Ce qui était frustrant avec l’Alchimiste, c’était que ses apparitions étaient prenantes émotionnellement, et qu’ensuite il disparaissait pendant des périodes pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines. Certes, cela arrangeait le petit commerce illicite des Mages Noirs, mais de l’autre, Matt se sentait un peu vide en attendant la confrontation suivante.

 Matt avait rêvé de cet œil mystérieux qu’il avait aperçu lors de son dernier combat. Il avait aussi rêvé d’arracher tout le masque de cet enquiquineur et voir le désespoir envahir ses yeux.

 Il se reconcentra sur sa mission du jour : dévaliser la pharmacie d’un camp plutôt grand.

 Il avait réussi à entrer facilement. Pour un camp de cette envergure, leur sécurité laissait à désirer. Il n’y avait pas âme qui vive, même pas une pour faire des rondes dans les couloirs. Cet endroit était plus silencieux qu’un cimetière. Tout était indiqué : salle commune, dortoirs, douches, sanitaires… infirmerie ! Matt jubila intérieurement : tout lui était livré sur un plateau d’argent.

 Il se faufila jusqu’à la pièce de ses convoitises en arpentant de longs couloirs à la seule lumière de sa lampe torche. Il poussa la porte. Même pas fermée…

 ─ Allez, c’est parti, chuchota-t-il.

 Il ouvrit silencieusement tous les placards et se mit à choisir méticuleusement ce qu’il allait emporter. Il n’y avait personne alors autant prendre son temps.

 Soudain, d’autres faisceaux de lumière apparurent et deux silhouettes entrèrent dans la pièce.

 Matt s’arrêta dans ce qu’il faisait. Mince, il était repéré. Ils allaient donner l’alerte ! Mais… Ils se toisèrent un moment, comme des prédateurs qui attendaient de voir qui allait mordre en premier. Quelque chose clochait dans le comportement des deux nouveaux arrivés.

 ─ Vous n’êtes pas d’ici, vous d’eux.

 Ils avaient un visage fermé et la mâchoire serrée.

 ─ On vient juste chercher ça, dit la fille en désignant la machine posée sur le comptoir.

 Matt la regarda. Il ne savait même pas ce que c’était.

 ─ Hm… Je ne sais pas. Si c’est ici, c’est que ça doit être utile pour les soins, non ?

 Cela semblait énerver encore plus le garçon qui proposa :

 ─ On te laisse tout prendre et toi tu nous laisses ce truc.

 ─ Oh ? Là, ma curiosité est piquée.

 Il prit l’objet dans ses mains. Il était léger mais avait l’air d’être réalisé avec un assemblage complexe de plusieurs circuits.

 ─ Ça ressemble à un vieil appareil amélioré. Jamais rien vu de pareil. Ça sert à quoi ?

 ─ Pas tes affaires. Donne-le.

 ─ Je sais pas…

 ─ Très bien, alors on sonne l’alerte.

 ─ Allez-y si vous voulez. Vous n’êtes pas non plus de ce camp. Et si je comprends bien la situation, ils vous ont pris quelque chose, cette chose en l’occurrence, et vous êtes venus le reprendre en toute illégalité.

 ─ Marrant venant d’un Mage Noir, ironisa la fille.

 ─ Écoute, tu ne fais clairement pas le poids contre nous deux. Je ne dirai ça qu’une seule fois, le prévint le garçon.

 Matt les détailla plus précisément. Ils étaient taillés comme des athlètes et leur position montrait qu’ils pouvaient lui sauter dessus à n’importe quel moment. Mieux valait ne pas les énerver.

 ─ Très bien, je me rends. Tenez, votre engin bizarre.

 La fille partit lui arracher des mains.

 ─ Tu ne devrais pas traîner ici si tu ne veux pas être découvert, lui fit-elle alors qu’ils s’en allaient.

 ─ Merci, mais tu n’as pas besoin de m’apprendre mon travail.

 Les deux jeunes adultes partis, Matt continua son pillage. Ç’avait été plutôt marrant de croiser d’autres voleurs. Il se demandait quand même ce que pouvait bien être leur drôle de machine…