Chapitre 1

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L’atmosphère sentait l’air iodé et le parfum du voyage.

Le prince Lueur embrassa sa mère, son père, son frère et en dernier lieu son parrain. L’homme en fauteuil roulant, borgne et quelque peu « oncle poule » lui confia en secret :

— Pas trop de folie une fois à Mériode. Et ne vagabonde pas pour visiter toutes les lieues dont je t’ai parlé. Ne nous fais pas nous inquiéter. D’accord ?

— Ne t’inquiète pas pour moi. Je serai prudent. Personne ne sera mon secret. Rassuré ?

—Je vais faire comme si…

Cécil enlaça l’adolescent. Ses bras l’entourèrent la taille et ses mains s’accrochèrent l’une à l’autre, pour l’emprisonner. Il le serra conte lui, sentit sa respiration au creux de sa nuque. Lueur était les enfants qu’il n’avait jamais vus, les enfants qui demeuraient quelque part dans le monde où il ne pouvait les atteindre. Ses yeux s’humidifièrent à la seule pensée de son étrange amour pour la Princesse Raison, la grande sœur oubliée et disparue de Lueur. Au fond, quand Cécil regardait le garçon, il retrouvait un peu de celle dont il s’était éprit, et que le coup du sort avait voulu loin de lui.

L’homme soupira et libéra, celui pour qui il pourrait se damner.

— On se demanderait presque qui est le père, commenta le Roi Sergus sur un ton amusé.

Sa main vieillissante se posa sur l’épaule du page avec un respect et un mouvement de profonde amitié.

Tous se mirent à rire, car à la vérité, Cécil ressemblait plus au père que Sergus lui-même.

Cécil hocha la tête, accordant raison à son roi et ne lâcha pas son regard de celui de son filleul.

Ses doigts s’accrochèrent aux longes mèches de cheveux châtaines du page. Elles chahutaient avec l’air iodé du port, s’amoncelaient sur l’épaule de l’homme et nouer leur long corps au poignet du jeune prince. Elles aussi semblaient retenir l’adolescent. C’était comme si elles sentaient la future détresse dans laquelle Cécil se noierait une fois le Prince partie pour ses études.

Lueur caressa les mèches. Il se souvint comment petit il aimait détacher les cheveux de son parrain et les déployer comme la toile d’une cabane au-dessus de lui.

— Je me sens prêt à quitter le nid. Je ne suis plus un enfant. Je suis grand maintenant. Parrain. Tu t’en fais toujours trop, ajouta Lueur en roulant les yeux au ciel.

— S’il en fait trop, c’est essentiellement parce que tu nous fais des peurs sans noms. Un jour tu finiras par tuer quelqu’un avec tes insouciances, commenta sa mère, la reine Douceur.

Elle avait les yeux couleurs du miel et paraissait mille fois plus jeune que son vieux époux. Cependant, la main qu’elle avait nouée à celle de Sergus disait combien elle aimait ce vieux Roi et combien elle souffrirait de sa mort.

— Laissez donc ce garçon vivre. Il sera sous bonne garde avec Talius et Versus. N’est-ce pas messieurs ?

L’altesse, aussi grand qu’un titan, se tourna vers deux gardes d’une trentaine d’années. Ses yeux rouges et son regard perçant, firent acquiescer les deux hommes en tenu de civile. Tous chez Sergus invitait au respect.

Loin des regards de la populace, sur un côté du quai entouré de caisses et de tonneaux, ils saluèrent le roi et la reine avec le respect qui leur était dut et s’agenouillèrent.

Sergus leur ordonna de se relever prestement que personne les remarque. Même, s’ils étaient peu visibles aux yeux des familles alentours, il valait mieux rester prudent.

Après tout, le prince allait faire un voyage de trois semaines sur un bateau et sous une garde réduite. Lueur était suffisamment remarquable avec sa peau blanche, ses cheveux longs et noir et sa taille de géant, pour que son père craigne pour sa vie. Il fallait atténuer les risques qu’un malheur s’abatte sur l’aîné de ses fils. Non que la couronne fût en danger, mais dans la conscience d’une minorité de Porcelénniens, notamment chez les familles ayant perdu un proche dans le combat avec la créature de Grisland, il restait de l’animosité. Il n’était pas rare que des messages de menace jonche le sol du château de BlanchePlume. Malgré les mesures instaurées pour radoucir les cœurs et les nombreuses stèles qui parcouraient le royaume de Porcelaine, les citoyens gardaient en mémoires tous les hommes et toutes les femmes sacrifiés pour le caprice de la précédente reine : Parole. Cette pauvre femme s’était entêtée à retrouver sa fille et l’héritière de Porcelaine, en vain. Des milliers de personnes s’étaient engagés contre une forêt vivante et un être inconnu. Dans la conscience de chacun, l’enfant n’avait jamais existé, ce n’était que la folie d’une femme ayant perdu un nouvel espoir.

Les gardes s’exécutèrent et firent mine de se relaxer, tout en gardant un œil sur les ombres, les voix alentours et le brouhaha des embrassades. Lueur les regarda faire. Ils n’avaient vraiment aucun talent de comédien. Le prince secoua la tête amusé de les voir peu à l’aise dans leurs bottes. Ce n’était pas tous les jours qu’ils pouvaient admirer le sérieux Tailus en chemise bouffante et le nerveux Versus sans son attirail habituel. Toutes les armes que ses gardes possédaient étaient cachées sous leur vêtement léger. Il y avait quelque chose de plu humain en eux, et ça plaisait bien à Lueur.

Il se tourna vers sa famille. Le vent redoubla d’effort pour faire chanter les cordages sur les voiles.

— Ne vous inquiétez de rien. Je ne pars que pour trois ans. Ce n’est pas comme si vous ne pourrez me rendre visite.

Lueur détendit l’atmosphère avec un large sourire, qu’il offrait aux plus proches personnes qu’il côtoyait. Un sourire qui faisait oublier les plus grandes peines de l’âme. Il savait éclairer un espace de sa seule présence.

Il s’avança vers sa famille et fit un dernier baiser à chacun. Il attaqua son frère, Fégoce, avec mille bisous sur les joues. Le garçon accepta avec un air revêche. Aucune expression ne passait le visage du cadet. Il paraissait aussi dur que de la pierre et pourtant ses yeux clairs brillaient d’une certaine douceur… La maturité peignait ses traits et cela bien qu’il ait quatorze ans. Il avait déjà l’aspect d’un leadeur.

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