1.2

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Les villas sur LB35 étaient imposantes mais celle du Parrain était splendide. En fait, elle s’apparentait à une citadelle. Au passage de l’entrée principale, on ressentait une puissance oppressante accentuée par l’ombre des hauts murs en pierre de taille qui montaient de chaque côté de la grille en fer forgée, protégée par des gardiens armés. L’allée, bordée d’arbres, où couraient sur ses rives des bornes lumineuses, en modérait les effets. Elle débouchait sur une large esplanade bien éclairée aux extrémités de laquelle on avait aménagé des espaces utiles au stationnement. La musique omniprésente invitait à la fête et au sourire, qui, depuis ma rencontre avec Christian, ne m’avait jamais quitté. J’étais heureuse. Cet homme me comblait. Il était mon héroïne sauf que la sensation perdurait et cristallisait notre relation. Auprès de lui, je m’estimais puissante et généreuse. Malgré les dangers inhérents à ses activités, je me sentais en sécurité.

La fête se passait dans un patio illuminé, bourré de monde.

— Oh, excusez-moi.

Deux types venaient à notre rencontre. J’en avais bousculé un. Baraqué au regard lourd, il me déshabilla de la tête au pied avec un sourire entendu.

— Paul veut te voir, Christian.

— Toi aussi, blaireau.

— Hélène,

  • Oui ?
  • Pierre et moi, on revient bientôt, reste avec Cathy. Elle connaît la chanson.

Nous laissâmes les filles entre femmes. Le bureau se trouvait un peu à l’écart. Paul, grâce aux caméras, voyait tout ce qui se passait chez lui. Quand nous entrâmes, il était en compagnie de Patrick, un nerveux, porté sur la coke. Sous ses airs bienveillants se cachait un caractère de brute, enclin à la torture dès qu’il s’agissait de faire avouer quelqu’un. Quand Paul s’absentait, nous étions sous ses ordres. Autant dire que tout le monde filait droit.

L’ambiance était à la fête et tout le monde était joyeux.

Paul brandit son verre.

— Bonne année à tous.

Le petit groupe leva le sien et s’écria.

— Bonne année !

— Je vous ai réuni pour vous remercier de votre loyauté, votre amitié et votre énergie. Et je porte un toast à Christian qui a sauvegardé le chargement malgré une panne d’hélicoptère.

— J’ai eu de la chance. J’ai réussi à me poser sur une propriété abandonnée.

— Il a planqué l’héroïne dans la baraque en ruine le temps d’aller chercher une voiture.

— Chercher est un bien grand mot.

Tout le monde rit. Paul remplit les verres et tendit le sien.

— Que cette nouvelle année soit abondante et nous rende puissant.

Le téléphone sonna.

— Qui cela peut-il bien être ?

Tout le monde savait qui appelait.

Paul décrocha.

— Viens, il faut que je te parle !

— Viens nous rejoindre, nous sommes dans mon bureau.

— J’ai à te parler seul à seul et ne compte pas sur moi pour faire la potiche dans ta soirée.

— J’ai des invités. Je ne peux pas les planter là.

— Fais pas comme si ça te dérangeait. Combien de fois tu m’as laissé me dépatouiller avec des gens dont je ne connaissais même pas le nom.

— On se voit demain, ça attendra demain.

— Non, ça ne peut pas attendre, c’est urgent.

On raccrocha.

— Bon les gars, merci d’être venu, on se revoit dans la soirée.

Son regard se porta sur l’écran. Hélène apparut.

— Qui est-ce, la fille dont tu m’as parlé ?

— je te présente Hélène.

— Oh la vache, regarde Hélène, tous ces couloirs en pierre de taille.

Cathy prenait toujours la vie du bon côté.

  • Ça vaut une fortune. Cette baraque vaut une fortune. Cette chambre fait au moins trente mètres carrés.

— Cathy, arrête, n’ouvre pas ces armoires.

— Ne te fais donc pas autant de mourrons. Profite, que diable !

— J’aime pas fouiner.

— Décompresse ! Regarde ces robes, elles sont magnifiques.

— Bon, allez, viens, foutons le camp d’ici.

— Putain, regarde la salle de bain, elle est tout en marbre.

— Oui, bon, c’est du vert antique, allez, viens.

— Tu permets, je profite des toilettes. Tu fais le guet ?

— Oh, c’est pas vrai ! Je sors dans le couloir.

J'entendis des gens se disputer. Malgré moi, je m'approchai. La porte avait été laissée entrouverte.

— C’est hors de question, Paul !

— Je vais me présenter à la Présidence. Et tu vas me suivre comme tu l’as toujours fait.

— Comment ça « comme je l’ai toujours fait », tu plaisantes j’espère.

— Tu m’accompagneras jusqu’à la Présidence.

— Non, j’ai construit ce cartel et tu crois que je vais laisser tomber pour ta nouvelle lubie.

— Une lubie ! J’accéderai à la Présidence de LB35, Marie, et tu m’aideras à faire carrière.

— Non !

— Si.

— J’ai sué sang et eau pour monter cette affaire, construire cet empire et tu veux que j’arrête tout pour devenir la femme d’un Président. Non, mais je rêve.

— Tu sais parfaitement que ce business peut faire échouer mon projet.

— Mon projet, ma politique, mes hommes mes, mes, mes. Tu ne penses qu’à toi. En fait, tu veux te débarrasser du cartel au cas où ça dégraderait les apparences.

— Le peuple m’accorde sa confiance mais j’ai besoin de légitimité. La presse ne nous lâchera pas. Nos activités continueront mais la direction changera de mains.

— C’est hors de question !

— Juste le temps que je devienne Président et là nous serons encore plus puissants et nous reprendrons les rennes.

— Et ce caprice durera combien de temps ?

— Une année peut-être deux.

— Tu ne manques pas de culot. Tu veux me retirer le bénéfice d’un travail acharné. Tu m’as entraîné dans ce business quand tu avais besoin de moi et maintenant tu veux m'en éloigner parce que Monsieur a soudain des ambitions.

— J’ai préparé le terrain, jour après jour. Je peux y arriver.

— Je te rappelle que, sans moi, sans mes compétences, tu serais toujours le bouseux que tu étais.

— Eh ! mesure tes paroles.

— Quoi ! La vérité te blesse mon pauvre chou. Je compte me développer sur LB50.

— Sur LB50, rien que ça, et c’est toi qui me parles de lubie.

— Je m’emparerai de LB50 et je triompherai loin de toi et de ta putain d’élection.

— Comme tu le disais tout à l’heure, tu as les atouts dont j’ai besoin.

— Et tu m’approvisionneras en contrepartie de tous les services que je t’ai rendus.

— J’ai besoin de ma femme, maintenant, plus que jamais.

— Je m’en vais !

— Tu reviendras !

— L’avenir nous le dira. On reste en contact, mais ne viens pas me chercher. Je ne reviendrais pas.

Marie sortit avant que je n'eus le temps de m'éclipser.

— Qu’est-ce que vous faites là, vous ?

— Excusez-moi, je cherchais les toilettes.

— Ne faites pas attention, Marie est plutôt ronchon en ce moment. Paul

— Hélène.

— Oui je sais. Christian m’a beaucoup parlé de vous. Retournez au salon, profiter de la fête.

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