune, aux cheveux mi-long, parfois frisés, mais le plus souvent lissés. Rondelette, je n'ai jamais eu une taille de guêpe. Pourtant, des régimes, pour maigrir, j'en ai fait. Du sport, n'en parlons même pas. Je suis même allée jusqu'au malaise pour prouver à tout le monde que je finirai par perdre du poids. Que je finirai par avoir ma revanche sur toutes ces personnes qui se sont toujours moquées de moi. Me méprisant sans aucune raison, tout ça parce que j'étais... différente. Je me suis alors enfermée dans une spirale infernale, oubliant ce que signifiait réellement vivre.

Je suis devenue ainsi à cause de ma mère. Fermée, solitaire et fragile. Probablement même dépressive. Qui sait ? À cause d'elle, je me suis mise inconsciemment en danger afin de lui ressembler. En effet, dans mon esprit, si j'étais à son image, les gens commenceraient enfin à m'apprécier, puis à m'aimer. Aussi triste que cela puisse être, c'est ainsi que je vois les choses. Les gens ne m'aiment pas parce que je suis laide. Alors, comme ma mère, je souhaite être mince. Avoir un ventre plat. Des jambes fines, des fesses galbées et une poitrine ferme et relevée.

Après mon accident de voiture, ma mère ne m'a plus trouvé jolie. Elle s'est tout simplement détournée de moi. Me répétant sans cesse que j'étais moche et qu'avec mon physique, je ne parviendrais à rien dans la vie. Évidemment, en subissant constamment ses remarques et ses bassesses, j'ai fini par croire à ses paroles. Sans parler des moqueries à l'école que je subis depuis l'âge de huit ans.

Quant à mon père, depuis plusieurs années, il ne sait plus comment s'y prendre avec moi. Il me sait pourtant fragile, en très grande souffrance émotionnelle. Cependant, au lieu d'affronter le problème, il a préféré fuir, s'isolant lui aussi, à sa façon, me laissant complètement livrée à moi-même. Comme moi, il souffre, et tout comme moi, il ignore comment y faire face.

Toutefois, on ne peut pas réellement dire que je sois vilaine. J'ai ma propre beauté, comme tout un chacun. En aucun cas, nous ne devons juger une personne en se basant uniquement sur son aspect physique. Comme nous n'avons pas le droit de l'apprécier juste parce qu'elle est belle. Inopinément, mon physique est devenu mon pire ennemi, laissant apparaître la sombre réalité de ma vie.

Pourtant, mes yeux d'un bleu profond sont magnifiques. Ils s'accordent parfaitement avec mon teint couleur de la neige. J'ai quelques taches de rousseur sur les pommettes et sur le nez, ce qui me rend attrayante. Enfin, je crois.

Alors oui, j'ai des formes, un peu de ventre et de la graisse sur les cuisses. Ma poitrine, malgré mon jeune âge, n'est pas si ferme que ça, mais je reste, tout de même, une jolie fille.

Seule ombre au tableau : mes cicatrices.

En effet, victime d'un grave accident de la route à mes huit ans, je me suis retrouvée hospitalisée, puis plongée dans un coma forcé pour minimiser les risques et pouvoir supporter la douleur. Ce n'est qu'en me réveillant que j'ai constaté l'horrible vérité. J'avais changé. Ma jambe gauche traînait une longue cicatrice, partant du milieu du mollet jusqu'au qu'en haut de ma cuisse. Mais, ce qui a été le plus choquant pour moi, c'est sans conteste la cicatrice laissée sur mon visage. Partant du côté gauche inférieur de ma lèvre, remontant jusque sur ma joue, déformant légèrement celle-ci. Il me manque également quelques sourcils au-dessus de l'œil droit.

Alors, oui, physiquement, pour les autres, je suis laide. Ce sont assurément ces particularités qui m'ont incitée à me renfermer et à m'isoler du reste du monde. Je n'ai pas confiance en moi et je n'ai aucune estime de moi.

Pourtant, un jour, la rencontre d'une personne risque de tout changer pour moi.