X — "Min Skygge..."
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Violence physique
Violence psychologique
Emprise
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« Tu es et seras toujours à moi… »
[Dahlia] Un écho. Une promesse. Un serment inviolable.
De retour où tout a commencé ; ce Danemark de mes souvenirs, son air pur, ses habitants chaleureux, cette langue gutturale qui chantait à mes oreilles dans l’enfance.
Aujourd’hui, Liv n’est plus. Ma terre natale m’a accueillie en étrangère. Et je ne m’y suis pas sentie chez moi. J’ai vu une famille avec laquelle le seul lien que j’ai, c’est le patronyme Everstein.
Rien n’a changé, mais tout est différent.
Je pensais que Dimitri et moi survivrions à cette épreuve.
Mais quand je vois ses yeux sombres me regarder comme il le fait, je me rends compte de ma naïveté. Nous ne sommes plus les mêmes enfants que lorsque nous avons quitté la lande danoise.
C’est pour ça que je ne peux pas accepter la cruauté de son silence, ni la noirceur tapie au fond de ses yeux. La poitrine serrée, les yeux encore humides, je soutiens son regard.
J’apprécie la solitude, mais pas en l’absence de Dimitri.
Il a besoin de moi. Et moi de lui. Mais je dois pouvoir vivre sans craindre de le perdre…
— Min Skygge, l’appelé-je, tendrement.
Il tressaille, un éclat traverse ses prunelles à l’entente de ce surnom : Mon Ombre… Car c’est ce qu’il est. Toujours là pour moi, prêt à me soutenir. Il est le rempart qui m’enveloppe et me protège du monde, autant que du passé.
Depuis quand ne l’ai-je pas nommé ainsi ? Impossible de m’en souvenir ; ma mémoire est un vrai labyrinthe dans lequel j’ai fini par me perdre. Il est mon seul guide.
J’ai menti.
J’ai besoin de lui, bien plus qu’il n’a besoin de moi. J’étouffe, engloutie par l’angoisse à l’idée que j’ai pu le perdre.
« Tu es à moi, ‘Lia. »
Je suis à lui.
Et je l’ai trahi en laissant Erik entrer bien plus loin que dans cette chambre. Or, entre la culpabilité et le sentiment de perte, un goût amer me noue le cœur. Toi aussi, tu avais promis Dimitri… que jamais tu ne m’abandonnerais.
Mais voilà qu’il est juste devant moi, à quelques pas. Les bras croisés, le dos droit, posté à contre-jour en ombre menaçante. Seuls ses yeux se distinguent de sa silhouette, les pupilles annihilant la couleur de ses iris.
Il est à la fois près et hors d’atteinte.
Un gouffre se creuse entre nos pieds, je le pressens. Et je ne peux pas l’accepter.
— Dimitri, tu as promis.
— Toi aussi, Dahlia.
Deux mots. Mes yeux s’embrument sous le poids des serments qui s’étiolent.
[Dimitri] Je l’observe, essayant pour la première fois de la comprendre.
[Dahlia] Je ne le comprends plus…
La chaleur que j’ai ressentie sous la main d’Erik n’est plus qu’un lointain souvenir. La légèreté que j’ai ressentie près de lui ne vaut pas de perdre mon seul et unique ami.
— Pardonne-moi, min Skygge… s’il te plaît.
[Dimitri] Je ne supporte pas de la voir rire aussi sincèrement avec un autre. Je ne supporte pas de voir son vert-de-gris regagner son éclat. Elle est ma tragique Dahlia. Seuls la douleur et le chagrin lui font honneur. Elle est si belle, lorsqu’elle pleure…
[Dahlia] Les larmes dévalent mes joues. Je me recroqueville au milieu de la chambre, faisant disparaître mon visage dans mes genoux. Impuissante face à la sentence portée par ses silences.
Le parquet grince. Ses vêtements flottent, bruissent dans l’air. Ses doigts glacials se glissent entre mes mèches. Je frissonne. D’une pression sur la nuque, je relève la tête.
[Dimitri] Son visage baigné de larmes, son plus beau tableau. Je resserre mon emprise sur ses cheveux.
Elle gémit.
Sa voix… Quel son exquis ! Je n’avais jamais entendu pareille complainte s’échapper de ses lèvres. Et je crois que je ne pourrais jamais m’en passer.
Je tire plus fort. Ses dents agrippent sa lèvre inférieure, meurtrissant sa pulpe. Ses doigts se glissent entre les miens, suppliants.
J’approche de son oreille.
[Dahlia] Une migraine atroce martèle mon crâne. Mes oreilles sifflent, terribles acouphènes, alors que Dimitri s’approche pour me susurrer :
— Tu es à moi, ‘Lia. Ne l’oublie jamais.
Une promesse.
[Dimitri] Un serment.
[Dahlia] Je lui appartiens. Et ça me va. Tant qu’il ne m’abandonne pas, je serais heureuse. Alors, je souris, entre deux sanglots.
[Dimitri] Une main dans sa longue chevelure noire, je l’enlace. Si Erik Leif Nielsen ose revenir : je m’arrangerais pour qu’il soit celui qui disparaisse cette fois.
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