II - Helleborus Onyx Odyssey

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— Tu vas être en retard, ‘Lia !

Elle m’ignore, me passe devant, comme un courant d’air. Sa chevelure parfaitement lisse me frôle le visage, laissant dans son sillage un effluve discret d’huile de lin.

Elle attrape ses cheveux et les tresse rapidement dans son dos. Quelques mèches rebelles s’échappent, mais elle n’en a cure.

Son regard cerné — vestige d’une nuit blanche— se pose un instant sur la robe suspendue à la porte de sa penderie. Encore protégée par le plastique du pressing, elle la fixe avec la même appréhension qu’on aurait face à un linceul. Dahlia redoute autant le tissu noir que le moment auquel il est destiné.

— Personne ne s’attend à t’y voir, tu sais ?

Elle soupire.

— Je dois y aller, Dimitri…

Elle zippe la fermeture éclair et enfile le vêtement sans prendre la peine de le réajuster.

— Il le faut… dit-elle, pour elle-même.

Je pose ma main sur son épaule, la caressant tendrement du pouce. Elle prend une profonde inspiration, comme pour puiser du courage. Ce n’est pas Liv qu’elle craint de voir une dernière fois. Ce sont les vivants qui l’attendent. Les cousins, les tantes… Désormais des étrangers pour Dahlia.

— Tu ne seras pas seule, ‘Lia, je serais là. Avec toi.

Elle me rend mon sourire, fragile, reconnaissant.

— Merci, Dimitri. Sans toi, je ne sais pas comment je ferais…

Sur la commode du dressing repose un écrin de velours noir.

À l’intérieur, une broche : l’un des derniers cadeaux de sa mère. Un hellébore aux pétales de verre obsidienne, soudée par des filaments d’or.

Elle la prend avec précaution, comme si sa simple respiration pouvait la briser, et l’épingle au niveau de sa poitrine.

— C’est assez ironique, dis-je.

— Je trouve aussi.

Elle rit, sans joie.

Une fleur symbole de mort, comme présent. Comme si Liv avait tout orchestré.

— Peut-être que c’était sa manière tordue de me prévenir… qu’elle allait se tuer.

Un silence.

— C’était une femme complexe. Un esprit tourmenté.

— Et moi, je n’ai jamais su la comprendre.

Ce qui m’aurait rassuré, c’est qu’elle pleure. Qu’elle hurle, même. Mais depuis l’appel de l’Aalborg University Hospital. Depuis qu’on lui a annoncé le décès de Liv, Dahlia est d’un calme… terrifiant.

En vérité, ça fait des années que ma meilleure amie n’a pas versé une seule larme.

Comme si elle les avait laissées là-bas, à la petite fille délaissée, recroquevillée dans un coin de la serre du château familial.

Une petite fille que sa mère avait oubliée, le temps d’un tableau.

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