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Lueur passa ses mains dans celles de sa mère et les retint avec une infinie douceur. Comme les doigts de la reine étaient fins, comme elle semblait fragile. Il posa son front contre le sien. Sa mère enroula ses bras à son cou, le serra pour ne pas oublier le parfum de son fils et laissa glisser ses paumes sur la mâchoire du garçon.

— Pas de folie et pas de lubie inconsidérée !

— Promis.

Ils se lâchèrent difficilement, mais aucune larme ne coula.

Lueur prit son père dans ses bras, comme lorsqu’il était petit, en passant ses bras sous la longue veste qui cachait sa carrure de titan. Il sentit toute la force de son père, se demandait si un jour, il aurait une telle carcasse.

Pas de baiser entre eux, juste un regard attendri et admiratif.

Le prince se tourna vers son parrain qui lutta contre l’envie de pleurer. Il lui sauta à nouveau au cou et lui donna un bisou dans le coup, là où on sentait plus fort les vibrations de l’âme.

— Prends soin de toi, parrain.

— J’y veillerais. Pars serein.

Lueur recula sans hésitation. Il contempla sa famille afin de garder ce moment en mémoire. Il les aimait, seulement, il appréciait sa liberté et le cadeau que d’étudier à Mériode était sa seule chance de vivre loin du cœur étouffant mais aimant de sa famille.

Sous le tintinnabulement d’une cloche, il emboîta le pas à ses gardes, ceux qui veillaient depuis toujours sur lui.

Le regard tourné vers le quatre mat et son propulseur à eau de mer, il rêva à Mériode, aux villes et aux paysages que son parrain lui dessinait ou lui narrait.

À quinze ans, il ne songeait qu’à s’émanciper et à vagabonder d’un pays à l’autre. Il avait en tête de devenir un prince aventurier comme son aïeule Galila, une princesse qui avait cédé son droit à la succession à son jeune frère et qui avait arpenté Porcelaine de long en large et travers, pour ensuite prendre la mer. L’idée de voyager plaisait terriblement à Lueur, si bien qu’une fois sur le bateau, il en oublia sa famille en contrebas et visualisa la mer à perte de vue. Le bleu de l’horizon lui parlait de nouveauté, de grandioses…

Ce fut Versus, qui chagrinait pour les parents royaux, le réveilla de ses rêveries.

— Mon prince, faite donc un petit coucou à vos parents. Vous aurez tous les temps d’apprécier la mer. Trois semaines sera-t-il suffisant pour vous ?

— Bien, bien… Mais de toi à moi, mon cher Versus, ma famille a profité de moi pendant quinze ans. Tu te rends compte. Et à peine suis-je monté dans l’embarcation que je leur manque déjà ! Que feront-ils pendant trois ans ? Mourront-ils de mon manque ?

C’était dit sous le ton de l’amusement, mais Versus prit les paroles avec plus de sérieux.

— Au lieu d’ironiser, faites donc coucou.

Lueur incurva ses lèvres en avant, comme un enfant, et obéit. Après tout, qu’est-ce que ça lui coutait un au revoir de plus. Il avait passé un mois sous les baisers de sa mère, sous les tapes paternelles de son père, sous les : « tu m’écrieras ? », de son parrain. En soi, il n’y avait que Fégoce, son frère, qui se moquait qu’il parte ou qu’il reste. À douze ans, le jeune prince n’avait jamais étouffé son frère d’amour. Il était assez distant, avec tout le monde. Relativement, réservé. Il n’aimait pas quand on le serrait et quand on l’embrassait plus de deux fois dans la même journée. Mais il lui arrivait de surprendre en disant un « je t’aime » de bout en blanc ou dans un contexte qui ne s’y prêtait pas.

Lueur savait combien il était entouré, que ce fut par sa famille, par les courtisans ou par ses gardes. Il plaisait, il attirait. Il pouvait faire dire n’importe quoi à n’importe qui. Son frère, lui, demeurait plus effrayant dans sa façon de parler ou de regarder autrui. Il y avait toujours eu quelque chose d’austère chez Fégoce.

Le prince se pencha dans le vide et agita sa main. Il envoya tout un tas de baisers vers à sa famille. Son sourire irradiait. Il se prêta au jeu pendant cinq minutes, puis disparut dans la foule accompagnée des gardes. Les embrassades et les au revoir, ils les appréciaient mais jamais dans la durée. L’adolescent ne se forçait jamais outre mesure.

Sur l’autre versant, le garçon contempla, enfin, la mer. Cette même mer qu’il regardait derrière sa fenêtre. Cette mer qui lui chantait l’aventure depuis tant d’année, depuis la dernière fois qu’il avait quitté Porcelaine pour visiter le royaume de Trunk. Ce pays voisin où il avait écopé d’un mauvais sort. Un mauvais sort qui lui collerait à la peau pour toujours, mais dont il se moquait bien. Aujourd’hui, il se moquait de tout, hormis de ce voyage vers le royaume de Mériode. Même s’il devait passé par la case, réunion de famille au château de Métolopé, il savait qu’il serait tranquille pendant trois longues années. Lueur avait réussi à convaincre ses parents de vivre seul dans le centre-ville de Niriole. Les gardes logeraient sur les mêmes paliers, ainsi il serait surveillé tout en gardant son intimité.

Les yeux plongés vers les vagues, Lueur sentit le bateau voguer. Des papillons se formèrent dans son ventre. Les voiles déployées au vent léger se bombèrent et les turbines furent mises sous silence. La terre commençait à s’éloigner, et le clapotis de l’eau sur la coque résonnait, pendant que le navire paraissait sauter des haies. Le mouvement engagé fit rire le prince qui se revit sur le pont du grand voilier royal en route vers Trunk. Il n’avait que cinq ans, mais il s’en souvenait comme de la veille.

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