Matt ferma les yeux et souffla. Il aimait sentir la brise sur son visage. Il sourit béatement et apprécia sa solitude.

 Il s’était assis sur le toit d’un vieil immeuble.

 Cette ville était plutôt jolie. Après la Première Guerre des Rations, l’architecture de la reconstruction avait changée, ce qui était dommage. Un style respectant mieux l’origine Aztèque de la région était en place depuis plusieurs siècles et de magnifiques gravures en pierre ornaient alors les corniches, les fenêtres et les portes des bâtiments. Tout ceci avait été remplacé par ce béton gris à l’esthétique austère, plus solide que la pierre. Ce village, Yarioh était très beau. De longs serpents, ou dragons, en pierre courraient le long des toits pour aller se mordre la queue. Des milliers d’étoiles et de soleils ornaient les façades des bâtiments. Dans certaines villes, Matt les avait vu colorés. Il trouvait ça joli.

 Il écrasa sa cigarette et se leva. Le soleil se couchait ; son travail commençait.

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 Son dos heurta durement le mur. Il avait fallu qu’il soit rapide et il en avait oublié d’estimer la distance entre lui et le mur. Il voulut pousser un gémissement de douleur mais il y avait du monde dans son périmètre.

 Se faire mal, il s’en fichait. Il était habitué à se cacher, à être discret. Ses confrères étaient tout le contraire de lui. Ils aimaient se faire remarquer, jouer les cadors. Selon lui, se faufiler était plus palpitant. Il y avait toujours cette peur d’être repéré, de se faire prendre à la moindre erreur. C’était ça le plus exaltant.

 Des pas précipités résonnèrent juste derrière lui. Personne ne l’avait pas repéré. Il avait l’impression de jouer au jeu du chat et de la souris. Sauf que les chats n’avaient pas conscience de chasser la souris, et penseraient à le faire alors qu’il serait déjà loin.

 Il passa la main dans ses mèches blondes désordonnées pour les rabattre en arrière.

 Le moment propice arrivait, il aurait bientôt une fenêtre d’action. Il avait récupéré ce dont il avait besoin. Maintenant, il allait repartir sans être vu.

 La nuit avait couvert le monde de ses ombres. Elle serait sa meilleure alliée.

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 Rentrer en étant certain de n’avoir personne à ses trousses, c’était ça, sa partie préférée du travail. Il ferma un instant les yeux et laissa le vent frais nocturne caresser son visage.

 Le Désert recouvrait désormais cette partie du monde. L’Éruption Solaire avait modifié le paysage naturel, les guerres s’étaient occupées du reste. Seuls demeuraient des bâtiments en ruine dans lesquels quelques groupes de personnes essayaient de vivre.

 Il réajusta la lanière de son sac à dos et continua sa route. Il fallait qu’il traverse le quartier de La Pluma et encore un autre et il serait arrivé. Plus ça allait, plus il fallait se déplacer loin. Mais la récompense en valait le trajet.

 Il entra dans La Pluma. Ses pas résonnaient sur l’asphalte, là où le sable ne l’avait pas encore recouvert. Il traversa la grande rue.

 Soudain il s’arrêta.

 Observé.

 Il était observé.

 Il bifurqua dans l’une des rues, se plaqua dos contre le mur et attendit. Il ferma les yeux pour décupler son ouïe.

 Il était habitué aux traques. Cependant, jamais personne ne l’avait attrapé. Et ce n’était certainement pas aujourd’hui que ça arriverait.

 Mais c’était normal. Après tout, il portait fièrement sa cape en tant qu’étendard.

 Un étendard sombre.

 Celui des Mages Noirs.

 Un projectile siffla dans l’air.

 Il se décala juste à temps d’un pas sur le côté pour éviter l’attaque. Une marque noire de suie se trouvait là où il s’était tenu quelques instants plus tôt.

 Matt tourna vivement la tête et ne put qu’apercevoir une silhouette sombre, au sommet du bâtiment en bas duquel il se trouvait. Elle disparut rapidement de son champ de vision, dans un mouvement de cape. Il s’était placé contre le vent pour se faire le plus discret possible.

 Matt sourit.

 La soirée commençait bien.

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 Après avoir arpenté les rues désertes en courant, il déboucha sur une petite place au centre de laquelle se dressait une vieille fontaine asséchée. Matt aimait bien le retour des pavés dans certaines villes, mais il ne les trouvait pas pratiques. Ils étaient glissants et l’on pouvait se prendre les pieds dedans. Mais il décida de s’en contenter pour son affrontement. Après tout, si lui était gêné son adversaire le serait aussi.

 Matt se retourna, un sourire victorieux sur le visage. Son opposant n’aurait pas d’autre choix que de se montrer. Il voulait récupérer les batteries ? Alors qu’il vienne les chercher !

 Une silhouette s’avança, aussi silencieuse que le vent. La forme de son corps laissait supposer qu’il était un combattant redoutable. Une longue cape bleu nuit couvraient ses épaules et sa tête. Matt n’avait jamais vu son visage. Un masque de corbeau le dissimulait. Le jour où Matt le coincerait, la première chose qu’il ferait serait de lui arracher ce fichu masque.

 – Qu’est-ce que tu m’as préparé cette fois, mon cher Alchimiste ? Un stylo qui lance un filet ?

 L’Alchimiste ne répondait jamais à ses brimades, c’en était décevant.

 Après s’être approché lentement, l’homme masqué lui fonça dessus et Matt se mit en position de défense. Ils échangèrent quelques coups et Matt recula. Pendant ce temps, l’Alchimiste sortit une arme que Matt n’aurait su décrire. Il s’agissait d’un mélange entre plusieurs morceaux de métal, de fils électrique et l’embout ressemblait à une fourchette !

 Si ça avait été la première fois qu’il le rencontrait, Matt lui aurait ri au nez. Mais il savait bien que son opposant ne misait pas sur les apparences. Même ridicule, il fallait considérer cette arme dangereuse.

 Il appuya sur une sorte de gâchette et un éclair jaillit comme un lasso du bout de la fourchette et s’étendit sur plusieurs mètres.

 Généralement, les armes de l’Alchimiste n’étaient pas mortelles, mais elles pouvaient blesser douloureusement. Comparé à son taser minable, son pistolet-fourchette devait envoyer le double voire le triple de Watts !

 L’Alchimiste n’avait qu’à bouger son jouet pour faire reculer Matt. Comment arriverait-il à se débarrasser de ça ?

 Le filet électrique s’arrêta. Ah, il avait donc une durée limitée… elle était là, sa fenêtre d’action ! Il se précipita sur son rival avec la ferme intention de le faire se plier en deux. Celui-ci esquiva son poing et contre-attaqua du pied dans une position impossible. Matt se jeta de nouveau sur lui, mais le lasso revint. Il lui toucha le bras et Matt sentit tout son corps se raidir, engourdi par le choc électrique. Il tomba à terre.

 Sans se presser, les pas de l’Alchimiste vinrent dans sa direction. Il s’accroupit au-dessus de lui et lui tâta les poches. Face contre terre, Matt ne pouvait pas faire grand-chose à part le maudire.

 Il le vit repartir avec les batteries volées et un goût amer envahit sa bouche.

 Un jour… un jour, il lui ferait mordre la poussière.