Je viens d'entendre les mots de ma professeure, pourtant, les seuls bruits que je perçois à cet instant, sont ces sifflements incessants dans mes oreilles. Signe qu'une crise de panique peut m'engloutir si je n'arrive pas bientôt à reprendre le contrôle.

Après plusieurs secondes qui m'ont paru durer une éternité, j'ai repris pleinement mes capacités. Je continue alors d'écouter madame Silver, qui nous parle de ce fameux programme dont tout le monde semble s'enthousiasmer. Pourquoi, subitement, ai-je envie de disparaître à tout jamais ? L'instit poursuit son monologue.

« Cette année, quatre collèges devront s'affronter, mais seulement quinze élèves par classe seront sélectionnés. Pour qu'il n'y ait aucune discrimination, le nom des participants sera tiré au sort. Chacun devra donc inscrire son prénom sur un papier que nous mettrons dans une urne, qui restera fermée jusqu'à l'ouverture du programme. Cela évitera tout conflit ou tricherie.

— Est-ce obligatoire, demande alors Samantha, ce qui m'interpelle, curieuse à ce sujet ?

— Oui. Chaque élève doit inscrire son nom. Ce n'est pas une option. Seuls ceux qui auront une sérieuse raison médicale pourront en être dispensés. Mais, attention, nous vous gardons à l'œil. Toute demande de dispense sera vérifiée et contrôlée auprès de vos parents, mais aussi auprès de votre médecin qui aura signé celle-ci. Que les choses soient bien claires. La mauvaise foi n'a pas sa place dans ce programme. »

En entendant ça, je déglutis, car la chance ne me souriant pas réellement, je reste persuadée que mon prénom sortira lors du tirage au sort. La possibilité d'en échapper est très mince, sachant que nous sommes plus ou moins vingt-cinq par classe, à quelques chiffres près. Pas difficile de faire les comptes. Je suis foutue, je le sais d'avance.

Me retrouver en maillot de bain devant tous ces imbéciles me met dans une colère noire. Je sais parfaitement qu'ils continueront de me juger. De me salir de leurs insultes et de leurs regards de pitié. Parce que oui, même si mes cicatrices sur le visage sont visibles, personne n'est au courant pour celle de ma jambe, et encore moins des scarifications sur mes poignets. Si je me dévoile, je passerai assurément pour une folle suicidaire. Après tout, n'est-ce pas ce que je suis ? Une nana qui veut à tout prix en finir avec les moqueries. Peu importe la façon dont je m'y prends, tant que tous mes maux cessent, s'effacent et se dispersent dans un autre monde que le mien.

Je pourrais toujours évoquer ce détail avec mes professeurs, les choses seraient bien plus faciles si je leur disais ce que je ressens au plus profond de mes tripes. De cette manière, ils contacteront forcément mes parents qui me dispenseront alors de cette corvée. Surtout, cela les mettra enfin devant leurs propres responsabilités : celle de s'occuper de moi, mais également de prendre soin de moi lorsque je vais mal.

Je pourrais enfin consulter un professionnel de santé qui me permettra de me libérer de mes chaînes. Qui m'apprendra à avoir confiance en moi. Une personne qui m'aidera sûrement et qui m'expliquera certainement comment m'apprendre à m'aimer moi-même. Accepter ce corps meurtri et cette laideur qui en résout constamment.

Évidemment, je sais que ça n'arrivera pas, car je ne pourrais jamais révéler à mes professeurs le mal qui me ronge. Cela reviendrait à exposer mes parents. Principalement ma mère, pour qui la beauté physique est l'essence de tout. Il est donc inconcevable que je dise quoi que soit, parce que ma mère préférait me renier, plutôt que de dépenser un centime chez un psy pour moi, me jugeant inapte à changer. Moi, sa fille qui l'exaspère et dont l'aspect physique lui répugne. Dure réalité, mais c'est pourtant le constat de ma triste vie depuis ce putain d'accident qui n'a pas seulement bousillé mon corps. Il a aussi déglingué ma vie et engloutit totalement mon esprit.