9. Paco (épreuve 1)

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 Paco avait été intrigué par la manière dont plusieurs candidats avaient traversé la poutre. C’était intéressant. Cela voulait dire que les obstacles avaient vocation à être franchis d’une certaine manière. Il trouvait qu’il s’en sortait comme il fallait pour le moment. Aucun obstacle ne lui avait donné de fil à retordre. Paco était confiant : il arriverait sans accroc au bout de cette épreuve.


 Le mouvement de la foule l’emmena vers le nouvel obstacle.


 Il essayait de faire le vide dans sa tête. Pour le moment, les obstacles avaient été d’une simplicité presque enfantine, à condition de se servir un peu de sa tête. Mais au moment même où il avait entendu « épreuve de force », Paco avait douté.


 Ils arrivèrent dans une immense salle ronde. Ou plutôt ovale. D’un côté, d’énormes objets posés au sol. Il y en avait tant que Paco n’arriva pas à déterminer de quoi il s’agissait. Ça ressemblait à des pièces en métal marron. De l’autre, la plateforme d’arrivée. Avant que Paco n’ait pu se poser plus de questions, la voix de l’animateur expliqua :


 ─ À votre gauche se trouvent des armures de soixante kilos chacune. Vous devez les revêtir et aller de l’autre côté de la pièce. Attention, vous n’aurez que trente minutes maximums pour amener l’armure de l’autre côté. Préparez-vous ! 3… 2… 1…

 Un bip sonore vrilla les oreilles de Paco alors qu’il commençait à courir vers l’armure la plus excentrée. Normalement, vu la courbe de la pièce, le chemin serait un peu moins long.


 Il poussa l’armure pour la retourner et l’observer de plus près. Ses joues étaient gonflées par l’effort, cette armure pesait une tonne !! Elle n’était pourtant pas complète. Seuls le plastron et les bras la composaient. À l’intérieur, des sangles réglables pour lui permettre de mieux l’accrocher aux épaules. Comment allait-il mettre ce truc ? Il se glissa dedans et tenta de se relever. Comble du ridicule, il devait ressembler à une tortue sur le dos qui essayait désespérément de se retourner.


 Non, ce n’était pas la bonne solution.


 Il fit la même chose sur le ventre. Il arriva à se mettre debout. Ses jambes tremblaient sous l’effort. Son unique pas vers l’avant l’amena durement au sol. Dans sa chute, le bas du plastron vint cogner sa cuisse. Un grognement de douleur précéda sa sortie précipitée de l’armure. Non, toujours pas la bonne méthode.


 Il se massa les épaules. Les sangles lui avaient laissé de vilaines marques. S’il retentait la manœuvre, il sentait qu’il se casserait une jambe. En se remettant debout, une douleur vive le fit légèrement trébucher. Il avait sous-estimé l’impact de l’armure sur sa jambe. Merde…


 Il s’assit et observa les autres. Deux colosses étaient déjà arrivés au bout. Certains avançaient péniblement. Et d’autres, comme lui, se demandaient encore comment ils pouvaient s’y prendre.


 Paco reporta son attention sur l’armure. Les différents morceaux étaient reliés entre eux par de grosses vis.


 C’est à ce moment-là qu’il eut une idée de génie.


 Ça se tentait, mais il fallait en voir les conditions.


 Il reporta son attention sur les autres candidats. Deux allaient bientôt arriver. Avec un soupir, il se leva et boîta malgré lui jusqu’à eux. Du coin de l’œil, il vit des candidats le regarder bizarrement. Il se plaça à la limite de la plateforme et attendit qu’ils la franchissent. Le bracelet émit un bip lorsqu’il franchit la ligne. Celui de l’autre gars également, alors que le reste de son corps était de l’autre côté.


 Paco sourit. C’était donc ça…


 Il retourna le plus rapidement qu’il put jusqu’à sa propre armure. Un rapide coup d’œil au temps lui indiqua que sept minutes quarante étaient écoulées. Il avait le temps, il fallait juste être efficace. Assis en tailleur à côté de son armure, Paco sortit la petite trousse à outils qui ne quittait jamais sa ceinture. Il prit un manche multi-usage et ouvrit sa boîte d’embouts.


 Il les compara au pas de la vis. Yes ! Il avait ce qu’il fallait ! Il s’empressa de le clipser au manche et commença à retirer les vis de l’armure. L’opération lui prit beaucoup de temps. Certaines étaient difficiles à retirer. Plus le temps avançait, plus il avait l’impression de ne pas en voir le bout. Il commença à se mordiller la lèvre et sa respiration s’accéléra.


Calme-toi… calme-toi…


 Il avait été bien naïf de croire qu’il était tout spécialement taillé pour cette compétition. Et s’il ne parvenait pas de l’autre côté ? Carmen, Al et Ezi n’auraient pas l’argent et ils ne pourraient pas s’en sortir. Il était le seul qui pouvait mettre terme à leur situation précaire. Tout le monde comptait sur lui ! Il ne les décevrait pas ! C’était hors de question !


 La carcasse fut désossée en dix minutes.


 Avec des gestes tremblants, il se remit debout et enfila seulement l’avant-bras droit (où se trouvait sa montre). Il était lourd, mais en le portant, à deux bras, il arriverait à se déplacer.


 Entre-temps, beaucoup plus de candidats étaient arrivés de l’autre côté.


 Il se mit en route. S’il avait réussi à gagner du temps pendant la course, ce n’était pas pour tout perdre maintenant ! Sa démarche clopinante le traîna jusqu’à la plateforme d’arrivée. Son cœur pulsait dans ses yeux et les rendait embués, alors il battit des paupières. Hors de question de laisser ses émotions prendre le dessus.


 Le bip de sa montre lui indiqua qu’il avait réussi.


 Le bras de métal tomba dans un « bong » assourdissant. Paco ne voulait plus toucher cet objet maudit ! Certains candidats firent des remarques, mais il ne les écouta pas. Jalousie, colère ou admiration, il s’en fichait. Seul lui comptait. Après s’être installé un peu à l’écart contre un mur, il mit tout en œuvre pour calmer sa respiration. Ses oreilles sifflaient légèrement. C’était pénible. Il secoua la tête et regarda les pauvres bougres qui se traînaient vers la ligne d’arrivée.


 Un type masqué était en train de pousser l’armure, tel Sisyphe avec son rocher. Il s’arrêta juste avant la ligne, rentra dedans et poussa sur ses pieds pour lui faire franchir la ligne. Un petit bip résonna.


 Malin, celui-là.


 Tout le monde n’avait pas le matériel de Paco. Tout le monde n’avait pas non plus remarqué que la puce activant le bracelet se trouvait dans l’avant-bras de l’armure.


 Tout le monde n’était pas aussi observateur que lui.


 D’autres types prirent exemple sur l’homme masqué. La dernière vague de participants s’entre-aida. Pendant que l’un avait mis l’armure, deux autres la portaient avec lui. Puis, ils retournaient aider le deuxième quand le premier avait passé la ligne d’arrivée.


 C’était en effet une technique efficace mais qui pouvait être à double tranchant si on choisissait les mauvais partenaires…


 Le bip de fin résonna. Une vingtaine de personne était encore en chemin. Tant pis pour elle. Elles avaient vu plein de manière de faire différentes, il aurait fallu en choisir une.


 La double porte au bout de la plateforme s’ouvrit et sans la moindre intervention du commentateur (où était-il celui-là, d’ailleurs ?), ils se présentèrent au tout dernier obstacle.


▻▸◉◂◅


 Quand Paco entra à son tour, il fut pris d’un étrange sentiment. Une drôle de force vint comprimer sa poitrine. Il se la frotta distraitement du plat de la main tout en examinant l’endroit où il était arrivé. Nouvelle pièce. Une fois de plus, elle était encore plus grande que la précédente. Mais ce qui était singulier se trouvait en son centre.


 Une sorte de grand labyrinthe y avait été installé. Étant surélevé, Paco prit le maximum d’informations. Une multitude de petites alvéoles étaient recouvertes d’une sorte de plaque transparente. Pour quoi faire ?


 Il descendit lentement les escaliers en métal, les yeux rivés sur l’étrange structure. Un nouveau détail lui sauta aux yeux : les murs étaient bas, très bas. Paco ne pourrait pas se déplacer entre eux sans marcher à quatre pattes. Ses yeux se posèrent sur les hommes aux larges épaules devant lui. Quoi que soit le noyau de l’obstacle, ils ne passeraient pas.


 La voix de l’animateur réapparut. Elle avait perdu de l’assurance.


 ─ Bravo, chers candidats ! Vous êtes maintenant… heu… quatre-vingt-onze à être passés. La- Le nouvel obstacle est un labyrinthe un peu particulier. Tout autour se trouvent différentes entrées. Avant que je vous explique le but, veuillez vous placer chacun devant une des entrées.


 Paco fit le tour de la structure. Il pouvait voir les autres participants faire de même de l’autre côté, ils étaient si loin qu’ils semblaient minuscules.


 Il s’accroupit devant une trappe close.


 ─ Quand la trappe s’ouvrira, vous devrez trouver le plus rapidement la sortie. Je vous conseille de ne pas traîner car vous n’aurez que quarante minutes pour sortir. Vous êtes prêts ? 3… 2… 1…


 Le bip du début retentit et la trappe s’ouvrit.


 Paco se faufila à l’intérieur et il entendit la trappe se refermer dans un claquement sec.


 Il se retrouva dans une pièce à cinq côtés, que des miroirs. Paco regarda ses reflets tout autour de lui. Il y avait un miroir en bas et un miroir en haut également.


 Comment était-il censé trouver la sortie ? Vu la configuration du labyrinthe, elle ne se trouvait pas vers le haut. Il fallait donc trouver une trappe dans les murs ou le sol.


 Paco posa la main contre le miroir en face de lui. Rien ne se produisit.


 Il frappa légèrement et le miroir émit un son creux. Alors il tapota sur toutes les surfaces. Certaines sonnaient différemment. Il recommença en variant les endroits qu’il touchait. En appuyant sur le point qui lui semblait le plus creux, sa main s’enfonça dans le mur et le miroir devint une trappe. Il changea de salle, si on pouvait appeler un lieu si confiné une « salle », et entra dans une nouvelle qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à la précédente.


 Mais quelque chose était différent. Un son assourdissant mit ses tympans à rude épreuve.


 Paco recommença son manège, le son émettait des grésillements qui l’empêchaient de se concentrer. Il se couvrit une oreille et chercha du regard un autre indice. Des endroits discrets présentaient des déformations. Il appuya dessus.


Clic, une nouvelle trappe s’ouvrit.

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