7. Paco (épreuve 1)
Juste après l’annonce du départ de la course, Paco s’étira sur la ligne de départ. Si tout le reste de la première épreuve ressemblait au premier obstacle, alors ce serait une petite balade de santé. Il avait la forme idéale pour participer à ce genre de tournois.
Quand ils étaient arrivés dans la ville, Carmen n’était toujours pas emballée par les épreuves. Sans être vus, ils étaient partis explorer les structures qui accueilleraient les participants. Finalement, ça n’avait pas l’air dangereux, et l’absence d’agents d’Heaven acheva de convaincre sa cousine.
Juste avant l’épreuve, il avait une fois de plus rassuré Carmen en l’enlaçant fort contre lui. Al lui avait donné une accolade encourageante et Yaretzi lui avait soufflé : « Tu vas tout déchirer ». Elle avait un peu toussoté avant de l’embrasser. Paco était parti confiant et il avait bien fait de l’être. Ces épreuves avaient été conçues pour faire la différence entre ceux capables de survivre dans le Désert et les autres.
Paco avait réussi à se faufiler jusqu’à la ligne de départ. Ce premier obstacle avait été son échauffement, le deuxième allait être beaucoup plus intéressant. Il s’était réjoui en entendant qu’il s’agissait d’une course. Il n’avait peut-être pas fait un temps excellent sur le premier obstacle, mais il était sûr de rafler la première place à celui-ci.
La voix reprit :
─ Participants, tenez-vous prêts ! L’épreuve commence dans 3… 2… 1…
Un coup de feu retentit et Paco partit aussitôt. Beaucoup des autres joueurs couraient sur la même ligne que lui. Cela ne l’inquiéta pas. Dans une dizaine de mètres, ils seraient tous loin derrière, à cracher leurs poumons.
Devant lui, Paco ne voyait qu’un immense filet aux grandes mailles tendu à la verticale entre deux poteaux. D’autres installations de ce genre se trouvaient sûrement après, pour ralentir leur course. Ça lui allait, ça ne ferait que rendre sa victoire plus savoureuse. Sans quitter le filet des yeux, il élabora sa stratégie. Oui, ça allait passer. Profitant des mailles tendues par les autres participants, il sauta à travers l’une d’elles, les bras tendus devant lui, comme s’il plongeait dans l’eau.
Il passa tout juste et se réceptionna en roulant. Un saut final le remit dans la course, son élan conservé, désormais en première position.
Une nouvelle difficulté se profila devant lui. Des crevasses qui ressemblaient plutôt à des larges tranchés s’enfonçaient parallèlement dans le sol. Une petite bande de terre se déroulait timidement entre chacune d’elle. Sans ralentir, Paco les traversa avec précision. Il devait certes faire de grandes foulées, mais sa vitesse lui permit une poussée suffisante pour traverser l’installation sans encombre. Et hop ! Il reprit sa course.
Un regard par-dessus son épaule lui permit d’évaluer l’avancée du groupe. Certains le talonnaient presque et une masse informe du reste des participants constituait le fond du paysage. Ces épreuves n’étaient décidemment pas faites pour tout le monde.
La nouvelle installation arriva rapidement. Celle-ci semblait plus pénible… Juste au-dessus du sol, et ce à différentes hauteurs ne dépassant pas ses genoux, étaient tendus des fils ou câbles souples. Ils se croisaient et se décroisaient un peu chaotiquement. Mais le plus préoccupant était qu’ils avaient été tendus sur une plutôt longue distance comparée aux installations qu’il venait de franchir.
Dix… non… plutôt douze mètres. Il pouvait le faire !
Il bondit en l’air juste devant le premier fil. Son corps bascula vers l’avant et il se réceptionna sur un pied, pile entre deux câbles et poussa pour conserver son élan. Après une pirouette dans les airs, il atterrit de nouveau entre les câbles et, dans un ultime salto, il fut de l’autre côté, de nouveau sur la piste de course. Sa tête tournait un peu alors il ralentit, mais ne s’arrêta pas pour autant. Quelques secondes plus tard, il put reprendre sa course d’un pas rapide.
Paco fut surpris de constater l’arrivée apparaître devant lui. La voie lui semblait dégagée. Il déchanta lorsqu’il vit le sol briller alors qu’il se rapprochait. De l’eau ? Pourquoi avoir simplement mis de l’eau sur le sol ? Ce n’est pas ça qui les ferait glisser-
Oh.
Il n’avait fini de réaliser le comment de la dernière installation que des pas rapides arrivèrent derrière lui. S’était-il relâché ? Non, pas le moins du monde ! Le type devait être un extra-terrestre pour aller aussi vite ! Mais Paco n’avait pas l’intention de céder sa première place. Il accéléra et arriva avant lui sur l’obstacle. D’un geste maîtrisé, il glissa dessus. Le type d’à côté apparut dans son champ de vision. Paco se plia en deux pour accélérer et dans un dernier effort, bondit de toutes ses forces pour atteindre l’arrivée.
Il roula sur la plateforme et s’étendit sur le dos, les bras en croix. La voix du commentateur grésilla dans ses oreilles.
─ Incroyable, cher public ! Les numéros 6 et 34 sont arrivés ensemble sur la plateforme ! Un ex-aequo inattendu ! Que de talents chez nos participants !
Il continua à baragouiner des compliments mais Paco avait décroché au mot « ex aequo ». Comment ça ??
Une silhouette se plaça devant le soleil et lui tendit la main. Mais Paco n’avait pas besoin qu’on l’aide à se remettre debout. Il balaya la main avec la sienne et se releva seul.
─ Sacrée course ! commenta le voleur de gloire.
Il toisa l’homme qui l’avait amputé de la moitié de sa victoire. Un grand type, peau noire, dreadlocks rassemblées derrière sa tête. Il avait l’air saint d’esprit malgré le fait que Paco le prenne pour un monstre. C’est vrai ça ! Comment avait-il fait pour le rattraper aussi vite ? Paco estimait qu’il avait déjoué chaque installation de la manière la plus optimale, alors comment cet énergumène avait-il pu le rattraper ? Avait-il fait exactement comme lui ?
─ Je suis Simon. T’as vraiment été incroyable sur ce parcours ! Tu t’appelles comment ?
De la fausse modestie en plus ? Ou alors il essayait de détourner l’attention de ses jambes élastiques… Paco se contenta de se tenir devant lui, les bras le long du corps et les poings serrés.
─ D’accord… Monsieur n’est pas très bavard. « Numéro 34 » sera très bien alors ! J’espère qu’on finira tous les deux cette épreuve ! Je t’invite après, tu veux bien ? Il y a un bar sympa dans la ville.
Un citadin. Il ne manquait plus que ça.
Paco fit demi-tour, indifférent. Simon s’exclama :
─ À tout à l’heure, alors !
D’autres candidats commençaient à arriver. Certains plus essoufflés que d’autres. Les conversations allèrent crescendo à mesure que la plateforme se remplissait.
Quand le quota des deux-cents candidats fut atteint, les bracelets de ceux qui étaient à l’extérieur devinrent rouge. Pour eux, l’aventure s’arrêtait ici.
─ Que d’émotions ! scanda la voix au micro. Il est temps de passer au troisième obstacle ! Vous aurez le temps de reprendre votre souffle. Dirigez-vous vers le bâtiment à votre gauche. Les épreuves suivantes s’y dérouleront. Suivez les flèches, nous nous retrouverons au quatrième étage !
Paco serra les dents. Il ne savait pas quels obstacles l’attendaient exactement, mais c’était la dernière fois qu’il se faisait avoir ainsi !
Comme un seul homme, les participants s’engouffrèrent dans le bâtiment. Paco ne laisserait plus aucun gus se moquer de lui comme ça…

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