Mes pensées

3 minutes de lecture

Voici une nouvelle journée de ma misérable existence qui débute. Comme chaque matin, c'est le pas lourd que je me lève et me dirige à la salle de bains. Je me prépare à ma routine quotidienne : douche brûlante, lissage de mes cheveux après les avoir séchés, brossage de mes dents, et une note d'eau de parfum au creux des oreilles et sur mes poignets. Une fois prête, je fais face au miroir, observant ce reflet qui me dégoûte. Cette image qui me plonge dans mes ténèbres les plus sombres. Les plus abjectes. À me demander ce que je fous là ? Pourquoi je suis toujours là ? Les choses auraient-elles été différentes si cet accident n'avait jamais eu lieu ?

Bien que mes souvenirs soient lointains, je fais souvent des cauchemars de cette nuit-là. Avant que tout cela n'arrive, je me rappelle que nous étions allées au centre commercial avec ma mère. C'était mon anniversaire, difficile d'oublier, puisque nous étions parties acheter le dernier modèle de Barbie. Celui avec les ailes fluorescentes. Un modèle unique à l'époque qui s'arrachait comme une bouchée de pain. J'allais fêter mes huit ans. J'étais euphorique à l'idée de passer cette journée avec ma mère. C'était notre petit rituel. On aimait passer du temps toutes les deux, avant de pouvoir célébrer avec mon père le soir venu. Cependant, malgré l'excitation et toute la joie que je ressentais, j'étais loin de m'imaginer que cette journée, qui avait pourtant si bien commencé, se terminerait dans une tragédie sans fin. Le début d'un horrible calvaire. De ma longue agonie. De ma propre existence.

Au-delà des séquelles physiques laissées sur mon corps meurtri, les plus douloureuses sont assurément celles qui ne se voient pas. Les invisibles comme on dit, néanmoins bien présentes. Ancrées si profondément qu'elles me bouffent l'esprit. M'enchainent dans un tourbillon d'autodestruction, car, depuis cet accident, ma vie n'a plus jamais été la même.

À la suite de ce drame, mes parents ont complètement changé d'attitude. J'aimerais pouvoir dire que c'est en mieux, mais la vérité, c'est qu'ils sont devenus tout le contraire. Intolérants, exigeants. Le plus blessant, c'est qu'ils se sont réellement détournés de moi. Comme si le fait de me voir dévisagée les rebutait. Tout ça à cause d'un accident que personne n'aurait pu prévoir. Je n'ai jamais demandé à le subir, ni même à garder ce genre d'empreintes indélébiles et involontaires sur ma peau. Mes parents m'en veulent pour quelque chose dont je ne suis pas responsable, et sur laquelle je n'ai aucun contrôle.

Ma mère, depuis l'accident, m'a sans cesse répété qu'avec mon visage, je n'arriverais à rien dans la vie si je n'étais pas un minimum intelligente. Puisque pour elle, seule l'intelligence pouvait me sauver de mon physique. Quant à mon père, il s'est muré dans un silence que je n'ai jamais compris. Ils souffrent tous les deux, je le sais bien. Mais moi ? Qu'en est-il de moi alors ?

Ce ne sont pas eux qui subissent les moqueries depuis toutes ces années et qui entendent sans cesse des choses grotesques et offensantes à leur égard.

« Regarde-la, elle ressemble à un monstre. Comme elle est laide. Si j'étais elle, je ne sortirais plus de chez moi. En plus, elle est grosse. Elle n'a vraiment rien pour elle. »

Ces injures sont quelques-unes parmi tant d'autres. Il m'est déjà arrivé que l'on me jette de la nourriture en pleine figure à la cantine. Les gamins me criant qu'avec ça, je pourrais camoufler mon visage hideux. Les moqueries, les coups bas et les insultes, je les vis depuis que j'ai repris l'école, juste après ma sortie de l'hôpital. Tel est mon quotidien, j'ai dû prendre beaucoup sur moi pour ne pas me laisser décourager. Ou pire. Alors, pour combattre mes maux et la douleur qui me ronge, j'ai commencé par me faire souffrir. Parce qu'il n'y a que de cette façon que j'arrive à contrôler ma colère et ma frustration. Me punissant moi-même d'être aussi moche. Les stigmates sur mes cuisses en témoignent parfaitement, mais aussi sur mes poignets, que je camoufle constamment avec des manches longues lorsque je le peux.

Aujourd'hui, j'ai quatorze ans. Cela fait maintenant six ans que je subis, serrant les dents, me terrant dans mon propre silence, car mes parents ne m'écoutent plus. Ils ne m'entendent pas. Pour eux, je ne suis rien d'autre qu'une ombre, plongeant dans mon impitoyable obscurité. C'est si douloureux que toutes mes failles et mes démons enfouis jaillissent jusque dans mes tripes comme la puissance d'un tsunami.

Désormais, j'accepte les moqueries. Je m'adapte, car aussi injuste soit-il, c'est à moi, paraît-il, de m'ajuster à la société et aux esprits étriqués. Telle est la triste vérité et réalité du monde d'aujourd'hui. L'ultime combat de ma vie…

Annotations

Vous aimez lire Beebloom ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0