I. Les Ombres de Ghedhabna

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Mariam marchait à travers les dunes, le soleil touchant à son déclin, juste avant que la nuit noire prenne possession du paysage. Portant une valise en cuir, marquée par les bombardements de Damas en Syrie qu'elle fuit. Mariam laisse derrière elle son mari et son fils, qui n'ont pas survécu à cette nuit d'horreur, un souvenir à jamais gravé dans sa mémoire dans sa mémoire. Elle garde l'espoir de rejoindre l'Europe, croyant encore en la possibilité de reconstruire une nouvelle vie.

Son point de rendez-vous est sur la plage de Ghedhabna, mais pour y parvenir, elle doit d'abord traverser la forêt puis la dune. Le tout sans attirer l'attention des locaux qu'elle pourrait croiser en chemin. Elle a reçu des instructions strictes de Rachid, le passeur, qui lui a assuré l'accès à sa nouvelle vie, mais à condition de respecter ces règles.

Après une longue marche dans la pénombre, Mariam arriva enfin sur la plage. Une tente en toile blanche se dressait sur le sable, ornée d'un logo d’un bateau de pêche, et éclairée par la lueur vacillante d'une lanterne tempête. Elle s'approcha de la tente, le cœur battant, et d'une voix chargée d'angoisse, murmura Le Navigateur Silencieux.

La voix de l'homme avec qui elle avait traité répondit sans la moindre émotion, brutale et directe Tu as l'argent ? Mariam sortit une enveloppe qu'elle dissimula sous sa tunique et répondit, d'une voix tremblante Oui, le voici.

Rachid saisit l'enveloppe, l’examina brièvement, compta rapidement l'argent à l'intérieur, le glissa d’un geste rapide et précis dans la poche interne de sa veste. Il hocha la tête et, sans un mot de plus, lui fit signe de le suivre. Ils se dirigèrent vers la plage, longeant le sable dans le silence de la nuit. Au loin, un vieux ferry délabré attendait, à peine visible dans l'obscurité. Sur le pont couvert, quatre personnes étaient entassées, silencieuses, attendant que le voyage commence. Rachid s’arrêta un instant, jeta un coup d’œil à la mer, puis se tourna vers Mariam. D’un ton sec, il lui ordonna de monter sans faire de bruit. Puis, s’adressant au capitaine, un homme au regard dur nommé Antonio, il ajouta d’une voix basse qu’il manque encore une personne. Le capitaine acquiesça d'un mouvement de tête, sans un mot, avant de se pencher vers le moteur, prêt à prendre le large dès que la dernière âme serait à bord.

Mariam s'installa aux côtés d'une femme grande et imposante, dont la présence lui apportait un certain réconfort. Cette femme, prénommée Ndeye, originaire de Dakar, était une réfugiée politique. Ciblée par le gouvernement, elle avait dû fuir son pays, trouvant refuge dans des nations voisines avant de poursuivre son exil en Europe. Là, elle espérait continuer son combat pour la liberté et les droits humains dans un environnement plus sûr.

Plus au fond du pont couvert se trouvaient deux hommes endormis. L’un d’eux, Abdelkader, âgé de la trentaine, est un ancien ouvrier du bâtiment contraint de quitter l’Algérie pour échapper à la crise économique et à la répression politique qui frappaient durement son pays. Il nourrissait l’espoir de rejoindre l’Europe pour se construire une nouvelle vie, bien que la peur de se noyer lors de la traversée ne le quittait pas. Le second, Nabil, un jeune dans la vingtaine, avait fui la Tunisie face à la montée de l’extrémisme. Convaincu que l’Europe représentait sa seule chance d’un avenir meilleur.

Un homme dans la trentaine, au physique robuste, sorti de l’avant du bateau pour rejoindre le capitaine dans la cabine de pilotage. Quelques jurons parvinrent jusqu’à l’arrière du navire. L’homme finit par retourner s’asseoir à l’avant. Ndeye, voyant Mariam inquiète face à son attitude, lui expliqua qu'il s'appelait Jorge. Ancien marin portugais, il cherchait désormais à trouver la paix intérieure. Son passé, marqué par des voyages tumultueux en mer, s’était assombri le jour où une tempête dévasta son équipage, mettant fin à sa carrière. Il tente d'oublier ses peines dans l'alcool, cependant, il ne représente aucun danger.

Soudain un coup de feu retentit sur la plage. Affolant tout le monde sur le navire sursautant sans un bruit. Le capitaine sortit de sa cabine de commande pour aller voir à l’arrière du bateau ce qu’il se passe en faisant signe aux passagers de rester silencieux. Deux silhouettes s'avançaient dans la pénombre, celle d’un homme autour de la cinquantaine à la large carrure et avec un regard acéré et calculateur. A côté de lui, un homme à la carrure musclée approchant la quarantaine avec une arme braquée sur la tempe. Il tourna alors son regard vers le capitaine, lui adressant un salut de la main, comme un adieu familier, et lui annonça d'une voix calme : « Levez l’ancre, le voyage commence, nous avons tous les passagers à bord. ». Le capitaine, pris de surprise en voyant Vincenzo se tenir devant lui, et ressentit un frisson de tension. Il se retrouvait en compagnie de l'homme le plus redouté et connu dans le domaine de la criminologie et le plus grand cerveau du trafic humain en Méditerranée. Vincenzo se tenait là, tel une ombre menaçante, son aura de puissance et de danger pesant sur l'atmosphère.

Vincenzo ordonna à son otage de s’asseoir en face de Ndeye et Mariam, croisant leurs regards empreints d’appréhension. Après un instant de silence lourd, il se dirigea vers la capitainerie, où il fut accueilli par le bruit des machines et les craquements qui s'intensifient, annonçant le grand départ vers le large…

Antonio, intrigué par cette dernière minute imprévue, interrogea Vincenzo sur sa présence à bord avec lui, et non seul comme prévu. La seule réponse que Vincenzo daigna lui offrir.

- Cela devait se terminer ainsi. Puis, après une pause glaciale, il ajouta.

Rachid me doit une dette. Il avait jusqu’à aujourd’hui pour me payer. Tout ce que j’ai obtenu, c’est la moitié de la somme. J’ai fait ce que j’avais à faire.

Fixant Antonio d’un regard menaçant, il conclut. Maintenant, continue de faire ton travail d’homme de main, ou je te descends, toi aussi.

Les deux filles, assises ensemble à l'arrière du bateau discutaient discrètement, tout en observant le sillage qui se traçait derrière eux. Leurs regards se perdaient sur la terre qui s'éloignait lentement, et à travers leurs échanges timides, elles commençaient à se connaître un peu plus. Bien que leurs cœurs fussent envahis par la peur, elles partageaient aussi une lueur d'espoir fragile, celle d'un avenir meilleur qui pourrait un jour se dessiner à l'horizon.

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