Château de cartes

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Natacha. 

Les sanglots de Zoey ont l’effet d’un cisaillement sur mon cœur. Je referme le poing contre ma hanche et laisse tomber mon crâne contre le mur en l’entendant essouffler ses derniers espoirs. Elle a ce quelque chose qui m’attire sur lequel je ne parviens pas à mettre de mot. Elle est tellement fragile que je ne parviens pas à me résoudre à la laisser seule, à l’abandonner à son sort alors même qu’elle et moi ne nous connaissons pas. Nous sommes dans la même classe mais on ne s’est jamais adressé la parole. Et si Emilie ne m’avait pas dit un jour à la cafétéria qu’elle n’arrêtait pas de me fixer, je ne l’aurais probablement jamais observé à mon tour. Et me voilà, aujourd’hui, à hésiter entre deux choix : retourner la prendre dans mes bras ou la laisser, comme elle le veut tant.  

Ses larmes finissent par se tarir après de longues minutes. Et lorsque je crains qu’elle va sortir à son tour, je m’échappe pour quitter l’établissement en grandes enjambées. Je n’ai pas envie qu’elle pense que je l'écoute, ou que j'ai pitié d’elle. Je ne veux pas non plus qu’elle se fasse des idées. Il est hors de question que je plonge dans une nouvelle relation avec une fille sans pouvoir m’en sortir. Je ne prendrais pas le risque d'essayer de sauver une âme en peine. 

— Nat ? Qu’est-ce-que tu fais ici ? 

La voix de ma sœur résonne dans mon dos avec deux octaves de trop. Elle lâche un cri stridulent lorsqu’elle se rend compte que je n’ai pas l'intention de la rejoindre. Sa réaction frôle l’incompréhension : le bruit de ses talons résonne sur le parvis et un poids chevauche mon corps contre un tronc d’arbre. Irrité par le comportement de ma sœur, je lui pince la cuisse. Il se passe l’effet escompté puisqu’elle recule dans une plainte aiguë. 

— Annie, putain... maugrée-je, je sors de l'entraînement de basket, j’ai super mal au dos. 

Elle marmonne des excuses à mi-mots avant de me suivre quand je reprends ma route vers le bâtiment principal du lycée. Je resserre la lanière de mon sac sur mon épaule et observe ma sœur du coin de l'œil. 

— Tu attends les résultats ? 

— Ouais. 

— Tu rejoins tes amis ? Je peux venir, dis ? 

Je m’arrête d’un geste vif et me tourne vers ma sœur qui fait une tête de moins et qui me regarde avec ses deux grands yeux de biche. Son maquillage illumine son visage de poupin : elle est adorable, c’est ma petite sœur chérie, mais elle est un peu trop collante et indiscrète. Et je ne suis vraiment pas d’humeur à supporter ses caprices. 

— Fais-moi plaisir et va te faire tes propres amis. 

— C’est parce que vous allez boire de l’alcool que je ne peux pas venir ? 

Je me tourne pour me diriger vers la porte d’entrée. Ma sœur est surprotégée par ma mère qui lui interdit de boire ou de consommer quoique ce soit, pas même les boissons énergisantes.  

— C’est exactement ça, soupiré-je, je vais boire et je n’ai pas envie que tu me voies défoncé. Ça te va ? 

Elle croise les bras en grimaçant. Évidemment, Annie n’est pas totalement stupide et sait parfaitement que je ne bois jamais, seulement aux soirées avec mes amis et jamais plus de deux verres. Mais ce que je lui ai dit a le mérite de faire son chemin dans son esprit : je vais avoir mes résultats, ça se fête et c’est un moment rare donc oui, je vais boire plus qu’habituellement. 

— Je vais à la fête de Teni, maman a dit oui. 

Je lâche un petit rire en secouant le visage. Les fêtes de Teni sont loin d’être les plus conseillées et je serais étonnée si ma mère n’avait pas fait ses recherches. 

— Ne me raconte pas de salades, An’, les fêtes de Teni sont loin d’être conseillées pour ton âge.  

Elle soupire. 

— Tu as raison, mais j’ai envie de m’amuser, moi aussi ! Papa et maman ne seront pas là ce soir et je n’ai pas envie d’être toute seule. 

Je m’arrête subitement et la fixe. 

— Les parents ne sont pas là ? 

— Non, ils dorment au chalet pour le weekend. 

S’ils ne sont pas là, Zoey pourra rester plus qu’une nuit et étonnamment, ça m’arrange... Je refoule cette pensée plus qu’étonnant pour moi-même et me force à ne pas penser à Zoey que j’ai laissé dans la salle d'art, quelques heures plus tôt. Je ne peux pas m’empêcher de voir ses yeux tristes et ça m’énerve plus que de raison. 

Annie me demande de nouveau pour venir et se met à me supplier de ses yeux larmoyants. Je finis par céder et l’amène avec moi jusqu’à la Maison de l'Etudiant où se trouve mon groupe d’amis. Bien plus sociable et engageante que moi, elle trouve immédiatement sa place auprès des filles et s'engage dans leur conversation. Quant à moi, je me laisse tomber sur le large canapé en mousse et attrape la bouteille d’eau que tient Emilie, ma meilleure amie, pour en boire une longue gorgée. 

— Ou est-ce que tu étais ? me demande-t-elle. 

Je lui rends sa bouteille et me redresse pour déposer mes coudes sur mes genoux et extraire mon portable de ma veste. J’ouvre le lien du site de l’Académie d'Edimbourg dans la barre de recherche et tape les codes pour avoir accès aux résultats. 

— Au stade. 

— Tu as vraiment été voir la prostipute ? 

Sa voix grince à côté de moi, pleine de jugement et de rancœur. Zoey et Emilie se haïssent : outre les surnoms fallacieux qu’elles se donnent et la guerre qui les oppose depuis plus de deux ans, et ce au grand public – c’est-à-dire à travers le journal du lycée, par des vidéos compromettantes, des disputes ou des bagarres publiques, elles ne supportent pas de rester dans la même pièce. De ce fait, que je puisse ne serait-ce que la regarder énerve particulièrement ma meilleure amie. 

— Que veux-tu que je te dise, soupiré-je, ça s’est fait comme ça. 

— Tu parles, marmonne-t-elle, on la voit se débaucher sur tous les Instagram de l’école mais ça ne te dérange pas plus que ça d’aller tenter ta chance avec une putain de bas étage.  

— Il me semble que tu ne la connais pas assez et je pense que tu es plutôt mal placée pour parler d’elle de cette manière, lance une voix. 

Étonnée, je relève les yeux sur Tom Albertan, un ancien dernière année qui est venu aider pour les résultats de cette année. En plus d’être un étudiant en droit respecté et célèbre pour ses grands projets de l’Université d'Edimbourg, tout le monde l’adore et l’apprécie - moi la première. Tous les mercredis, il venait aider les équipes de basket à s'entraîner pour nous motiver. Il a toujours été conciliant et à l’écoute, contrairement à notre entraîneur qui n’est qu’un vieil homme aigri. 

— Tu l’as connu personnellement ? lui demande Emilie d’une voix dédaigneuse. 

Tom ne bronche pas au ton de sa voix. Il se laisse tomber sur la chaise en face de nous en souriant.

— Bien sûr, j’ai été son nounou pendant longtemps. Elle venait chez mes parents tous les weekends pour sa dyslexie.  

— Elle est dyslexique en plus, ricane Emilie. 

— Hé, l’interromps froidement Tom, tu ne sais pas ce que c’est que de subir ce qu’elle vit, alors ferme-là. 

Un grand froid nous accable, porté par le regard noir de l’étudiant. Emilie pousse un long soupir avant de lever les bras d’une manière si grandiloquente que c'en est déconcertant. Moi, je l’interroge du regard pour en savoir plus. Seulement, il se contente de hausser les épaules. Pour attirer l’attention sur elle, Emilie crache de nouveau son venin :

— Et que vit cette fichue Zoey pour que tout le monde soit à ses petits soins comme ça ? 

Tom lui lance un regard énigmatique avant de se redresser dans un soupir. 

— Te connaissant, tu risquerais de t’en servir contre elle. Elle a d’autres chats à fouetter que de s’occuper de toi.  

Puis il se retourne et rejoint les garçons installés au bar, avec qui ma petite sœur discute, le visage sérieux. Je passe une main sur mon visage et repousse les mèches rebelles qui se sont échappées de mon chignon.  

— Les filles, les résultats sont en ligne ! 

Comme Emilie et les autres, je me précipite de nouveau sur le site pour me connecter. Annie me rejoint en enjambant le dossier du canapé. Elle s’agenouille à côté de moi, les doigts pressés sur mon bras, aussi impatiente que je le suis. Je déglutis et tape mon nom dans la barre de recherche. Soudain, ma fiche apparaît : une ligne, avec le nom de mon lycée, puis de nouveau mon identité, et enfin... 

— Mention très bien ! s'exclame Annie, oui !

J’étire un large sourire, à la fois soulagée et épuisée. Mon corps se relâche contre l’appuie-tête dans un effort détendu. 

— Tout le monde l’a eu ? demande Emilie. 

Nous répondons tous positivement, le cœur léger. Emilie décide que c’est le moment pour tous de repartir et fêter ça. Dans un mouvement commun, on débarrasse le plancher et sortons dehors où sont rassemblés toutes les classes. Des cris de bonheur résonnent, au contraire de sanglots qui brisent la légèreté de certains groupes. Avec Emilie et les garçons, on s’éloigne du vieux bâtiment pour rejoindre le parking où est garée la voiture d’Endricks, le copain d’Emilie. Là-bas, elle percute volontairement Teni qui se retourne, un grand sourire aux lèvres. Quand il s’écarte, Zoey apparaît derrière lui, avec Alicia et Erick. Son regard croise le mien puis celui de la blonde. Cette dernière se met à piailler en venant se coller à moi : 

— Alors prostipute, tu vas aux rattrapages ? 

Elle étire un large sourire suffisant, celui que je déteste plus que tout. J’ouvre la bouche pour empêcher que la situation ne s’envenime. Seulement, Teni prend le pas. 

— Commencez pas, soupire Teni, c’est la fête aujourd’hui ! 

Zoey s’approche et glisse ses poches dans son sweat avant d’étirer un large sourire. En l’observant, je me rends compte que son teint est plus lumineux, que ses yeux brillent et que ses mains ne tremblent plus autant que tout à l’heure. Étonnée, je fronce les sourcils et l’observe s’approcher de nous, plus fière que jamais : 

— Tu as eu une mention, blondie ? 

Emilie étire un sourire, elle aussi fière. 

— Assez bien. Tu peux faire mieux ? 

Derrière Zoey, Alicia éclate de rire, provoquant un petit sourire chez leur groupe d’amis. Elle s’approche et dépose son bras sur l’épaule de Zoey qui est plus petite qu’elle. 

— Désolé, jolie blonde, mais Zoey Daniss s’en sort avec 19,56 de moyenne générale aux examens. Un pour Daniss, et... 

— Zéro pour Emilie ! hurle ses amis, déchaînés. 

Emilie se met à insulter Alicia en s’approchant d’elle, l’air menaçant. Elle sort de ses gonds, les poings fermement pressés en direction de Zoey. Par miracle, je la rattrape de justesse par la taille et lui ordonne de se calmer immédiatement. Je lance un regard à Zoey mais elle s’est déjà retournée, enlacée par son amie rousse. Ma mâchoire se contracte nerveusement lorsque je m’aperçois du spectacle qui se joue devant moi. Alicia l’embrasse et lui mange la bouche comme une affamée.  

Et je ne comprends pas pourquoi ça m’énerve. 

Il est vingt-trois heures passées lorsque je dépose Annie chez sa meilleure amie. A vouloir faire la grande et nous accompagner à une fête complètement désorganisée, elle s’est retrouvée oppressé par l’envers du décor en me suppliant d’appeler la mère de sa meilleure amie pour l’y déposer après la fête. Elle a essayé de s’engager, de s’accommoder, mais au bout de deux heures, elle n’en pouvait plus. De ce fait, j’ai dû me forcer à m’arrêter à la deuxième bière.  

— Encore félicitations pour ton bac, me souffle Annie, maman sera super fière. 

Je lui souris et dépose un baiser sur son front avant de la laisser quitter la voiture. Je l’observe se dandiner jusqu’à la porte d’entrée ou l’attend une grande blonde. Elle me salue vaguement puis elles entrent. J’allume le moteur de la voiture de Teni que j’ai emprunté pour la soirée, et me rends chez moi. La route est sombre mais le bruit du vent me fait du bien. La brise qui s’échappe de la vitre à moitié ouverte dégage mes mèches brunes. 

Lorsque j’arrive devant chez moi, j’aperçois une silhouette fine et élancée allongée sur mon perron. Je me gare à la place de ma mère, devant le garage fermé avant de sortir en claquant la portière. Lorsque je grimpe les marches plates, mon invitée se redresse sur ses deux mains et se met à me fixer d’une manière énigmatique. 

— Je commençais à croire que tu m’avais posé un lapin. 

J’étire un petit sourire en passant à côté d’elle et ouvre la porte d’entrée. Le bruit du parquet derrière moi se met à grincer, puis le parfum fruité de Zoey vient me titiller l’odorat. Je la fais entrer tandis que nos regards s’accrochent brutalement sans pouvoir se détacher. Elle se positionne face à moi et recule, un pas après l’autre, jusqu’à ignorer le chat de ma mère qui vient se frotter à sa cheville. Désarçonnée mais baignée par ce sentiment soudain et intense qui palpite dans mon ventre, je me rapproche lentement d’elle jusqu’à frôler son nez. 

L’image d’elle et Alicia qui s’embrassent est ce qui m’empêche de faire le premier pas. Je n’ai pas l’habitude de promettre quoique ce soit sexuellement pour avoir quelque chose en retour. La voir en embrasser une autre me refroidit plus que je ne l’imaginais. Mais Zoey devine ce qui me traverse l’esprit puisqu’elle étire un petit sourire pour me sussurer : 

— Alicia est polygame, elle ne fait pas de différence entre ses amis et son, enfin ses copains. Ça ne devrait pas t’étonner, Emilie a dû te prévenir. Je ne suis pas une fille sage. 

Elle se rapproche un peu plus. J’ai alors tout le loisir de plonger mon regard dans ses pupilles incroyablement sombres et mystérieuses. Totalement noires, de jais, parsemées d’éclats céruléens. La lumière de la lune, la seule qui nous éclaire, vient plonger une lumière luminescente dans son œil, la rendant plus précieuse encore. 

— Tu as une très mauvaise image de toi-même. 

Elle hoche la tête de haut en bas avec un petit sourire. Elle lance un regard à mes lèvres avant de remonter jusqu’à mes yeux. Son geste me fait sourire et je retrouve mon assurance que j’avais mise de côté en l’attente de ses explications. La pression est telle que je n’aurais pas été capable de l’ignorer, de toute façon. Elle me regarde comme si elle attendait que je la comble et c’est suffisant à mes yeux. 

Je glisse mon nez contre le sien, avant de frôler sa bouche avec la mienne. Un frisson parcourt son épiderme, et le mien entre en fusion avec une chaleur intarissable. Elle entrouvre les lèvres, comme prise d’un automatisme et plisse les paupières lorsque ma main trouve son chemin sous son sweat. 

— Pourquoi ? Soupire-t-elle contre mes lèvres. 

Je glisse mon front contre le sien et pince les lèvres, dépitée par ce qui se passe : depuis quand je fais preuve d’autant de douceur ? Je ne suis pas connue pour être spécialement délicate. Mais en cet instant, Zoey me paraît si fragile que j’ai peur de la briser. Cependant, sa question m’étonne davantage. Quelle explication attend-elle, au juste ? Si elle veut entendre de ma bouche que je suis amoureuse, que je l’aime, elle risquerait de tomber bien bas. 

— Ne dit rien, dit-elle finalement lorsque j’ouvre la bouche. 

Je m’exécute avant de déposer mes lèvres contre les siennes. Ses mains glissent jusqu’aux bords de ma veste et s’y agrippe en se collant à moi. Elle répond à mon baiser avec ferveur et, portée par l’appétit qui me grignote doucement, je la pousse contre la table. Ses mains la retiennent au bord avant que je ne glisse les miennes sous ses fesses pour la hisser par-dessus. Notre baiser prend plus d’ampleur, essoufflé mais demandeur, alors que je lui retire son sweat. Une peau laiteuse s’offre à moi, un corps fébrile et luisant. La respiration rapide, elle relâche son visage sur le côté quand je plonge ma bouche dans sa nuque. D’un geste preste, je glisse mes deux mains contre le tissu de son jean et le lui retire avec précipitation. Elle retire ma veste et ma chemise, retrouve ma bouche avec impétuosité. La température dans la pièce me semble démesurée tant j’ai chaud. Je me brûlerais presque à force de la toucher. Son état n’est pas mieux : ses soupirs prennent plus d’ampleur à mesure que je découvre son corps et ses yeux luisent d’une intensité dont je ne me lasse pas. 

— Ah... 

Son gémissement traverse mon corps comme une vague turbulente. Je me hausse légèrement sur la table pour l’allonger d’une main sur son ventre et venir y déposer des baisers brûlants. 

— Nat... 

Je dépose un baiser pressant sur son bas-ventre alors que je dois me retenir de me précipiter, d’autant plus qu’elle murmure mon nom avec tellement d’envie que tout son être résonne contre le mien. Son corps à un sursaut lorsque je viens titiller son sein à travers sa bralette. Son téton se durcit à travers le tissu transparent et laisse apparaître une légère forme ovale et rosée. Elle glisse une main dans mes cheveux et retire mon élastique lorsque je retrouve ses lèvres, envieuse. 

Bon sang, si elle savait à quel point elle est belle !

Mes boucles viennent nous recouvrir et frôler sa peau laiteuse. Ses pupilles appellent les miennes un instant tandis que je défais son sous-vêtement pour l’en débarrasser. Elle déglutit, désarmée sous moi, et répond fiévreusement à mon baiser. Instantanément, la douceur revient, sans que je ne le voie. Ma main prend son temps pour jouer avec son sein. Mon pouce joue avec sa perle érubescente tandis qu’elle se met de nouveau à doucement gémir. 

— Tu es trop habile pour une hétéro, murmure-t-elle difficilement. 

Le visage crispé par la douleur, sa poitrine a un sursaut en sentant mon genou se loger entre ses deux cuisses, pressant lentement sa vulve protégée. Un petit rire m’échappe. Je lui réponds, la bouche près de son oreille : 

— C’est peut-être parce que je ne suis pas hétéro.  

Elle ouvre les yeux, dépitée, et ma main s’engouffre sous le dernier tissu qui la protège. Sa bouche s’ouvre dans un sursaut puis son corps se contracte contre la table. Un gémissement lui échappe lorsque je glisse un doigt contre son pubis. 

— Hum... 

Elle serre les lèvres, comme si elle cherchait à se taire, mais je viens l’embrasser pour l’en empêcher. Mon autre main vient me soutenir tandis que je glisse mon doigt en elle dans une lenteur inéluctable. Ses lèvres s’ouvrent et m'offrent le son mielleux de sa satiété. 

Oh oui, Zo, dis-moi à quel point tu aimes ce que je te fais.

J’ajoute un doigt en me collant à elle. Ses bras s’enroulent autour de mon cou alors que son clitoris moite se bride contre mes doigts. Je viens la pénétrer frénétiquement et obéis aux complaintes qu’elle me souffle à l’oreille de sa voix suave. 

— Nat... Nat... 

Sa bouche retrouve fiévreusement la mienne au même instant que son corps se contracte contre moi, les cuisses tremblantes. Je la pénètre de nouveau avant qu’elle ne jouisse dans une lente complainte, sonore et chantante, les cuisses humides et suintantes. Elle se laisse tomber contre la table et lâche un hoquet satisfait. Je me redresse et écarte doucement les mèches qui lui collent le front. Brutalement, en l’observant, je m’aperçois de ses cernes bleutés étrangement marqués, du sourire épuisé qui marque les traits féminins de son visage et surtout, la fièvre accablante qui lui brûle le font. 

— Tu as pris un truc avant de venir ? 

Elle secoue le visage en frissonnant. Rapidement, son corps se refroidit et des frissonnements l'accaparent. Elle ne semble pas inquiète alors que son corps exprime à la fois la fatigue et la douleur. 

— Merci. 

Je la redresse, un bras autour de sa taille et la questionne du regard. 

— C’est une habitude chez toi de remercier les filles qui te font jouir ? 

Elle rit doucement, les yeux fermés, avant de me coller. Elle glisse son visage dans ma nuque comme un chaton solitaire et glisse ses bras autour de ma taille lentement. Surprise, je reste figée un instant... Je pensais qu’elle aurait préféré partir de suite après, ou qu’elle serait plus distante. Mais Zoey me révèle une facette que je ne connaissais pas et qui n’a rien de doux, contrairement à ce que je me suis imaginé. La façon dont elle me tient hurle toute la douleur qu’elle ressent, comme une petite fille qui cherche du réconfort. Comme un château de carte, pourtant resté longtemps solide, qui s’échoue avec violence dans un silence inquiétant. Je referme mes bras autour d’elle et dépose un baiser sur sa tempe. 

— Je te remercie parce que tu es la seule à m’avoir fait jouir, révèle-t-elle finalement. Et je fais de l’hypoglycémie, ajoute-t-elle dans un petit rire.  

Paniquée, je prends son visage dans mes mains que je scrute attentivement. 

— Tu n’as rien avalé, aujourd’hui ? 

Elle hausse les épaules, le visage pâle et moite. 

— J’ai vomis le peu que j’avais avalé il y a des heures. Je ne peux rien manger depuis deux jours... 

Elle baisse les yeux, à la fois attristée et désolée. Les épaules alourdit, son découragement m’apparaît clairement. Mon cœur se compresse dans ma poitrine en la voyant dans une telle situation. Que peut-il bien lui arriver pour qu’elle soit aussi mal ?  

Je passe ma langue sur ma lèvre inférieure et lui vole un long baiser. Elle y répond avec tendresse, les yeux clos. Son visage se loge contre ma main qui vient encadrer sa mâchoire et ma langue trace son chemin jusqu’à la sienne dans un ballet langoureux. Je m’écarte, puis elle quémande de nouveau un baiser que je lui donne. Elle s’écarte après quelques minutes et s’humecte les lèvres, en laissant tomber son visage sur mon épaule. 

— Je suis fatiguée. 

Sans attendre, la suite de la soirée se déroule dans un calme absolu, dans une indifférence du monde extérieur dont je ne me croyais pas capable. L’ambiance, malgré qu’elle soit douce, est aussi angoissante et pesante. Tout le malheur de Zoey repose sur ses deux frêles épaules et j’ai l’impression de les ressentir aussi fort que la brûlure d’une plaque de cuisson. Je lui donne à manger, du sucre et de l’eau pétillante. Elle n’avale presque rien ou le vomi dans la nuit, comme si elle était angoissée par quelque chose de plus grand. Je le vois sur son visage meurtri par la souffrance. Seulement, je ne dis rien, je n’ose pas interpréter, ni la questionner, par peur de ce qu’elle pourrait m’avouer. Nous dormons ensemble, nues, et je n’ai jamais passé une nuit aussi longue et... étrangement reposante. Le lendemain matin, elle avale enfin quelque chose. Et quand je lui propose de rester chez moi tout le weekend, elle devient plus souriante, moins angoissée. 

Moins terrifiée... 

Teni est venue la chercher le lendemain. Elle n’était plus aussi souriante que la veille. Seulement, j’avais peur qu’elle se fasse des idées sur elle et moi, j’avais peur qu’elle s’imagine qu’on était ensemble alors que je ne la connaissais pas encore. J’avais besoin de l’appréhender, de lui parler, de la connaître. 

Seulement, elle ne m’en a pas laissé le temps. Parce que trois jours plus tard, elle avait disparu de la circulation. Teni m'a offert un sourire contrit, car il savait ce qu’il se passait. Des bruits couraient mais je ne voulais pas écouter de nouvelles rumeurs absurdes. Personne ne savait où elle était et ses parents avaient disparu, selon Teni. Alors j’ai avancé mon voyage pour mon camp d’été à New-York et je suis partie, moi aussi.

Je ne l’ai plus jamais revue.

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