11. Paco

7 minutes de lecture

3ème : Numéro 34.


 Il regardait encore bêtement le tableau d’affichage. Son numéro était si haut dans la liste que Paco devait plisser les yeux. Comment cela était-il possible ? Il avait pourtant optimisé son temps de façon exemplaire ! Il avait franchi chaque obstacle de la manière la plus efficiente qui soit et il n’était que troisième ?!


 Le premier était ce type insupportable qui était arrivé ex-aequo avec lui à la course. Le deuxième, le type masqué qui avait poussé l’armure. Cela voulait dire que Paco avait perdu du temps sur la dernière épreuve ? Ou la première ? Il n’arrivait pas à comprendre.


 Ce fut à son tour de se présenter au guichet. Une femme fatiguée regarda le numéro sur son dossard, chercha méticuleusement dans une petite caisse pleine de cartes et en sortit une.


 ─ Bravo, numéro 34. Voici votre récompense. Vous serez contacté ultérieurement pour le lieu et le déroulé de la deuxième épreuve.


 Après avoir fait son laïus monotone, la femme à la casquette C.O.D. lui tendit la carte. Paco reconnut le modèle. C’était ceux qui servaient à payer dans les points de ravitaillement. La guichetière ne dit pas le montant qu’elle contenait. Ce serait la surprise pour plus tard.


▻▸◉◂◅


 ─ Hé ! Numéro 34 !


 Paco soupira intérieurement. La seule chose qu’il voulait, c’était la paix et pas copiner avec ce sale pillard de triomphe.


 ─ Je connais un bar pas loin, je te paie un coup ! Tu viens ?


 Sans même lui porter de l’attention, Paco enleva son dossard et le jeta par terre. Il continua son chemin. Il avait des choses plus importantes à faire.


 ─ Tu sais, c’est super, la troisième place !


 Paco s’arrêta. Là, c’était trop. Il se retourna, lui fit un bras d’honneur et s’en alla, contrarié. Vraiment, il se prenait pour qui, lui ? Il lui échappa après une poignée de badauds esquivée rapidement.


 Alors qu’il se dirigeait vers son point de rendez-vous, il fut encerclé par des types en bleu et blanc. Il n’avait rien vu venir… Son sang glaça ses veines et le petit garçon en lui refit surface. Heaven l’avait retrouvé.


 Les hommes l’escortèrent à l’écart de la foule et l’un d’eux le plaqua contre le mur. Les yeux de Paco cherchaient frénétiquement leur chef. Si Monsieur Sky était là, alors il-


 Un coup de poing atterrit sur sa joue. Sonné, deux miliciens lui attrapèrent les bras.


 ─ T’as vraiment cru qu’on te laisserait partir tranquille ? Où est-elle ?


 Malgré sa tête qui tournait, Paco les fusilla du regard.


 ─ J’ai bien une petite idée, mais ça ne va pas vous plaire, les provoqua-t-il avec un rictus malicieux.

 ─ Te fous pas de nous !


 Un coup atterrit dans son ventre et Paco se plia en deux. Le type qui l’interrogeait, un gars brun avec d’épais sourcils, se rapprocha de lui pour lui murmurer à l’oreille :

 ─ Monsieur Sky sait où tu es. Il attend juste le bon moment. Quand on l’aura récupérée, tu feras moins le fier. Toi et ta cousine avez juste gagné un sursis, mais tu sais quoi ?


 Son haleine de légumes pourris lui fit détourner la tête.


 ─ Vous n’êtes en liberté que parce qu’il le veut bien. Quand on l’aura entre nos mains, on verra bien qui sera le dernier à rire.


 Paco profita de leur promiscuité pour lui donner un coup de boule. Et ça lui fit du bien ! Ce connard se croyait tout permis parce qu’il était à la tête d’une bande ? Son geste devrait le refroidir.


 L’absence de Monsieur Sky l’avait rassuré, il pouvait bouger de nouveau comme il le voulait. Des gestes agiles le libérèrent de son emprise et, en moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, il s’était de nouveau fondu dans la foule.


▻▸◉◂◅


 Il parvint à semer ces cancers dans la foule. Leur rencontre ne l’avait pas laissé de marbre, mais il n’avait pas le temps d’y penser. Sa cuisse était encore douloureuse et le faisait boîter et il espérait que ça ne permettrait pas à un autre concurrent de le retrouver. Ses pas le menèrent jusqu’aux gradins. Carmen et lui avaient convenu d’un endroit où se retrouver tous ensemble après l’épreuve. Sa cousine et les autres le chercher activement du regard. Il leur fit un petit geste de la main et ils se jetèrent tous sur lui. Surpris, Paco n’eut pas le temps de faire le moindre mouvement. Carmen et Ezi l’enlaçaient de chaque côté et Al vint tous les envelopper tous les trois avec ses grands bras.


 Ils restèrent ainsi un petit moment, sans bouger, sans rien dire. Paco se dit qu’il était bien, là, au chaud et entouré de ceux qu’il aimait. Son corps se détendit brusquement et l’émotion le submergea. Ses yeux commencèrent à piquer.


 ─ Je vais bien… pas besoin de vous mettre dans cet état-là…


 Sa voix déjà tremblante et faible se cassa sur la fin. Les yeux de Carmen et Yaretzi étaient plein de larmes.


 ─ Me regardez pas comme ça…


 Une boule se forma dans sa gorge.


 ─ On a eu tellement peur pour toi.

 ─ Tous ces gens tués, c’était horrible. Tu aurais entendu tous ces cris dans le public, c’était… c’était-


 Yaretzi ne put finir sa phrase et enfouit son visage dans l’épaule de Paco.


 ─ Es-tu obligé de participer à la deuxième épreuve ? C’est peut-être encore plus dangereux, dit Al, tout bas.

 ─ Il ne faut pas vous inquiéter pour moi. Regardez, je suis arrivé troisième sur plus de deux-cent-quatre-vingt personnes !

 ─ À cette épreuve, oui, mais si les autres sont plus difficiles ?


 Au fond de lui, Paco en voulait un peu à sa cousine de ne pas le féliciter davantage. Il avait besoin de savoir si la troisième place était un classement honorable ou non. Il se renfrogna un peu.


 ─ Bah ! On verra bien. Partons d’ici, j’ai pas envie de me faire plus remarquer.


 Il avait été un peu sec et s’était dégagé un peu vite aussi. Puis, après avoir récupéré ses affaires et remit sa cape de voyage, il avait entraîné son groupe à l’écart de la frénésie de la foule. Ezi le rejoignit.


 ─ Pourquoi est-ce que tu es contrarié ?


 Quand elle prenait cette voix douce là, il se sentait obligé de lui dire ce qu’il avait sur le cœur.


 ─ Je suis arrivé troisième…


 Il avait parlé tout bas, honteux. Yaretzi sourit. Elle s’attendait peut-être à quelque chose de plus grave, mais pour Paco, il s’agissait d’une affaire d’état.


 ─ Tu as été absolument fantastique. Tu aurais entendu les compliments que disaient les gens du public pendant la course ! Ton ingéniosité a été saluée aussi pour l’épreuve de la force. Tu as réussi à les faire t’apprécier, tout le monde voulait te voir à l’écran à chaque épreuve !

 ─ Tu dis ça pour me faire plaisir…

 ─ Non, je dis ça parce que c’est vrai. Tu t’es fait remarquer, et en bien !


 Elle se mit face à lui et le força à la regarder dans les yeux.


 ─ Je suis fière de toi. Nous sommes tous très fiers de toi, Paco.


 Elle arriva à lui décrocher un sourire. Paco se pencha pour l’embrasser mais Yaretzi se plia soudain en deux à cause d’une violente quinte de toux. Elle ne s’arrêtait pas. Elle tomba à genoux et du sang coula entre ses doigts.


 Par chance, ils étaient dans un lieu calme, loin du brouhaha de la foule. Paco posa son sac-à-dos par terre et tendit sa gourde à sa bien-aimée. Carmen accourut aussitôt et s’occupa d’asseoir la jeune femme sur le sol. Ses toussotements résonnaient dans les oreilles de Paco. Pourquoi ne s’arrêtaient-ils pas ?


 Il fouillait rageusement dans son sac. Il attrapa enfin le Liquéfieur et l’approcha de Yaretzi avec des gestes saccadés. Il dut s’y reprendre à plusieurs fois avant de l’allumer et il plaça l’appareil au-dessus de la poitrine de Yaretzi, son propre cœur martelant dans sa poitrine. Le bras tendu et tremblant, il appuya sur la gâchette et attendit un moment interminable que l’état de Yaretzi se stabilise.


 Il regarda sa cousine, et ses yeux reflétèrent sa panique.


 Cette crise avait été particulièrement violente. Beaucoup plus que les autres. Et, même malgré le Liquéfieur, Ezi avait toujours l’air de souffrir. Paco baissa l’engin et le rangea dans son sac. Il regarda aux alentours pour être sûr que personne ne l’avait vu.


 Son regard s’arrêta sur une silhouette qui les observait, à l’entrée de la ruelle.

 Par réflexe, Paco attrapa la première arme qu’il avait sous la main et la pointa sur le nouvel arrivant. Même s’il était à contre-jour, il reconnut ses dreadlocks attachées sur sa tête. Il arrivait au pire moment, ce clown.


 ─ Elle n’a pas l’air en forme, votre amie.

 ─ Ferme-la, Sherlock. Qu’est-ce que tu fous là ??


 Le gars leva les mains en l’air.


 ─ Du calme, je ne vous veux aucun mal. Je suis un collègue sorcière, dit-il en désignant du menton l’arme rafistolée de Paco.


 Mais Paco ne baissa pas l’arme pour autant.


 ─ C’est le Souffle de Pierre, n’est-ce pas ?


 Carmen se leva et mit la main sur le bras de Paco. Elle répondit à sa place.

 ─ Pourquoi est-ce que ça t’intéresse ?

 ─ Il y a une rumeur qui court. À Gatita, ils auraient trouvé un remède. Beaucoup de personnes souffrant du Souffle s’y dirigent en ce moment.

 ─ Comment tu peux en être sûr ? Et pourquoi tu nous aides ?

 ─ Parce que j’ai perdu quelqu’un à cause de cette maladie. Je ne sais pas ce qui se passe exactement à Gatita, mais si un traitement existe, ça vaut le coup d’aller voir.


 Voyant que Carmen et Paco faisaient toujours barrage à la malade, le garçon s’en retourna.


 ─ Faites ce que vous voulez de cette information. Je vous souhaite bon courage.


 Il s’en retourna et sortit de la ruelle.


 Le désespoir envahit Paco. Sa machine était censée aider Yaretzi alors pourquoi son état s’était-il détérioré d’un coup ?


 ─ Je pense que c’est le moment, Paco. Tu es d’accord ?


 Il acquiesça en se retournant. Yaretzi respirait encore difficilement. L’épée de Damoclès pesait plus que jamais au-dessus de sa tête : il avait atteint ses limites et ne pourrait pas la sauver seul.

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