5. Prune
Ils arrivèrent au camp vers le milieu de l’après-midi. Il ne s’agissait pas de celui du feu de détresse, il leur faudrait encore quelques jours de marches pour y arriver.
Trouver l’entrée ne fut pas une mince affaire mais Auguste y était habitué. Mieux valait, pour les camps, se cacher des Mages Noirs et des Déserteurs. Le vieil homme frappa une des mélodies caractéristiques des sorcières avec ses mains, ses pieds et son arme.
Après quelques secondes, la porte s’ouvrit dans un grincement. Une tête féminine apparut de l’autre côté. Après les avoir rapidement regardés, elle les invita à entrer. La curiosité de Prune l’emporta :
─ Comment vous savez qu’on n’est pas des Mages Noirs ?
─ Nous avons la description de plusieurs sorcières. Je peux te garantir qu’un duo comme le vôtre, il n’y en a qu’un, lui répondit-elle en lui faisant un clin d’œil.
Elle les mena à travers quelques couloirs et les invita à se mettre à leur aise.
Elle leur fit un rapide tour du logis et Auguste demanda s’il y avait des réparations à effectuer. La dernière sorcière étant passée récemment, Auguste et elle allaient pouvoir profiter du reste de la journée.
Les heures filèrent rapidement et la tête pleine de son nouvel apprentissage sur le désamorçage de bombes, Prune s’endormit rapidement.
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Un énorme boum suivit d’un tremblement la réveillèrent en sursauts. Elle se tourna vers Auguste qui avait aussitôt allumé sa lampe à huile. Il mit un doigt sur ses lèvres pour lui dire de ne pas faire de bruit.
Un nouveau boum se fit entendre, plus loin, cette fois-ci. En tendant bien l’oreille, il y avait des bruits de lutte. Mais pas dans le camp, à l’extérieur.
Après avoir ordonné à Prune de rester cachée dans le camp, le vieil homme prit son manteau, son aspirateur modifié et sortit de la chambre. Curieuse, Prune s’aventure tout de même dans le couloir.
Nouveau boum.
Auguste sortit dans la ville en ruine éclairée par la lune et Prune se désola de ne pas pouvoir suivre le combat de ses propres yeux.
Auguste rentra une dizaine de minutes plus tard et Prune fut rassurée de le voir revenir. Avant que les responsables du camp ne lui posent des questions, il expliqua :
─ Des Mages Noirs, seulement deux. Et un autre type masqué avec un appareil bizarre. J’sais pas c’que c’était, mais en tout cas, ce type était de notre côté. Il m’a aidé à repousser les Mages Noirs. Il est parti avant que je puisse le remercier…
─ Attendez, vous ne savez pas qui c’est ? fit la dame qui les avait accueillis.
Auguste leva un sourcil agacé.
─ On devrait ?
─ Un peu oui ! C’est un de vos collègues sorcière : l’Alchimiste.
─ Pourquoi on n’en a jamais entendu parler ?
─ Il est discret. Pour tout vous dire, on a découvert son existence il y a quelques jours lorsque votre collègue est passée. On pensait que vous le connaissiez aussi.
Prune et Auguste se regardèrent et haussèrent des épaules.
─ Un allié en plus, c’est toujours pratique, fit Auguste pas vraiment plus intéressé que ça par la nouvelle.
─ C’est un véritable justicier ! Il empêche le vol des équipements et rapporte les pièces volées. Mais il s’agit d’un nocturne, alors difficile de le croiser…
─ Il me semble qui lui manque la mission principale de toute sorcière : remettre en activités les équipements et installation des différents camps.
Auguste, agacé, se retourna pour de bon.
─ Encore un qui pense être meilleur que les autres. Il ne fera pas long feu.
Une fois dans leur chambre, Prune lui dit :
─ C’est quand même bizarre qu’on n’en ait pas entendu parler… Il est original pourtant.
─ C’est sûrement parce qu’il a pris une route différente de la nôtre. Peut-être était-ce la première et l’unique fois qu’on aura affaire à ce rigolo. Allez, recouchons-nous, on a de la marche qui nous attend demain.
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Le lendemain, ils croisèrent un groupe de Nomis. Le premier depuis dix jours.
─ Restez où vous êtes ! avertit un jeune homme en pointant son arme sur eux.
Ils s’étaient croisés à un carrefour entre deux grandes avenues et les deux groupes s’étaient mis sur la défensive. Auguste avait aussitôt dégainé son aspirateur.
Après s’être toisés un moment, une fille du groupe la remarqua et calma le garçon qui baissa son arme. Ils se rapprochèrent pour se saluer. Il y avait deux filles et deux garçons, des jeunes adultes. Les deux qui s’étaient avancés se ressemblaient beaucoup : de longs cheveux ébènes et une peau mate sur laquelle brillaient des yeux bleus comme des pierres rares. Ils avaient l’apparence des premiers habitants de ces terres, ceux qu’on vénérait et ornait des plus belles dorures. L’autre garçon était si grand que Prune dû se tordre le cou pour le regarder. Cependant, il avait un air doux malgré sa corpulence imposante. La deuxième fille se trouvait plus en retrait. Ses traits étaient tirés. Elle avait l’air fatiguée.
─ Sorcières ? osa Auguste en rangeant son arme.
─ Juste des Nomis. Nous parcourons le monde, expliqua sommairement Carmen.
La fille aux traits tirés eut une quinte de toux. Pendant que le garçon aux yeux bleus arrachait la gourde de son sac, Prune aperçut de petites goûtes de sang tomber au sol.
─ Tu es malade ?
Prune s’approcha. Le garçon se raidit mais la fille lui posa la main sur le bras après avoir bu quelques gorgées d’eau.
─ On va dire que j’ai connu de meilleurs jours.
Elle s’arrêta et ferma les yeux, la main sur sa poitrine. Elle avait mal. Prune sortit une plaquette de médicaments de sa poche.
─ Tiens, c’est des pastilles à base d’herbes. Ça aide pour les douleurs.
D’abord surprise, la fille accepta son cadeau. Elle la remercia, émue. D’abord sur ses gardes, le garçon se dérida un peu.
─ Le Souffle de Pierre…, murmura Auguste. Depuis combien de temps ?
─ Tu veux pas ses analyses de sang, pendant que t’y es ? s’énerva le garçon aux yeux bleus.
─ C’est bon, il n’y est pour rien, dit la fille qui lui ressemblait. Cela va faire un an.
─ Un-… un an ?
Elle acquiesça gravement, et préféra changer de sujet.
─ Vous avez appris pour les épreuves à Usajiz ?
─ Ce ne sont que des pièges à cons, ces épreuves, cracha Auguste.
─ Peut-être que les cons ont besoin de thune, vieillard.
─ Paco !
Auguste secoua la tête de dépit.
─ Vous faites comme vous voulez. Je ne peux que vous souhaiter bonne chance… Allez, viens, p’tite. On s’arrache.
Ils repartirent un peu précipitamment. Prune se retourna une dernière fois vers le groupe. La fille malade lui avait fait de la peine. Un peu plus loin, elle demanda :
─ C’est quoi « le Souffle de Pierre » ?
─ Une putain de maladie qui paralyse progressivement tous tes muscles. Tu meures étouffé parce que tes poumons sont devenus aussi durs que de la pierre.
Auguste ne mâchait jamais ses mots.
─ Nous aussi on va l’attraper ?
─ Non. On le saurait déjà. Il marqua un arrêt et reprit : Non, moi ce qui me questionne, c’est cette fille malade...
Prune ne comprenait pas.
─ Quand tu chopes ce virus, tu n’as plus que quelques semaines à vivre. Comment a-t-elle fait pour tenir une année entière ?

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